I. Contexte
La Corruption ronge l’Afrique et menace le développement de plusieurs pays du continent. C’est à juste titre, que la plupart des pays africains figurent encore parmi les nations les plus corrompues et les plus pauvres au monde, selon Transparency International (TI) et la Banque Mondiale (BM).
Conscients de cette situation, les Chefs d’Etat et de gouvernement, lors du 30e sommet ordinaire de l’Union Africaine (UA) qui s’est tenu les 28 et 29 janvier 2018 à Addis-Abeba en Ethiopie, ont décidé de choisir pour thème de leurs travaux : «Gagner la bataille de la lutte contre la corruption : Une voie durable vers la transformation de l’Afrique».
Le choix de ce thème s’il est louable demeure encore un vœu pieu pour la plupart des pays africains qui ploient toujours sous le poids de nombreux scandales de détournements de deniers publics. L’Alliance pour le Développement (ARDPC) voudrait s’interroger sur la situation actuelle de la gouvernance en Côte d’Ivoire, et les défis de la lutte contre la corruption dans un contexte marqué par la multiplication des scandales de corruption divers qui sapent malheureusement, le bien-être des populations et compromettent l’émergence tant souhaité.
II. La Situation et les Faits
Récemment, malgré mise en place de structures dédiées à la lutte contre la corruption, entre autre, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) et une multitude d’initiatives anti-corruption, des scandales d’une ampleur inquiétante se sont succédés dans le pays, au nombre desquels :
1. L’Affaire du détournement au Guichet Unique Automobile (GUA). Déclenchée depuis le mois d’avril 2018, ce sont entre deux milles (2000) et six mille (6000) voitures de luxe, qui ont frauduleusement été immatriculées sans que les caisses de la douane n’aient recueillis le montant du prélèvement douanier régulier. Les montants pour le dédouanement d’un véhicule de luxe neuf en Côte d’Ivoire étant estimés à 44,28% du prix d’achat chez le concessionnaire, c’est donc plus de 20 milliards de F CFA de perte qu’enregistre l’Etat dans ce scandale de corruption pour seulement 1500 voitures sorties frauduleusement.
2. L’Affaire de la Mauvaise Gouvernance du CCC. Le scandale porte sur des pertes globales estimées à 500 milliards de F CFA pour l’Etat et les planteurs pour les campagnes café-cacao 2016-2017 du fait du népotisme et du clientélisme, caractérisés par des recrutements complaisants, fragilisant la gouvernance du Conseil Café-Cacao (CCC), et l’attribution d’agréments d’exportations à des entreprises dirigées par des proches, incapables de livrer à l’export leurs cargaisons, selon la Lettre du Continent no. 775 du 25 avril 2018, citant le rapport d’audit de la filière café-cacao de KPMG commandité par le gouvernement ivoirien.
3. L’Affaire de l’endettement dû à la mauvaise gouvernance au CCC. Il y a eu un accroissement de la dette du pays, suite à la négociation d’un prêt de $300 millions (165 milliards CFA) auprès de la Banque Mondiale par le gouvernement ivoirien pour relancer le secteur café-cacao, du fait de la mauvaise gouvernance précitée. Pour rappel, la dette déjà à 8900 milliards environ fin 2017, atteindra 10071 milliards de F CFA d’ici fin 2018 selon les estimations, soit 2 fois presque le montant d’avant PPTE.
4. L’Affaire du Fonds de Réserve. A cause de la mauvaise gouvernance, il a été impossible au CCC de débloquer 80 milliards pour faire face à la crise de commercialisation, sur le fonds de réserve, bien que prévu dans le mécanisme du CCC, selon le Président du Syndicat National Agricole pour le Progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI). Cette situation a certes entraîné le limogeage de la Directrice Générale du CCC et son remplacement en août 2017, mais il n’y a eu aucune procédure ouverte afin de situer les responsabilités et donner force à la loi, ni attente des conclusions de l’audit de KPMG, avant toute décision rationnelle.
5. L’Affaire de la passation des marchés des routes et Infrastructures. Le Scandale de la pauvre qualité des infrastructures publiques et de la dégradation précoce accélérée des routes ivoiriennes est une préoccupation. Une situation qui affecte négativement l’économie et le bien-être des populations, à l’image des routes du bassin du gourou ; carrefour indénié et carrefour zoo, qui ont englouti plusieurs milliards de ressources publiques, et dont la durée de vie du goudron n’a été que de quelques mois.
6. Le scandale des détournements à la FIF. Les scandales de la FIF relatifs au détournement des primes des Eléphants footballeurs, vainqueurs de la CAN 2015, portant sur un montant de 700 millions à 1,5 milliards, et les soupçons récents de corruption. La première enquête nationale dont on entend plus parler se déroule dans un manque de transparence totale, et tarde à livrer ses conclusions, malgré le licenciement du ministre des sports d’alors Mr. Alain Lobognon et le virement du régisseur des compétitions internationales, Mr. Patrick Yapi. Des voix de joueurs et encadreurs continuent de s’élever, vivement et en justice, contre le Président de la FIF, Sidy Diallo, pour sa prétendue implication dans cette corruption. Un autre scandale, en Mai 2018, a emmené la FIFA à commanditer un audit de la FIF. Contre toute attente, la FIF a refusé de faire auditer la gestion des fonds/financements de plusieurs milliards alloués, tant par la FIFA que par l’Etat de Côte d’Ivoire, narguant et créant ainsi une institution hybride (FIF) qui n’a aucune obligation de transparence et de redevabilité. Heureusement que les acteurs ivoiriens, le gouvernement et la FIFA viennent de contraindre la FIF à se plier enfin à un audit.
7. L’Affaire du 2e terminal à Conteneur du Port Autonome d’Abidjan (PAA). Le Scandale de soupçons de corruption impliquant Mr Bolloré Vincent et des agents publics étrangers ouest-africains (du Togo et de la Guinée) pour l’attribution de la gestion des terminaux à conteneurs dans les ports, qui a éclaté le 24 avril 2018 à Paris, relance et jette des interrogations sur l’affaire de l’attribution du 2e terminal à conteneurs du PAA à Bolloré, déjà concessionnaire du premier terminal, en violation des règles de marchés publics de l’UEMOA, alors que Bolloré était arrivé 3e pour l’issue de l’analyse technique (JA, 18 mars 2013).
