Le Président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, Président d’honneur du RDR, et Henri Konan Bédié, Président du PDCI RDA , se sont rencontrés le mardi 10 avril 2018, à la Présidence de la République.
Une déclaration commune, qui a été remise à la presse, entérine le principe de la création du « parti unifié ». Que dit cette déclaration ? « Le Président de la République et le président du PDCI-RDA ont adopté le principe de l’accord politique pour la création d’un parti unifié, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) ». La « réconciliation », entre Ouattara et Bédié ( ou plutôt l’idée qu’ils s’entendent sur l’essence au delà des points évidents de divergences ) est réelle. Cela n’exclut nullement les arrière-pensées politiques.
Quatre évidences existent que personne ne peut nier :
1.Le RHDP, coalition de 5 partis politiques, existe depuis le 18 mai 2005.
2.C’est le RHDP qui a remporté l’élection présidentielle de 2010, après que chaque parti a présenté un candidat au premier tour. Au second tour, le RHDP a soutenu Ouattara, seul candidat de la coalition admis au second tour.
3.En 2015, Ouattara a été, dès le premier tour, le candidat unique du RHDP.
4.Depuis 2010, le RHDP a remporté la majorité à toutes les élections.
Une stratégie politique
La rencontre du 10 avril 2018 n’a pas pour objet d’arrêter le choix du candidat du RHDP à la présidentielle de 2020, mais de retrouver un climat apaisé au sein de la coalition au pouvoir, sans interdire à chaque parti de préparer son candidat. La bonne entente entre Ouattara et Bédié se fait sur le dos des ambitions de certains acteurs politiques, et aussi sur le dos des petits partis du RHDP. Là encore, 4 évidences plus discutables que les premières citées plus hauts :
1.« Parti unifié » ne signifie pas « parti unique».
2.Parler de la création d’un « parti unifié » relève du tour de passe-passe sémantique, car le RHDP existe depuis 2005.
3.La rencontre entre les Présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié arrive après des mois de brouille et la multiplication des fissures au sein de la coalition. Depuis un an , Bédié est contrarié par Ouattara, mais aussi Ouattara est contrarié par Bédié. Finalement, les deux hommes ont accepté de se parler afin d’apaiser les tensions entre leurs équipes et de faire taire les « snipers » de leur camp.
4.Ouattara et Bédié, en fins politiques, ont appliqué le vieil adage : « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Chacun a brandi et mesuré ses forces, mais personne ne veut céder à la rupture, au divorce définitif, car le RDR et le PDCI ont tout à perdre dans la disparition du RHDP.
Afin de conserver le pouvoir, il ne peut y avoir qu’une stratégie commune, celle du « parti unifié », avec un objectif différent, celui de la désignation du candidat à la présidentielle en 2020.
2018-2020 : l’installation d’un rapport de force
Ouattara et Bédié, qui sont de fins stratèges politiques, sentent le danger. Ils ont d’abord constaté la montée de l’abstention lors des dernières élections, les victoires des indépendants, sur fond de grogne sociale. Il est urgent, dans leur esprit, de revenir à l’esprit du RHDP des années 2005-2015, afin de « pacifier » la séquence 2018-2020. À court terme, rien ne sera décidé quant à l’élection présidentielle de 2020, chacun campant sur ses positions. Pour Bédié, Ouattara n’a pas d’autre choix que de s’engager pour une alternance en faveur du PDCI en 2020 ; de son côté Ouattara affirme qu’il n’a rien promis. Pendant ce temps, des cadres Pdci sont en déphasage avec la base.
Mais, il ne s’agit plus de jouer la partition de la division. C’est pour cela que la déclaration commune du mardi 10 avril n’est pas signée par le RDR et le PDCI, ni dans les locaux du RDR ou du PDCI. Les partis politiques ont tendance à courir dans le couloir de leur intérêt politicien et partisan. Ouattara et Bédié ont une vision plus large, plus prospective, qui les conduit à décréter la fin de la « brouille », à siffler la fin de la récréation.
Il s’agit maintenant, pour le RDR et le PDCI, de jouer la scène de la réconciliation, afin de se « réarmer » et créer un rapport de force, chacun en sa faveur. C’est pour cela qu’il n’y aura pas de remaniement ministériel avec le départ des ministres PDCI. On peut même assister à quelques nominations de figures du PDCI oubliées ou écartées récemment. Déjà, la présidence du Sénat est allée à un bédiéiste , Jeannot Ahoussou-Kouadio, un cadre du PDCI, mais aussi un fidèle de Ouattara, dont chacun s’accorde à reconnaître le sens du dialogue, et de la modération . N’était-il pas ministre d’État chargé du Dialogue politique et des relations avec les institutions ?
