Qui finance aujourd’hui le développement de l’Afrique ? Réponse : la Chine essentiellement. En un peu plus de 10 ans, la Chine est devenue, en termes de financement du développement de l’Afrique, le premier bailleur de fonds. Deux chiffres le montrent : la Chine a prêté 63 milliards de dollars aux pays africains entre 2000 et 2015. Durant la même période, les Etats-Unis n’ont accordé que 1,7 milliard de dollars à des pays africains. Autre précision : la Chine détient aujourd’hui plus d’actifs que les actifs combinés des banques de développement multilatérales soutenues par l’Occident. La Chine, qui dispose de 4 000 milliards de dollars qu’elle souhaite investir partout dans le monde, utilise, comme « force de frappe » financière, deux « policy bank » : la Banque de Développement de Chine (CDB) et l’Export-Import of China (Eximbank), les deux offrant un choix très large de produits financiers, notamment des financements concessionnels et non concessionnels. Selon, François Fournier, un ancien banquier, président de Villerville Finance qui travaille avec Eximbank of China : « .Les « policy bank » chinoises ont séduit l’Afrique pour trois raisons : d’abord, la Chine s’inscrit dans une logique de renforcement de la coopération Sud-Sud qui offre aux dirigeants africains une alternative qui les sort du carcan du sytème de financement occidental ; ensuite, la Chine ne fait pas de politique en matière de financement, elle n’impose pas des conditions politiques et sociales contraignantes ; enfin, les prêts concessionnels chinois à 2 % sur une longue période sont très concurrentiels. » La Banque de développement de Chine (CDB) et l’Export-Import of China (Eximbank) sont ainsi amenés à gérer un certain nombre de fonds bilatéraux et multilatéraux destinés à l’Afrique.
Stratégie chinoise : uniquement des financements et des prêts contre des ressources ?
Présente en Afrique depuis longtemps, la Chine a, ces quinze dernières années, réorienté ses relations avec l’Afrique selon un principe simple : financements contre ressources. Organisé tous les trois ans depuis 2000, le Forum de Coopération Sino-africain, une plateforme de discussion pour une plus grande coopération économique entre la Chine et l’Afrique, a facilité une stratégie d’investissements à grande échelle. Le Forum de Coopération fixe les objectifs de coopération bilatérale ou multilatérale, désigne les entreprises chinoises dont les opérations seront financées par les « policy banks, ». Eximbank, qui se retrouve en première ligne, applique un mode de financement pratiqué dans les années 1970 par le Japon, notamment en Chine : « prêts contre ressources ». Mais, contrairement aux idées reçues, la Chine ne prête pas uniquement aux pays africains riches en ressources naturelles, comme le montre l’importance des prêts accordés à l’Ethiopie, un pays dans lequel les industriels chinois « délocalisent » leur production. Pékin a construit un immense parc industriel d’un millier de kilomètres carrés à Hawassa, à 300 km de la capitale Addis-Abeba. Certains pays africains pourraient même devenir « l’usine » de la Chine. Avec des salaires en hausse et une compétitivité en baisse, Pékin constate la fin d’un âge d’or, celui où la Chine était l’atelier du monde. On passe ainsi d’un modèle fondé sur l’exploitation des matières premières à un modèle reposant sur l’utilisation des ressources humaines. Les principaux pays africains bénéficiaires des prêts de la China Eximbank entre 2000 et 2015 sont l’Angola (11%), l’Ethiopie (11%), le Kenya (10%), le Soudan (8%), le Cameroun (6%) et la RD Congo (5%). D’autres pays sont devenus prioritaires : la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Liberia, ce dernier pays étant désormais ouvert aux investissements chinois. Reçue par le premier ministre Amadou Gon Coulibaly, une mission de la China Exim Bank vient de faire une visite de prospection en Côte d’Ivoire avec l’intention de mobiliser des fonds dans le cadre du Plan National de Développement du gouvernement ivoirien, le PND 2016-2020. Une Chambre de Commerce des Entreprises Chinoises en Côte d’Ivoire (CCEC), qui regroupe déjà une quarantaine d’entreprises, dont des filiales de grands groupes, vient de se créer à Abidjan. Les marchés sont bien entendu destinés aux entreprises chinoises désignées par Eximbank of China, avec l’obligation de s’appuyer sur des partenaires locaux. Eximbank finance aussi les projets prioritaires du Gabon dans le cadre d’un renforcement du partenariat entre la Banque et l’Etat gabonais. On notera, ce qui n’est pas anodin, que la Chine investit dans la réalisation et le financement de trois nouveaux centres de formation professionnelle, à Libreville, au sein de la zone économique spéciale de Nkok. Les appuis chinois en Afrique sont désormais multiformes et concernent aussi l’éducation, la formation et la culture.