8. L’Affaire Fraternité-Matin. La Mauvaise gouvernance qui a entrainé 10 ans de difficultés financières, un endettement à hauteur de 9 milliards de F CFA et la quasi-faillite de Fraternité Matin, dans lequel l’Etat vient d’injecter 3.6 milliards et apuré pour 5.5 milliards de dettes, n’a fait l’objet d’aucune transparence, ni d’obligation de rendre compte.
9. L’Affaire du Conseil Coton et Anacarde (CCA). Les audits et rapports contradictoires de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) et de la Haute Autorité à la Bonne Gouvernance (HABG) sur les prétendus détournements de fonds par le Directeur Général du Conseil du Coton et de l’Anacarde (CCA) portant sur la somme de 5 à 9 milliards en juin 2016, bien qu’ayant occasionnés la mise à l’écart du DG et d’un de ses adjoints, n’ont pas favorisé la transparence et la justice.
10.L’Affaire du Fonds/ Budget de Souveraineté. La polémique relative à l’allocation du fonds et/ou budget de souveraineté, née entre la Lettre du Continent, la Présidence de la République ivoirienne et les acteurs politiques, et portant sur la somme de 342.6 milliards de F CFA, publiée dans le No. 759 de cet éditorial, en son édition du 30 août 2017, continue d’intriguer. A cela il faut ajouter le montant alloué au budget de fonctionnement de la présidence qui serait passé de 86 à 100 milliards. L’on est en attente de la suite du procès que le gouvernement dit avoir lancé contre la lettre du continent, et pour lequel nos sources à Paris n’ont pu fournir à ce jour aucunes informations précises.
III. Analyse
Ces cas cités sont symptomatiques d’une défaillance du système de gouvernance et d’obligation de rendre compte dans le pays. On constate au vue de la situation que l’impunité persiste dans une certaine mesure, bien que le pays occupe le 103e rang sur 180 pays noté en 2017, et ait amélioré sa note sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) de Transparency International (TI), en passant de 22/100 à 36/100 entre 2011 et 2017. En effet, le pays est resté parmi les nations les plus corrompues au monde, malgré cette légère avancée qui semble constituer un laurier de sommeil national.
Affaire 1
Le Scandale du Guichet Unique Automobile (GAU) révèle au moins 3 faits :
(i) L’éclatement du scandale est moins issu d’un processus institutionnel ou juridique systématique que de l’action d’un Ministre (Mr Sansan Kambile) qui se serait interrogé sur une faveur accordée par les responsables du GUA, lui permettant de ne pas payer le dédouanement de son véhicule. La même Fraude avait été dénoncée par l’ancien Ministre Gnamien Konan et ancien DG de la douane. Nous saluons au passage la grandeur dont ces deux ivoiriens honnêtes ont fait preuve. Ils montrent ainsi à tous les citoyens ivoiriens la vraie notion de ‘’l’ivoirien nouveau’’, et le chemin de la transparence, de la responsabilité, de la vraie lutte contre la corruption et de la bonne gouvernance. L’ARDPC appelle les ivoiriens à Refuser, chacun à son niveau, de payer pour corrompre, d’accepter des faveurs imméritées et des pots de vins. L’ARDPC les appelle à être intègres et à œuvrer pour un niveau de corruption O en Côte d’Ivoire.
(ii) la probabilité d’existence de plusieurs autres cas similaires de corruption dans toutes les administrations publiques du pays,
(iii) l’arrestation proactive de quelques personnes impliquées et l’ouverture d’une enquête.
Le premier fait révèle au moins que l’armada des instruments, systèmes et institutions dont s’est doté le pays en matière de lutte contre la corruption n’est pas encore en mesure de détecter de manière systématique et sure les nombreux cas de corruptions potentielles dans nos institutions publiques.
Sur la probabilité d’existence de cas de corruption similaires dans nos institutions, une lutte crédible contre la corruption ne saurait s’offrir le luxe de ne pas auditer et publier les comptes et la gestion de toutes les administrations et institutions publiques de la Côte d’Ivoire afin de s’assurer d’extirper le cancer de la corruption de notre pays. Ces audits et évaluations des administrations publiques doivent être institutionnalisés au moyen de textes légaux et administratifs nationaux.
Sur le 3e fait, il serait juste de mettre sous mandat de dépôt au moins tous les responsables impliqués dans la chaîne de dédouanement, pendant que l’enquête suit son cours pour identifier tous les vrais coupables. L’impartialité, la proactivité et la similarité devraient caractériser l’action du gouvernement ivoirien dans tous les cas d’allégations de corruption. Cela nécessite une norme à suivre et une véritable stratégie de lutte contre la corruption qui n’existe pas encore à ce jour dans le pays. Au cas échéant, la lutte contre la corruption sous nos tropiques ressemblerait, à tort ou à raison, à une chasse aux sorcières.
Affaire 2
La défaillance du système de gouvernance de nos produits agricoles, étalée par la mauvaise gestion du CCC et de la CCA, demeure une question lancinante. En effet, aucun régime depuis les indépendances n’est parvenu, à ce jour, à anéantir la corruption dans ce secteur. La Côte d’Ivoire dont l’économie a été bâtie grâce à l’agriculture ne peut continuer de brader son secteur agricole et de le livrer à la prédation, à travers la gouvernance approximative des structures de gestion des différentes filières.
Affaire 3
Faut-il poursuivre l’endettement du pays et laisser un lourd fardeau aux générations futures quand cette dette sert à alimenter des institutions dont la gouvernance est mauvaise ou faut-il ‘’réparer la gouvernance ivoirienne’’? Sachant que la dette odieuse est surement un frein à l’émergence, au développement et ne sert pas la cause du bien-être de la population et de la transparence, n’est-il pas impératif pour le pays de Gagner la bataille de la lutte contre la corruption ?