Que peuvent penser réellement Bédié et Ouattara ?
Il n’existe que deux hypothèses : soit, l’un et l’autre songent à se représenter en 2020, ce qui est risqué, et surtout désormais exclu malgré les spéculations sur la question ; soit, l’un et l’autre préparent « leur » candidat, ce qui, en toute vraisemblance, exclut une candidature unique RHDP au premier tour, mais une ( difficile et périlleuse alliance) RDR-PDCI pour le second tour, car contrairement à 2010, où durant la campagne les deux partis ne se sont même pas attaqués concentrant sur Laurent Gbagbo, en 2020 la guerre directe sera inévitable.
Ce sera difficile , mais nous pensons qu’il y aura une sorte « primaire », de batailles internes au sein du RHDP pour désigner un candidat unique dès le premier tour. Lorsque le parti unifié sera créé , des consultations ou appel à candidature seront lancés pour choisir un duo qui, avec la force de l’appareil politique, Rhdp, pourrait espérer remporter l’élection présidentielle. C’est donc le retour du politique auquel nous allons assister entre 2018 et 2020. Mais le fait que le dispositif soit basé sur la seule volonté des deux hommes , le rend fragile , puisqu’on a l’impression qu’il suffit qu’un seul ne soit pas d’accord, ou qu’il ne soit pas disponible ( un empêchement pour toute raison ), pour que la machine se grippe, et que tout le dispositif s’écroule au sein du Rhdp. Ce n’est pas bien que les partis continuent de dépendre des leaders charismatiques, et non des bases et de leurs structurations. L’adhésion au parti unifié doit aller au delà de Bédié et Ouattara, et au delà des instances. Cela doit être l’objet d’une adhésion, de tous.
Ouattara avait réussi à « geler » le politique en mettant en avant la réussite économique du pays et les réformes néolibérales qui ont libéré les initiatives. Il a été rattrapé par la grogne sociale, les émeutes de l’électricité et les revendications des militaires.
Des cadres du Pdci-Rda, oubliant qu’il peut être possible d’évacuer leurs responsabilités, sont tenues de s’engouffrer dans cette brèche ouverte par la crise sociale. Ils escomptent développer une ligne politique très sociale, sur le mode « les réformes doivent profiter aux assiettes des Ivoiriens », rappelant que le PDCI d’Houphouët-Boigny n’était pas socialiste, mais qu’il savait conduire une vraie politique sociale. Mais les opposants et les ivoiriens qui ont suivi la caution appuyée apportée par le Pdci, à la politique du Président Ouattara, seront-ils sensibles à un tel revirement ?
Ce qui va être intéressant, ce n’est pas la scène de l’unité retrouvée, le théâtre des apparences, mais ce qui se trame en coulisses, Bédié et Ouattara veillant à ce que les « noyaux durs » et les « snipers » de leurs camps se taisent, alors qu’il faut laisser les uns et les autres montrer ce qu’ils valent et pèsent réellement dans le cadre d’un débat démocratique, à l’intérieur des partis, et d’un vote libre et transparent, seuls facteurs irréversibles d’adhésion au parti unifié.
Le RDR organise le 5 mai 2018 un congrès extraordinaire dans le but de faire avancer les discussions, et adopter le calendrier pour la mise en place du « parti unifié ». Ce ne sont plus certes Ouattara et Bédié qui vont signer une déclaration commune à l’issue de ce congrès, ce seront le RDR et le PDCI, qui vont endosser . Mais, chacun sait que ce sont Ouattara et Bédié qui tiendront le stylo. Ce qui n’est pas tout à fait démocratique…. Lors de son intronisation, à la Fondation Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro (tout un symbole), le premier Président du premier Sénat ivoirien, Jeannot Ahoussou-Kouadio, avait donné le « la », lorsqu’il a rendu un hommage appuyé à Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, parlant d’« un duo qui gagne et qui fait avancer la Côte d’Ivoire dans la paix, l’unité et le développement ».
Personne n’est contre le retour du politique dans le débat public. Le problème est que les Ivoiriens ne comprennent plus d’avoir le sentiment que le gouvernement reste l’œil fixé sur les chiffres de la croissance, oubliant les réalités de la vie quotidienne. Les populations sont inquiètes, car le retour du politique fait peser la menace d’un retour de l’instabilité et l’aggravation de toutes les fractures ivoiriennes.