La fin du modèle « Ressources contre financement des infrastructures » ?
On a, jusqu’à une date récente, parlé de « financement angolais » pour désigner un accord conclu par la Chine avec un gouvernement africain, afin de financer un programme d’infrastructures réalisé par des firmes chinoises. La Chine a pu ainsi garantir et diversifier ses approvisionnements en produits primaires, les financements et les prêts accordés lui ouvrant des marchés. Là encore, contrairement aux idées reçues, ce modèle est adossé à une politique de coûts extrêmement compétitifs, ce qui permet aux entreprises chinoises de remporter de nombreux appels d’offres sur des programmes financés par les Etats ou par les bailleurs de fonds internationaux comme la Banque mondiale ou le FMI. Mais, la Chine est en train de dépasser le modèle du « financement angolais ». Le dynamisme des échanges avec l’Afrique et la souplesse des financements multiformes que proposent les « policy bank », ont permis aux opérateurs chinois de sortir de la première sphère d’investissements, à savoir la construction de bâtiments, de routes et de ponts, pour obtenir des contrats plus « juteux » dans les services : traitement et fourniture d’eau, hydroélectricité, pétrochimie, télécoms, télévision numérique terrestre (TNT) et par satellite avec le groupe StarTimes, devenu leader de la télévision numérique en Afrique subsaharienne, etc.
Le renforcement de la coopération Sud-Sud
Arme plus idéologique, la Chine insiste sur le renforcement de la coopération Sud-Sud, dans le cadre d’un co-développement entre la Chine et l’Afrique. Pékin multiplie la création de fonds de coopération Sud-Sud dans tous les domaines. Le Fonds de coopération Sud-Sud vise à aider les pays en développement à mettre en œuvre leurs programmes de développement après 2015. La Chine envisage aussi la création d’une Académie de coopération et de développement Sud-Sud, afin de produire les théories et définir les pratiques de développement adaptées aux pays du Sud, qui se trouvent ainsi libérés de l’expertise occidentale et du carcan de la coopération Nord-Sud. La Chine est ainsi devenue le principal partenaire commercial de l’Afrique. On considère aujourd’hui que le Forum de Coopération Sino-africain, organisé depuis 2000, est plus important que les traditionnels Sommets France-Afrique. Une nouvelle preuve du dynamisme chinois en Afrique ? Le pharaonique projet des « Nouvelles Routes de la Soie ». Là encore, les deux « policy bank », la Banque de Développement de Chine (CDB) et l’Export-Import of China (Eximbank), sont les bras armés d’une diplomatie financière et culturelle qui, pour l’instant, séduit l’Afrique.
Christian Gambotti
Président du think tank
Afrique & Partage
DG de la société ECFY
Directeur de la collection
L’Afrique en marche
Stratégie chinoise : uniquement des financements et des prêts contre des ressources ?