Affaire 4
Le Fonds de réserve du CCC est inconnu du grand public, et sa gestion est apparue opaque lors de la crise de commercialisation des produits agricoles pendant les campagnes 2016-2017 et au premier trimestre 2018. Ce fonds n’a pas été à la mesure des attentes. Il apparait donc nécessaire de l’auditer, d’établir des mécanismes transparents et responsables de sa gestion, et de l’étendre aux autres produits agricoles et secteurs afin de sauver l’agriculture et l’économie ivoirienne de la corruption.
Affaire 5
Les inondations fréquentes, après seulement une demi-journée de pluie (la dernière en date a eu lieu au carrefour indénié ce mois de mai 2018), étalent au grand jour l’évidence de corruption dans la passation des marchés de routes, infrastructures et ouvrages publics, ou du moins, la complaisance dans les audits et contrôles des services et infrastructures publics dans le pays. Aucun compte n’a été demandé à ce jour à l’AGEROUTE, ni aux structures de contrôle, ni aux entreprises ayant construits ou réhabilités ces routes. Pires, les conditions de passation de ces marchés n’ont été interrogées par aucunes structures de gouvernance du pays. S’agissant de la passation des marchés publics, l’audit de 60 des 1025 (soit 501 milliards F CFA) marchés passés de gré à gré de 2011 à 2013, indiquait que 95% ne sont pas fondées. Ce qui signifie que plusieurs marchés ont été passés, sans raisons valables, à des entreprises dont la compétence et l’expérience n’ont pas fait l’objet d’évaluations concurrentes, et dont la probabilité d’amateurisme est forte. Ce fait pourrait constituer une raison potentielle de la pauvre qualité des routes et infrastructures publics dans le pays. Le scenario d’une corruption sur ces marchés pourrait également justifier l’insuffisance de ressources disponibles pour la construction d’une route qui réponde aux normes et standards de qualité. D’où la dégradation précoce, rapide et avancée desdites routes.
Affaire 6
Au-delà de l’audit de la FIFA, nous demandons à l’Etat ivoirien de faire auditer les budgets alloués à la FIF par le trésor public ivoirien, budgets qui demeurent, l’argent de tous les ivoiriens. De même, toutes les structures publiques nationales doivent faire l’objet d’un audit et d’un suivi-évaluation appropriés.
Affaire 7
Dans l’affaire Bolloré, nul doute que n’eut été l’implication des intérêts et firmes françaises concurrentes dans le procès ouvert à Paris, ces scandales seraient restés opaques sous nos tropiques, ce qui nécessite pour la cause de la transparence et de la responsabilité, que la lumière judiciaire soit faite sur les conditions d’attribution du 2e terminal à conteneurs du PAA à Bolloré par les juridictions et les institutions de transparence ivoiriennes.
Afin d’éviter les abus de positions dominantes des monopoles (terminal à conteneurs PAA, SODECI, CIE, Orange,…), il est nécessaire que des audits soient commandités, surtout que cette affaire-ci pourrait favoriser un abus similaire à l’affaire du remplacement des décodeurs de Canal+, une autre entreprise du groupe Bolloré, par de nouveaux décodeurs à un prix payant pour les abonnés ivoiriens, alors qu’il est gratuit pour les abonnés de la même compagnie en France.
Affaire 8
L’affaire de Fraternité Matin qui a entraîné le limogeage le 15 mars 2018 du DGA, Mr. Saganogo Lamine venu en pompier pour sauver ‘’la gestion jugée calamiteuse du DG’’, semble opaque et incomplète car le plan de restructuration annoncé par l’Etat reste inconnu à ce jour, et tous les syndicats appellent en vain également au limogeage du DG (Mr. Venance Konan) qui partage les responsabilités avec son adjoint. Pour les besoins de la justice, la transparence et la responsabilité, une enquête devrait être diligentée et tous les coupables mis plutôt à la disposition de la justice. En effet, les limogeages ne sont pas suffisants pour améliorer la gouvernance des structures publiques.
Affaire 9
Les limogeages dans l’affaire CCA restent opaques en matière d’obligation de rendre compte et de lutte contre la corruption, surtout que les dirigeants des deux structures étatiques (IGE et HABG) qui ont essayé tant bien que mal de faire la lumière sur cette affaire ont été limogés, à leur tour. Ces limogeages successifs pourraient desservir la cause de la transparence et la responsabilité dans cette affaire.
Affaire 10
S’agissant de la plainte de l’Etat contre la Lettre du Continent, l’ARDPC tout en félicitant les autorités ivoiriennes pour cette démarche qui vise à poursuivre les efforts du gouvernement ivoirien en faveur de la transparence, la redevabilité et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques, nécessaires à la préservation de la signature de l’Etat de Côte d’Ivoire, et à l’allocation efficiente des ressources publiques en faveur du développement et des populations, souhaite que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
D’autres questions suscitent beaucoup d’interrogations si le pays veut ‘’gagner la bataille de la lutte contre la corruption’’.
La question de la déclaration du patrimoine montre l’insuffisance même des efforts de lutte contre la corruption, en ce sens que cet exercice n’est ni transparent, ni responsable et n’a aucun caractère obligatoire. Ce qui permet à plusieurs hauts cadres de la fonction publique de refuser ce devoir de transparence à ce jour.
Les rapports des institutions de gouvernance et de surveillance
De même les dénonciations et plaintes des citoyens des cas de corruption auprès de la HABG, les publications, ainsi que les rapports de la déclaration de patrimoine, ceux de l’IGE, de la HABG, et de la Cour des Comptes n’ont jamais fait l’objet de traitement, de diffusion publique, ni de divulgation, comme le prescrivent les lois sur la liberté d’information dans le pays.