Charles Kouassi
Une déclaration commune, qui a été remise à la presse, entérine le principe de la création du « parti unifié ». Que dit cette déclaration ? « Le Président de la République et le président du PDCI-RDA ont adopté le principe de l’accord politique pour la création d’un parti unifié, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) ». La « réconciliation », entre Ouattara et Bédié ( ou plutôt l’idée qu’ils s’entendent sur l’essence au delà des points évidents de divergences ) est réelle. Cela n’exclut nullement les arrière-pensées politiques.
Quatre évidences existent que personne ne peut nier :
1.Le RHDP, coalition de 5 partis politiques, existe depuis le 18 mai 2005.
2.C’est le RHDP qui a remporté l’élection présidentielle de 2010, après que chaque parti a présenté un candidat au premier tour. Au second tour, le RHDP a soutenu Ouattara, seul candidat de la coalition admis au second tour.
3.En 2015, Ouattara a été, dès le premier tour, le candidat unique du RHDP.
4.Depuis 2010, le RHDP a remporté la majorité à toutes les élections.
Une stratégie politique
La rencontre du 10 avril 2018 n’a pas pour objet d’arrêter le choix du candidat du RHDP à la présidentielle de 2020, mais de retrouver un climat apaisé au sein de la coalition au pouvoir, sans interdire à chaque parti de préparer son candidat. La bonne entente entre Ouattara et Bédié se fait sur le dos des ambitions de certains acteurs politiques, et aussi sur le dos des petits partis du RHDP. Là encore, 4 évidences plus discutables que les premières citées plus hauts :
1.« Parti unifié » ne signifie pas « parti unique».
2.Parler de la création d’un « parti unifié » relève du tour de passe-passe sémantique, car le RHDP existe depuis 2005.
3.La rencontre entre les Présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié arrive après des mois de brouille et la multiplication des fissures au sein de la coalition. Depuis un an , Bédié est contrarié par Ouattara, mais aussi Ouattara est contrarié par Bédié. Finalement, les deux hommes ont accepté de se parler afin d’apaiser les tensions entre leurs équipes et de faire taire les « snipers » de leur camp.
4.Ouattara et Bédié, en fins politiques, ont appliqué le vieil adage : « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Chacun a brandi et mesuré ses forces, mais personne ne veut céder à la rupture, au divorce définitif, car le RDR et le PDCI ont tout à perdre dans la disparition du RHDP.
Afin de conserver le pouvoir, il ne peut y avoir qu’une stratégie commune, celle du « parti unifié », avec un objectif différent, celui de la désignation du candidat à la présidentielle en 2020.
2018-2020 : l’installation d’un rapport de force
Ouattara et Bédié, qui sont de fins stratèges politiques, sentent le danger. Ils ont d’abord constaté la montée de l’abstention lors des dernières élections, les victoires des indépendants, sur fond de grogne sociale. Il est urgent, dans leur esprit, de revenir à l’esprit du RHDP des années 2005-2015, afin de « pacifier » la séquence 2018-2020. À court terme, rien ne sera décidé quant à l’élection présidentielle de 2020, chacun campant sur ses positions. Pour Bédié, Ouattara n’a pas d’autre choix que de s’engager pour une alternance en faveur du PDCI en 2020 ; de son côté Ouattara affirme qu’il n’a rien promis. Pendant ce temps, des cadres Pdci sont en déphasage avec la base.
Mais, il ne s’agit plus de jouer la partition de la division. C’est pour cela que la déclaration commune du mardi 10 avril n’est pas signée par le RDR et le PDCI, ni dans les locaux du RDR ou du PDCI. Les partis politiques ont tendance à courir dans le couloir de leur intérêt politicien et partisan. Ouattara et Bédié ont une vision plus large, plus prospective, qui les conduit à décréter la fin de la « brouille », à siffler la fin de la récréation.
Il s’agit maintenant, pour le RDR et le PDCI, de jouer la scène de la réconciliation, afin de se « réarmer » et créer un rapport de force, chacun en sa faveur. C’est pour cela qu’il n’y aura pas de remaniement ministériel avec le départ des ministres PDCI. On peut même assister à quelques nominations de figures du PDCI oubliées ou écartées récemment. Déjà, la présidence du Sénat est allée à un bédiéiste , Jeannot Ahoussou-Kouadio, un cadre du PDCI, mais aussi un fidèle de Ouattara, dont chacun s’accorde à reconnaître le sens du dialogue, et de la modération . N’était-il pas ministre d’État chargé du Dialogue politique et des relations avec les institutions ?