Présente en Afrique depuis longtemps, la Chine a, ces quinze dernières années, réorienté ses relations avec l’Afrique selon un principe simple : financements contre ressources. Organisé tous les trois ans depuis 2000, le Forum de Coopération Sino-africain, une plateforme de discussion pour une plus grande coopération économique entre la Chine et l’Afrique, a facilité une stratégie d’investissements à grande échelle. Le Forum de Coopération fixe les objectifs de coopération bilatérale ou multilatérale, désigne les entreprises chinoises dont les opérations seront financées par les « policy banks, ». Eximbank, qui se retrouve en première ligne, applique un mode de financement pratiqué dans les années 1970 par le Japon, notamment en Chine : « prêts contre ressources ». Mais, contrairement aux idées reçues, la Chine ne prête pas uniquement aux pays africains riches en ressources naturelles, comme le montre l’importance des prêts accordés à l’Ethiopie, un pays dans lequel les industriels chinois « délocalisent » leur production. Pékin a construit un immense parc industriel d’un millier de kilomètres carrés à Hawassa, à 300 km de la capitale Addis-Abeba. Certains pays africains pourraient même devenir « l’usine » de la Chine. Avec des salaires en hausse et une compétitivité en baisse, Pékin constate la fin d’un âge d’or, celui où la Chine était l’atelier du monde. On passe ainsi d’un modèle fondé sur l’exploitation des matières premières à un modèle reposant sur l’utilisation des ressources humaines. Les principaux pays africains bénéficiaires des prêts de la China Eximbank entre 2000 et 2015 sont l’Angola (11%), l’Ethiopie (11%), le Kenya (10%), le Soudan (8%), le Cameroun (6%) et la RD Congo (5%). D’autres pays sont devenus prioritaires : la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Liberia, ce dernier pays étant désormais ouvert aux investissements chinois. Reçue par le premier ministre Amadou Gon Coulibaly, une mission de la China Exim Bank vient de faire une visite de prospection en Côte d’Ivoire avec l’intention de mobiliser des fonds dans le cadre du Plan National de Développement du gouvernement ivoirien, le PND 2016-2020. Une Chambre de Commerce des Entreprises Chinoises en Côte d’Ivoire (CCEC), qui regroupe déjà une quarantaine d’entreprises, dont des filiales de grands groupes, vient de se créer à Abidjan. Les marchés sont bien entendu destinés aux entreprises chinoises désignées par Eximbank of China, avec l’obligation de s’appuyer sur des partenaires locaux. Eximbank finance aussi les projets prioritaires du Gabon dans le cadre d’un renforcement du partenariat entre la Banque et l’Etat gabonais. On notera, ce qui n’est pas anodin, que la Chine investit dans la réalisation et le financement de trois nouveaux centres de formation professionnelle, à Libreville, au sein de la zone économique spéciale de Nkok. Les appuis chinois en Afrique sont désormais multiformes et concernent aussi l’éducation, la formation et la culture.
La fin du modèle « Ressources contre financement des infrastructures » ?
On a, jusqu’à une date récente, parlé de « financement angolais » pour désigner un accord conclu par la Chine avec un gouvernement africain, afin de financer un programme d’infrastructures réalisé par des firmes chinoises. La Chine a pu ainsi garantir et diversifier ses approvisionnements en produits primaires, les financements et les prêts accordés lui ouvrant des marchés. Là encore, contrairement aux idées reçues, ce modèle est adossé à une politique de coûts extrêmement compétitifs, ce qui permet aux entreprises chinoises de remporter de nombreux appels d’offres sur des programmes financés par les Etats ou par les bailleurs de fonds internationaux comme la Banque mondiale ou le FMI. Mais, la Chine est en train de dépasser le modèle du « financement angolais ». Le dynamisme des échanges avec l’Afrique et la souplesse des financements multiformes que proposent les « policy bank », ont permis aux opérateurs chinois de sortir de la première sphère d’investissements, à savoir la construction de bâtiments, de routes et de ponts, pour obtenir des contrats plus « juteux » dans les services : traitement et fourniture d’eau, hydroélectricité, pétrochimie, télécoms, télévision numérique terrestre (TNT) et par satellite avec le groupe StarTimes, devenu leader de la télévision numérique en Afrique subsaharienne, etc.
Le renforcement de la coopération Sud-Sud
Arme plus idéologique, la Chine insiste sur le renforcement de la coopération Sud-Sud, dans le cadre d’un co-développement entre la Chine et l’Afrique. Pékin multiplie la création de fonds de coopération Sud-Sud dans tous les domaines. Le Fonds de coopération Sud-Sud vise à aider les pays en développement à mettre en œuvre leurs programmes de développement après 2015. La Chine envisage aussi la création d’une Académie de coopération et de développement Sud-Sud, afin de produire les théories et définir les pratiques de développement adaptées aux pays du Sud, qui se trouvent ainsi libérés de l’expertise occidentale et du carcan de la coopération Nord-Sud. La Chine est ainsi devenue le principal partenaire commercial de l’Afrique. On considère aujourd’hui que le Forum de Coopération Sino-africain, organisé depuis 2000, est plus important que les traditionnels Sommets France-Afrique. Une nouvelle preuve du dynamisme chinois en Afrique ? Le pharaonique projet des « Nouvelles Routes de la Soie ». Là encore, les deux « policy bank », la Banque de Développement de Chine (CDB) et l’Export-Import of China (Eximbank), sont les bras armés d’une diplomatie financière et culturelle qui, pour l’instant, séduit l’Afrique.
Christian Gambotti
Président du think tank
Afrique & Partage
DG de la société ECFY
Directeur de la collection
L’Afrique en marche