Le mandat et la réforme de la HABG : Cette institution doit être dotée d’un mandat de poursuite, ou être dissoute et remplacée, ou reformée et rendue autonome de la présidence, et être inclusive, pour faire place à une institution composée tant dans l’équipe du personnel que dans son Conseil statutaire ou d’administration de membres issus de tous les acteurs (Société civile, Etat, secteur privé, médias, parlementaires, structures décentralisées, etc..) pour une plus grande indépendance et efficacité.
L’immobilisme de la justice et des institutions de lutte devant les nombreux cas de corruption révèle soit une complicité, soit une inefficacité, ou une possibilité de corruption, ou des dispositions et textes institutionnelles et juridiques inappropriés pour l’auto-saisine, et une lutte efficace contre le crime de corruption. Dans ce cas, les institutions telles que la HABG, l’IGE, la Cour de Comptes et la justice disposeraient de textes inadaptés ou de mandat inappropriés pour garantir l’efficacité et l’effectivité de la lutte.
IV. Conclusions et Recommandations
La situation de corruption généralisée a appauvri davantage les ivoiriens et renchéri le coût des services publics, tel que l’eau, l’électricité, le panier de la ménagère, le transport, etc... Un (1) ivoirien sur deux (2) ne mange toujours pas à sa faim dans le pays, et les marchés sont discriminants et captifs, malgré les clameurs apparentes. La signature du pays se trouve aujourd’hui entachée par la mauvaise gouvernance, comparativement au Sénégal qui a levé récemment plus d’argent sur le marché des capitaux européens (eurobonds) que la Côte d’Ivoire.
Au regard des faits et de l’analyse qui précède, L’ARDPC voudrait formuler des recommandations à l’endroit des acteurs suivants :
Gouvernement et Etat de Côte d’Ivoire
1. conduire des investigations crédibles sur tous les scandales de corruption précités et pendants dans le pays à ce jour, traduire en justice les auteurs, et mettre fin à l’impunité dans le pays,
2. auditer, évaluer, faire le suivi-évaluation et contrôler les comptes et la gestion de toutes les structures et institutions publiques nationales,
3. réduire au strict minimum la passation des marchés de gré-à-gré, auditer lesdits marchés, et reformer toutes les structures de passation des marchés publics et leurs personnels ; notamment l’AGEROUTE, l’ANRMP, et les directions et agences de passation des marchés publics,
4. rendre obligatoire la déclaration publiée de patrimoine pour tout fonctionnaire et agent de l’Etat; avec des délais ; en plus du contrôle des comptes bancaires et l’origine des fonds reçus afin de justifier la richesse de tout citoyen,
5. Elaborer un plan stratégique national complet de lutte contre la corruption sur le modèle des nations comme la Corée du Sud et du Maroc,
6. Accroitre l’efficacité de la lutte en créant une structure nationale inclusive de lutte impliquant tous les acteurs (Etat, Secteur Privé, Société Civile, patronat, Medias, Parlementaires, Structures décentralisées, etc),
7. Systématiser l’auto-saisine de la justice et les poursuites judiciaires, suites aux enquêtes des institutions habilitées concernant les cas d’allégations de corruption,
8. Consolider la séparation des pouvoirs et renforcer les institutions de surveillance/contrôle et de lutte contre la corruption dans leurs rôles et fonctions, notamment la CC, l’IGE, et l’Assemblée nationale, et autonomiser et rendre inclusive la HABG,
9. Publier et divulguer systématiquement les dénonciations et les rapports des institutions de gouvernance et de lutte contre la corruption (HABG, IGE, CC, Commissions de l’Assemblée Nationale, CENTIF, etc…) qui ont fait l’objet de conclusion d’enquête et de validation,
10.promouvoir le budget participatif, veiller à son allocation optimale et œuvrer à la publication populaire du budget, de la loi des finances et de la loi des règlements,
11.Consolider la dépénalisation des lanceurs d’alerte, les récompenser et promouvoir les lois sur la Liberté d’Information et d’Expression (LIE),
12.Signer toutes les conventions internationales et régionales de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance, les domestiquer, les promouvoir et les appliquer.
Communauté Internationale et Partenaires Techniques et Financiers
1. appuyer la société civile ivoirienne dans ses efforts de lutte citoyenne contre la corruption, dont la campagne PACT et O-Corruption, lancée récemment,
2. poursuivre la promotion des standards de bonne gouvernance en Côte d’Ivoire, à l’exemple du MCA et de l’ITIE, et demeurer vigilant et alerte sur la question.
Institutions de Gouvernance Economique
1. appuyer et associer la société civile et les citoyens dans les efforts de transparence, de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
Justice Ivoirienne
1. montrer son indépendance et son intégrité en s’autosaisissant de nombreuses affaires de corruption pendantes dans le pays, afin de contribuer à la (re)construction dans l’intégrité de la Côte d’Ivoire émergente.
Acteurs et Forces politiques Ivoiriennes
1. inclure dans leurs programmes respectifs la quête de l’intégrité, l’état de droit, la transparence et la responsabilité, et appuyer le combat de la société civile contre la corruption.
Media et Presse
1. favoriser le journalisme d’investigation, la sensibilisation et couvrir largement les efforts divers des acteurs contre la corruption.
Populations et Société Civile
1. demeurer vigilantes, alertes et exclure des habitudes et mœurs la culture de ‘’pots de vin’’ lors de demande et offre de biens et services publics qui reviennent de droit à tout citoyen,
2. agir pour être ‘’des champions de l’intégrité’’ à l’image de nos deux (2) ministres précités, et dénoncer à l’ARPDC les cas de corruption et de pots de vin dont ils sont victimes (nous contacter par mail et ligne téléphonique),
3. s’associer en masse aux campagnes citoyennes populaires coordonnées par l’ARDPC, dénommées ; ‘’PACT’’, ‘’O-Corruption’’, et #NePayezPas# pour des actions et journées civiles contre la corruption dans tout le pays.