Que peuvent penser réellement Bédié et Ouattara ?
Il n’existe que deux hypothèses : soit, l’un et l’autre songent à se représenter en 2020, ce qui est risqué, et surtout désormais exclu malgré les spéculations sur la question ; soit, l’un et l’autre préparent « leur » candidat, ce qui, en toute vraisemblance, exclut une candidature unique RHDP au premier tour, mais une ( difficile et périlleuse alliance) RDR-PDCI pour le second tour, car contrairement à 2010, où durant la campagne les deux partis ne se sont même pas attaqués concentrant sur Laurent Gbagbo, en 2020 la guerre directe sera inévitable.
Ce sera difficile , mais nous pensons qu’il y aura une sorte « primaire », de batailles internes au sein du RHDP pour désigner un candidat unique dès le premier tour. Lorsque le parti unifié sera créé , des consultations ou appel à candidature seront lancés pour choisir un duo qui, avec la force de l’appareil politique, Rhdp, pourrait espérer remporter l’élection présidentielle. C’est donc le retour du politique auquel nous allons assister entre 2018 et 2020. Mais le fait que le dispositif soit basé sur la seule volonté des deux hommes , le rend fragile , puisqu’on a l’impression qu’il suffit qu’un seul ne soit pas d’accord, ou qu’il ne soit pas disponible ( un empêchement pour toute raison ), pour que la machine se grippe, et que tout le dispositif s’écroule au sein du Rhdp. Ce n’est pas bien que les partis continuent de dépendre des leaders charismatiques, et non des bases et de leurs structurations. L’adhésion au parti unifié doit aller au delà de Bédié et Ouattara, et au delà des instances. Cela doit être l’objet d’une adhésion, de tous.
Ouattara avait réussi à « geler » le politique en mettant en avant la réussite économique du pays et les réformes néolibérales qui ont libéré les initiatives. Il a été rattrapé par la grogne sociale, les émeutes de l’électricité et les revendications des militaires.
Des cadres du Pdci-Rda, oubliant qu’il peut être possible d’évacuer leurs responsabilités, sont tenues de s’engouffrer dans cette brèche ouverte par la crise sociale. Ils escomptent développer une ligne politique très sociale, sur le mode « les réformes doivent profiter aux assiettes des Ivoiriens », rappelant que le PDCI d’Houphouët-Boigny n’était pas socialiste, mais qu’il savait conduire une vraie politique sociale. Mais les opposants et les ivoiriens qui ont suivi la caution appuyée apportée par le Pdci, à la politique du Président Ouattara, seront-ils sensibles à un tel revirement ?
Ce qui va être intéressant, ce n’est pas la scène de l’unité retrouvée, le théâtre des apparences, mais ce qui se trame en coulisses, Bédié et Ouattara veillant à ce que les « noyaux durs » et les « snipers » de leurs camps se taisent, alors qu’il faut laisser les uns et les autres montrer ce qu’ils valent et pèsent réellement dans le cadre d’un débat démocratique, à l’intérieur des partis, et d’un vote libre et transparent, seuls facteurs irréversibles d’adhésion au parti unifié.
Le RDR organise le 5 mai 2018 un congrès extraordinaire dans le but de faire avancer les discussions, et adopter le calendrier pour la mise en place du « parti unifié ». Ce ne sont plus certes Ouattara et Bédié qui vont signer une déclaration commune à l’issue de ce congrès, ce seront le RDR et le PDCI, qui vont endosser . Mais, chacun sait que ce sont Ouattara et Bédié qui tiendront le stylo. Ce qui n’est pas tout à fait démocratique…. Lors de son intronisation, à la Fondation Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro (tout un symbole), le premier Président du premier Sénat ivoirien, Jeannot Ahoussou-Kouadio, avait donné le « la », lorsqu’il a rendu un hommage appuyé à Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, parlant d’« un duo qui gagne et qui fait avancer la Côte d’Ivoire dans la paix, l’unité et le développement ».
Personne n’est contre le retour du politique dans le débat public. Le problème est que les Ivoiriens ne comprennent plus d’avoir le sentiment que le gouvernement reste l’œil fixé sur les chiffres de la croissance, oubliant les réalités de la vie quotidienne. Les populations sont inquiètes, car le retour du politique fait peser la menace d’un retour de l’instabilité et l’aggravation de toutes les fractures ivoiriennes.
Charles Kouassi