Fait à Abidjan, le 7 juin 2018
Mme Grah Wallo Monique
Le Conseil d’Administration
Alliance pour le Développement (ARDPC)
La Corruption ronge l’Afrique et menace le développement de plusieurs pays du continent. C’est à juste titre, que la plupart des pays africains figurent encore parmi les nations les plus corrompues et les plus pauvres au monde, selon Transparency International (TI) et la Banque Mondiale (BM).
Conscients de cette situation, les Chefs d’Etat et de gouvernement, lors du 30e sommet ordinaire de l’Union Africaine (UA) qui s’est tenu les 28 et 29 janvier 2018 à Addis-Abeba en Ethiopie, ont décidé de choisir pour thème de leurs travaux : «Gagner la bataille de la lutte contre la corruption : Une voie durable vers la transformation de l’Afrique».
Le choix de ce thème s’il est louable demeure encore un vœu pieu pour la plupart des pays africains qui ploient toujours sous le poids de nombreux scandales de détournements de deniers publics. L’Alliance pour le Développement (ARDPC) voudrait s’interroger sur la situation actuelle de la gouvernance en Côte d’Ivoire, et les défis de la lutte contre la corruption dans un contexte marqué par la multiplication des scandales de corruption divers qui sapent malheureusement, le bien-être des populations et compromettent l’émergence tant souhaité.
II. La Situation et les Faits
Récemment, malgré mise en place de structures dédiées à la lutte contre la corruption, entre autre, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) et une multitude d’initiatives anti-corruption, des scandales d’une ampleur inquiétante se sont succédés dans le pays, au nombre desquels :
1. L’Affaire du détournement au Guichet Unique Automobile (GUA). Déclenchée depuis le mois d’avril 2018, ce sont entre deux milles (2000) et six mille (6000) voitures de luxe, qui ont frauduleusement été immatriculées sans que les caisses de la douane n’aient recueillis le montant du prélèvement douanier régulier. Les montants pour le dédouanement d’un véhicule de luxe neuf en Côte d’Ivoire étant estimés à 44,28% du prix d’achat chez le concessionnaire, c’est donc plus de 20 milliards de F CFA de perte qu’enregistre l’Etat dans ce scandale de corruption pour seulement 1500 voitures sorties frauduleusement.
2. L’Affaire de la Mauvaise Gouvernance du CCC. Le scandale porte sur des pertes globales estimées à 500 milliards de F CFA pour l’Etat et les planteurs pour les campagnes café-cacao 2016-2017 du fait du népotisme et du clientélisme, caractérisés par des recrutements complaisants, fragilisant la gouvernance du Conseil Café-Cacao (CCC), et l’attribution d’agréments d’exportations à des entreprises dirigées par des proches, incapables de livrer à l’export leurs cargaisons, selon la Lettre du Continent no. 775 du 25 avril 2018, citant le rapport d’audit de la filière café-cacao de KPMG commandité par le gouvernement ivoirien.
3. L’Affaire de l’endettement dû à la mauvaise gouvernance au CCC. Il y a eu un accroissement de la dette du pays, suite à la négociation d’un prêt de $300 millions (165 milliards CFA) auprès de la Banque Mondiale par le gouvernement ivoirien pour relancer le secteur café-cacao, du fait de la mauvaise gouvernance précitée. Pour rappel, la dette déjà à 8900 milliards environ fin 2017, atteindra 10071 milliards de F CFA d’ici fin 2018 selon les estimations, soit 2 fois presque le montant d’avant PPTE.
4. L’Affaire du Fonds de Réserve. A cause de la mauvaise gouvernance, il a été impossible au CCC de débloquer 80 milliards pour faire face à la crise de commercialisation, sur le fonds de réserve, bien que prévu dans le mécanisme du CCC, selon le Président du Syndicat National Agricole pour le Progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI). Cette situation a certes entraîné le limogeage de la Directrice Générale du CCC et son remplacement en août 2017, mais il n’y a eu aucune procédure ouverte afin de situer les responsabilités et donner force à la loi, ni attente des conclusions de l’audit de KPMG, avant toute décision rationnelle.
5. L’Affaire de la passation des marchés des routes et Infrastructures. Le Scandale de la pauvre qualité des infrastructures publiques et de la dégradation précoce accélérée des routes ivoiriennes est une préoccupation. Une situation qui affecte négativement l’économie et le bien-être des populations, à l’image des routes du bassin du gourou ; carrefour indénié et carrefour zoo, qui ont englouti plusieurs milliards de ressources publiques, et dont la durée de vie du goudron n’a été que de quelques mois.
6. Le scandale des détournements à la FIF. Les scandales de la FIF relatifs au détournement des primes des Eléphants footballeurs, vainqueurs de la CAN 2015, portant sur un montant de 700 millions à 1,5 milliards, et les soupçons récents de corruption. La première enquête nationale dont on entend plus parler se déroule dans un manque de transparence totale, et tarde à livrer ses conclusions, malgré le licenciement du ministre des sports d’alors Mr. Alain Lobognon et le virement du régisseur des compétitions internationales, Mr. Patrick Yapi. Des voix de joueurs et encadreurs continuent de s’élever, vivement et en justice, contre le Président de la FIF, Sidy Diallo, pour sa prétendue implication dans cette corruption. Un autre scandale, en Mai 2018, a emmené la FIFA à commanditer un audit de la FIF. Contre toute attente, la FIF a refusé de faire auditer la gestion des fonds/financements de plusieurs milliards alloués, tant par la FIFA que par l’Etat de Côte d’Ivoire, narguant et créant ainsi une institution hybride (FIF) qui n’a aucune obligation de transparence et de redevabilité. Heureusement que les acteurs ivoiriens, le gouvernement et la FIFA viennent de contraindre la FIF à se plier enfin à un audit.
7. L’Affaire du 2e terminal à Conteneur du Port Autonome d’Abidjan (PAA). Le Scandale de soupçons de corruption impliquant Mr Bolloré Vincent et des agents publics étrangers ouest-africains (du Togo et de la Guinée) pour l’attribution de la gestion des terminaux à conteneurs dans les ports, qui a éclaté le 24 avril 2018 à Paris, relance et jette des interrogations sur l’affaire de l’attribution du 2e terminal à conteneurs du PAA à Bolloré, déjà concessionnaire du premier terminal, en violation des règles de marchés publics de l’UEMOA, alors que Bolloré était arrivé 3e pour l’issue de l’analyse technique (JA, 18 mars 2013).
8. L’Affaire Fraternité-Matin. La Mauvaise gouvernance qui a entrainé 10 ans de difficultés financières, un endettement à hauteur de 9 milliards de F CFA et la quasi-faillite de Fraternité Matin, dans lequel l’Etat vient d’injecter 3.6 milliards et apuré pour 5.5 milliards de dettes, n’a fait l’objet d’aucune transparence, ni d’obligation de rendre compte.
9. L’Affaire du Conseil Coton et Anacarde (CCA). Les audits et rapports contradictoires de l’Inspection Générale d’Etat (IGE) et de la Haute Autorité à la Bonne Gouvernance (HABG) sur les prétendus détournements de fonds par le Directeur Général du Conseil du Coton et de l’Anacarde (CCA) portant sur la somme de 5 à 9 milliards en juin 2016, bien qu’ayant occasionnés la mise à l’écart du DG et d’un de ses adjoints, n’ont pas favorisé la transparence et la justice.
10.L’Affaire du Fonds/ Budget de Souveraineté. La polémique relative à l’allocation du fonds et/ou budget de souveraineté, née entre la Lettre du Continent, la Présidence de la République ivoirienne et les acteurs politiques, et portant sur la somme de 342.6 milliards de F CFA, publiée dans le No. 759 de cet éditorial, en son édition du 30 août 2017, continue d’intriguer. A cela il faut ajouter le montant alloué au budget de fonctionnement de la présidence qui serait passé de 86 à 100 milliards. L’on est en attente de la suite du procès que le gouvernement dit avoir lancé contre la lettre du continent, et pour lequel nos sources à Paris n’ont pu fournir à ce jour aucunes informations précises.
III. Analyse
Ces cas cités sont symptomatiques d’une défaillance du système de gouvernance et d’obligation de rendre compte dans le pays. On constate au vue de la situation que l’impunité persiste dans une certaine mesure, bien que le pays occupe le 103e rang sur 180 pays noté en 2017, et ait amélioré sa note sur l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) de Transparency International (TI), en passant de 22/100 à 36/100 entre 2011 et 2017. En effet, le pays est resté parmi les nations les plus corrompues au monde, malgré cette légère avancée qui semble constituer un laurier de sommeil national.
Affaire 1
Le Scandale du Guichet Unique Automobile (GAU) révèle au moins 3 faits :
(i) L’éclatement du scandale est moins issu d’un processus institutionnel ou juridique systématique que de l’action d’un Ministre (Mr Sansan Kambile) qui se serait interrogé sur une faveur accordée par les responsables du GUA, lui permettant de ne pas payer le dédouanement de son véhicule. La même Fraude avait été dénoncée par l’ancien Ministre Gnamien Konan et ancien DG de la douane. Nous saluons au passage la grandeur dont ces deux ivoiriens honnêtes ont fait preuve. Ils montrent ainsi à tous les citoyens ivoiriens la vraie notion de ‘’l’ivoirien nouveau’’, et le chemin de la transparence, de la responsabilité, de la vraie lutte contre la corruption et de la bonne gouvernance. L’ARDPC appelle les ivoiriens à Refuser, chacun à son niveau, de payer pour corrompre, d’accepter des faveurs imméritées et des pots de vins. L’ARDPC les appelle à être intègres et à œuvrer pour un niveau de corruption O en Côte d’Ivoire.
(ii) la probabilité d’existence de plusieurs autres cas similaires de corruption dans toutes les administrations publiques du pays,
(iii) l’arrestation proactive de quelques personnes impliquées et l’ouverture d’une enquête.
Le premier fait révèle au moins que l’armada des instruments, systèmes et institutions dont s’est doté le pays en matière de lutte contre la corruption n’est pas encore en mesure de détecter de manière systématique et sure les nombreux cas de corruptions potentielles dans nos institutions publiques.
Sur la probabilité d’existence de cas de corruption similaires dans nos institutions, une lutte crédible contre la corruption ne saurait s’offrir le luxe de ne pas auditer et publier les comptes et la gestion de toutes les administrations et institutions publiques de la Côte d’Ivoire afin de s’assurer d’extirper le cancer de la corruption de notre pays. Ces audits et évaluations des administrations publiques doivent être institutionnalisés au moyen de textes légaux et administratifs nationaux.
Sur le 3e fait, il serait juste de mettre sous mandat de dépôt au moins tous les responsables impliqués dans la chaîne de dédouanement, pendant que l’enquête suit son cours pour identifier tous les vrais coupables. L’impartialité, la proactivité et la similarité devraient caractériser l’action du gouvernement ivoirien dans tous les cas d’allégations de corruption. Cela nécessite une norme à suivre et une véritable stratégie de lutte contre la corruption qui n’existe pas encore à ce jour dans le pays. Au cas échéant, la lutte contre la corruption sous nos tropiques ressemblerait, à tort ou à raison, à une chasse aux sorcières.
Affaire 2
La défaillance du système de gouvernance de nos produits agricoles, étalée par la mauvaise gestion du CCC et de la CCA, demeure une question lancinante. En effet, aucun régime depuis les indépendances n’est parvenu, à ce jour, à anéantir la corruption dans ce secteur. La Côte d’Ivoire dont l’économie a été bâtie grâce à l’agriculture ne peut continuer de brader son secteur agricole et de le livrer à la prédation, à travers la gouvernance approximative des structures de gestion des différentes filières.
Affaire 3
Faut-il poursuivre l’endettement du pays et laisser un lourd fardeau aux générations futures quand cette dette sert à alimenter des institutions dont la gouvernance est mauvaise ou faut-il ‘’réparer la gouvernance ivoirienne’’? Sachant que la dette odieuse est surement un frein à l’émergence, au développement et ne sert pas la cause du bien-être de la population et de la transparence, n’est-il pas impératif pour le pays de Gagner la bataille de la lutte contre la corruption ?
Affaire 4
Le Fonds de réserve du CCC est inconnu du grand public, et sa gestion est apparue opaque lors de la crise de commercialisation des produits agricoles pendant les campagnes 2016-2017 et au premier trimestre 2018. Ce fonds n’a pas été à la mesure des attentes. Il apparait donc nécessaire de l’auditer, d’établir des mécanismes transparents et responsables de sa gestion, et de l’étendre aux autres produits agricoles et secteurs afin de sauver l’agriculture et l’économie ivoirienne de la corruption.
Affaire 5
Les inondations fréquentes, après seulement une demi-journée de pluie (la dernière en date a eu lieu au carrefour indénié ce mois de mai 2018), étalent au grand jour l’évidence de corruption dans la passation des marchés de routes, infrastructures et ouvrages publics, ou du moins, la complaisance dans les audits et contrôles des services et infrastructures publics dans le pays. Aucun compte n’a été demandé à ce jour à l’AGEROUTE, ni aux structures de contrôle, ni aux entreprises ayant construits ou réhabilités ces routes. Pires, les conditions de passation de ces marchés n’ont été interrogées par aucunes structures de gouvernance du pays. S’agissant de la passation des marchés publics, l’audit de 60 des 1025 (soit 501 milliards F CFA) marchés passés de gré à gré de 2011 à 2013, indiquait que 95% ne sont pas fondées. Ce qui signifie que plusieurs marchés ont été passés, sans raisons valables, à des entreprises dont la compétence et l’expérience n’ont pas fait l’objet d’évaluations concurrentes, et dont la probabilité d’amateurisme est forte. Ce fait pourrait constituer une raison potentielle de la pauvre qualité des routes et infrastructures publics dans le pays. Le scenario d’une corruption sur ces marchés pourrait également justifier l’insuffisance de ressources disponibles pour la construction d’une route qui réponde aux normes et standards de qualité. D’où la dégradation précoce, rapide et avancée desdites routes.
Affaire 6
Au-delà de l’audit de la FIFA, nous demandons à l’Etat ivoirien de faire auditer les budgets alloués à la FIF par le trésor public ivoirien, budgets qui demeurent, l’argent de tous les ivoiriens. De même, toutes les structures publiques nationales doivent faire l’objet d’un audit et d’un suivi-évaluation appropriés.
Affaire 7
Dans l’affaire Bolloré, nul doute que n’eut été l’implication des intérêts et firmes françaises concurrentes dans le procès ouvert à Paris, ces scandales seraient restés opaques sous nos tropiques, ce qui nécessite pour la cause de la transparence et de la responsabilité, que la lumière judiciaire soit faite sur les conditions d’attribution du 2e terminal à conteneurs du PAA à Bolloré par les juridictions et les institutions de transparence ivoiriennes.
Afin d’éviter les abus de positions dominantes des monopoles (terminal à conteneurs PAA, SODECI, CIE, Orange,…), il est nécessaire que des audits soient commandités, surtout que cette affaire-ci pourrait favoriser un abus similaire à l’affaire du remplacement des décodeurs de Canal+, une autre entreprise du groupe Bolloré, par de nouveaux décodeurs à un prix payant pour les abonnés ivoiriens, alors qu’il est gratuit pour les abonnés de la même compagnie en France.
Affaire 8
L’affaire de Fraternité Matin qui a entraîné le limogeage le 15 mars 2018 du DGA, Mr. Saganogo Lamine venu en pompier pour sauver ‘’la gestion jugée calamiteuse du DG’’, semble opaque et incomplète car le plan de restructuration annoncé par l’Etat reste inconnu à ce jour, et tous les syndicats appellent en vain également au limogeage du DG (Mr. Venance Konan) qui partage les responsabilités avec son adjoint. Pour les besoins de la justice, la transparence et la responsabilité, une enquête devrait être diligentée et tous les coupables mis plutôt à la disposition de la justice. En effet, les limogeages ne sont pas suffisants pour améliorer la gouvernance des structures publiques.
Affaire 9
Les limogeages dans l’affaire CCA restent opaques en matière d’obligation de rendre compte et de lutte contre la corruption, surtout que les dirigeants des deux structures étatiques (IGE et HABG) qui ont essayé tant bien que mal de faire la lumière sur cette affaire ont été limogés, à leur tour. Ces limogeages successifs pourraient desservir la cause de la transparence et la responsabilité dans cette affaire.
Affaire 10
S’agissant de la plainte de l’Etat contre la Lettre du Continent, l’ARDPC tout en félicitant les autorités ivoiriennes pour cette démarche qui vise à poursuivre les efforts du gouvernement ivoirien en faveur de la transparence, la redevabilité et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques, nécessaires à la préservation de la signature de l’Etat de Côte d’Ivoire, et à l’allocation efficiente des ressources publiques en faveur du développement et des populations, souhaite que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
D’autres questions suscitent beaucoup d’interrogations si le pays veut ‘’gagner la bataille de la lutte contre la corruption’’.
La question de la déclaration du patrimoine montre l’insuffisance même des efforts de lutte contre la corruption, en ce sens que cet exercice n’est ni transparent, ni responsable et n’a aucun caractère obligatoire. Ce qui permet à plusieurs hauts cadres de la fonction publique de refuser ce devoir de transparence à ce jour.
Les rapports des institutions de gouvernance et de surveillance
De même les dénonciations et plaintes des citoyens des cas de corruption auprès de la HABG, les publications, ainsi que les rapports de la déclaration de patrimoine, ceux de l’IGE, de la HABG, et de la Cour des Comptes n’ont jamais fait l’objet de traitement, de diffusion publique, ni de divulgation, comme le prescrivent les lois sur la liberté d’information dans le pays.
Le mandat et la réforme de la HABG : Cette institution doit être dotée d’un mandat de poursuite, ou être dissoute et remplacée, ou reformée et rendue autonome de la présidence, et être inclusive, pour faire place à une institution composée tant dans l’équipe du personnel que dans son Conseil statutaire ou d’administration de membres issus de tous les acteurs (Société civile, Etat, secteur privé, médias, parlementaires, structures décentralisées, etc..) pour une plus grande indépendance et efficacité.
L’immobilisme de la justice et des institutions de lutte devant les nombreux cas de corruption révèle soit une complicité, soit une inefficacité, ou une possibilité de corruption, ou des dispositions et textes institutionnelles et juridiques inappropriés pour l’auto-saisine, et une lutte efficace contre le crime de corruption. Dans ce cas, les institutions telles que la HABG, l’IGE, la Cour de Comptes et la justice disposeraient de textes inadaptés ou de mandat inappropriés pour garantir l’efficacité et l’effectivité de la lutte.
IV. Conclusions et Recommandations
La situation de corruption généralisée a appauvri davantage les ivoiriens et renchéri le coût des services publics, tel que l’eau, l’électricité, le panier de la ménagère, le transport, etc... Un (1) ivoirien sur deux (2) ne mange toujours pas à sa faim dans le pays, et les marchés sont discriminants et captifs, malgré les clameurs apparentes. La signature du pays se trouve aujourd’hui entachée par la mauvaise gouvernance, comparativement au Sénégal qui a levé récemment plus d’argent sur le marché des capitaux européens (eurobonds) que la Côte d’Ivoire.
Au regard des faits et de l’analyse qui précède, L’ARDPC voudrait formuler des recommandations à l’endroit des acteurs suivants :
Gouvernement et Etat de Côte d’Ivoire
1. conduire des investigations crédibles sur tous les scandales de corruption précités et pendants dans le pays à ce jour, traduire en justice les auteurs, et mettre fin à l’impunité dans le pays,
2. auditer, évaluer, faire le suivi-évaluation et contrôler les comptes et la gestion de toutes les structures et institutions publiques nationales,
3. réduire au strict minimum la passation des marchés de gré-à-gré, auditer lesdits marchés, et reformer toutes les structures de passation des marchés publics et leurs personnels ; notamment l’AGEROUTE, l’ANRMP, et les directions et agences de passation des marchés publics,
4. rendre obligatoire la déclaration publiée de patrimoine pour tout fonctionnaire et agent de l’Etat; avec des délais ; en plus du contrôle des comptes bancaires et l’origine des fonds reçus afin de justifier la richesse de tout citoyen,
5. Elaborer un plan stratégique national complet de lutte contre la corruption sur le modèle des nations comme la Corée du Sud et du Maroc,
6. Accroitre l’efficacité de la lutte en créant une structure nationale inclusive de lutte impliquant tous les acteurs (Etat, Secteur Privé, Société Civile, patronat, Medias, Parlementaires, Structures décentralisées, etc),
7. Systématiser l’auto-saisine de la justice et les poursuites judiciaires, suites aux enquêtes des institutions habilitées concernant les cas d’allégations de corruption,
8. Consolider la séparation des pouvoirs et renforcer les institutions de surveillance/contrôle et de lutte contre la corruption dans leurs rôles et fonctions, notamment la CC, l’IGE, et l’Assemblée nationale, et autonomiser et rendre inclusive la HABG,
9. Publier et divulguer systématiquement les dénonciations et les rapports des institutions de gouvernance et de lutte contre la corruption (HABG, IGE, CC, Commissions de l’Assemblée Nationale, CENTIF, etc…) qui ont fait l’objet de conclusion d’enquête et de validation,
10.promouvoir le budget participatif, veiller à son allocation optimale et œuvrer à la publication populaire du budget, de la loi des finances et de la loi des règlements,
11.Consolider la dépénalisation des lanceurs d’alerte, les récompenser et promouvoir les lois sur la Liberté d’Information et d’Expression (LIE),
12.Signer toutes les conventions internationales et régionales de lutte contre la corruption et de bonne gouvernance, les domestiquer, les promouvoir et les appliquer.
Communauté Internationale et Partenaires Techniques et Financiers
1. appuyer la société civile ivoirienne dans ses efforts de lutte citoyenne contre la corruption, dont la campagne PACT et O-Corruption, lancée récemment,
2. poursuivre la promotion des standards de bonne gouvernance en Côte d’Ivoire, à l’exemple du MCA et de l’ITIE, et demeurer vigilant et alerte sur la question.
Institutions de Gouvernance Economique
1. appuyer et associer la société civile et les citoyens dans les efforts de transparence, de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.
Justice Ivoirienne
1. montrer son indépendance et son intégrité en s’autosaisissant de nombreuses affaires de corruption pendantes dans le pays, afin de contribuer à la (re)construction dans l’intégrité de la Côte d’Ivoire émergente.
Acteurs et Forces politiques Ivoiriennes
1. inclure dans leurs programmes respectifs la quête de l’intégrité, l’état de droit, la transparence et la responsabilité, et appuyer le combat de la société civile contre la corruption.
Media et Presse
1. favoriser le journalisme d’investigation, la sensibilisation et couvrir largement les efforts divers des acteurs contre la corruption.
Populations et Société Civile
1. demeurer vigilantes, alertes et exclure des habitudes et mœurs la culture de ‘’pots de vin’’ lors de demande et offre de biens et services publics qui reviennent de droit à tout citoyen,
2. agir pour être ‘’des champions de l’intégrité’’ à l’image de nos deux (2) ministres précités, et dénoncer à l’ARPDC les cas de corruption et de pots de vin dont ils sont victimes (nous contacter par mail et ligne téléphonique),
3. s’associer en masse aux campagnes citoyennes populaires coordonnées par l’ARDPC, dénommées ; ‘’PACT’’, ‘’O-Corruption’’, et #NePayezPas# pour des actions et journées civiles contre la corruption dans tout le pays.
Fait à Abidjan, le 7 juin 2018
Mme Grah Wallo Monique
Le Conseil d’Administration
Alliance pour le Développement (ARDPC)