Le principe du crédit-bail est assez attractif, mais dans les faits ses conditions d'accès sont souvent trop contraignantes. En outre, il se révèle peu opérant pour financer des outils de production dans des secteurs spécifiques, comme dans l'agriculture par exemple.
Le crédit-bail, ou leasing, est un moyen efficace de financement du secteur privé, notamment des PME/PMI, qui ont la possibilité de disposer par ce biais d’outils de production leur permettant d’accroître leurs revenus et leur rentabilité. C’est surtout un outil puissant pour favoriser la croissance et la formalisation ou professionnalisation des PME. C’est le cas dans les pays les plus avancés économiquement, mais aussi dans le nord du continent africain, au Maroc et en Tunisie. Pourtant, cet outil alternatif de financement est très peu utilisé dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), où les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les start-up font face, hélas, à d’énormes difficultés de financement. D’ailleurs, le manque de financement est l’une des principales raisons de la forte précarité de ces entreprises qui constituent 80% à 90% du tissu économique dans ces pays.
Seulement 1,1% des actifs bancaires en Côte d’Ivoire en 2017
Cet échec, le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Koné Tiémoko Meyliet, l’a reconnu lors du «Ti’Dej’» de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), le 1er mars 2018, à la Maison de l’entreprise, à Abidjan Plateau. Il a admis, face aux chefs d’entreprise, «un certain nombre de difficultés au niveau de cet instrument alternatif de financement des entreprises».
Les résultats de l'analyse de l’environnement économique et financier de l'Uemoa ont en effet montré que «le crédit-bail et les opérations assimilées représentaient en moyenne 0,6% des actifs des établissements de crédit dans la zone». En Côte d'Ivoire, pays qui représente 40% du PIB de l’Uemoa, la part du crédit-bail s'élève en moyenne à 1,1% du total des actifs bancaires.
C’est que des problèmes juridiques importants ont été constatés dans la mise en œuvre du crédit-bail. «Tout est lié, explique le gouverneur de la BCEAO, à une question de loyer payé : le crédit-bail, du fait qu’il prend ses financements dans le système bancaire classique, répercute obligatoirement ses coûts sur les loyers qui sont versés.» Les difficultés identifiées, l’Uemoa s’attelle, à travers un projet de loi uniforme élaboré et en cours d'examen par les parlements nationaux, à y trouver des solutions en vue de favoriser le développement du crédit-bail. «Nous essayons de régler toutes ces questions. Nous les avons identifiées, de sorte à ce qu’elles soient prises en charge», a rassuré Koné Tiémoko Meyliet.
Les innombrables actions entreprises en vue d’assurer une mise en œuvre réussie du crédit-bail dans les États de l’Uemoa n’auront donc pas encore atteint leur but. En novembre 2016, dans le cadre d’un atelier organisé à Abidjan par le ministère de l’Économie et des Finances, en partenariat avec la Société financière internationale (SFI) du groupe de la Banque mondiale, il avait été révélé qu’en 2015, sur un potentiel de 580 milliards FCFA, la Côte d’Ivoire avait réalisé seulement 68 milliards FCFA d’opérations de crédit-bail, soit 11% des besoins de financement. L’expert international en crédit-bail, Me Nizar Senoussi, qui donne l’information en s’appuyant sur une étude réalisée par SFI, a précisé que le potentiel de marché était de 239 milliards FCFA en 2014, et de 146,5 milliards FCFA en 2013, pour des opérations réalisées de l’ordre de 55 milliards FCFA en 2013.
Les acteurs du marché du crédit-bail
En Côte d’Ivoire comme ailleurs, le crédit-bail ou leasing est pratiqué non seulement par des sociétés spécialisées dans les opérations bancaires de financement des équipements productifs des entreprises, en l’occurrence les PME/PMI, mais aussi par les banques et établissements financiers. Le marché compte deux entreprises spécialisées. L’une, Alios Finance Côte d’Ivoire, anciennement Société africaine de crédit automobile (Safca), créée en 1956, fut précurseur du crédit-bail en Afrique francophone. L’établissement financier non bancaire met à disposition des opérateurs économiques divers produits financiers, à savoir le crédit-bail mobilier, le crédit-bail immobilier, la location longue durée, le crédit investissement, le crédit court terme, le crédit automobile, le crédit équipement et la location avec option d’achat (LOA).
Le second établissement de crédit à caractère bancaire concerné est Fidelis Finance Côte d’Ivoire, qui propose des services financiers pour satisfaire les besoins d’investissement et de trésorerie (fonds de roulement) aux entreprises à travers le crédit-bail, la location avec option d’achat (LOA), la location longue durée (LLD), l’affacturage, les escomptes d’effets et des garanties de paiement.
À ces deux institutions financières non bancaires, acteurs principaux du crédit-bail en Côte d’Ivoire, il faut ajouter des banques et établissements financiers de place, six au total, qui proposent ce produit à leurs clients, comme la Bicici, ou encore la SGBCI…
Les PME et start-up s’indignent et dénoncent
Des sociétés, notamment des PME, passent effectivement par ce moyen pour disposer d’équipements indispensables à leur fonctionnement et au développement de leurs activités. Elles seraient plus nombreuses à acquérir des financements par ce moyen si les contraintes n’étaient pas aussi nombreuses. Mais à s’y frotter, la plupart d’entre elles ont fait l’amer constat de l’inadaptation du produit, inopérant pour des entreprises exerçant dans des secteurs autres que le transport. Du coup, très peu d’opérateurs économiques explorent cette piste pour trouver des solutions à leurs besoins de financement. Même les compagnies de transport qui en profitent dénoncent des conditions d’accès trop contraignantes. Elles se plaignent, dans leur cas, des garanties énormes, voire excessives qui leur sont exigées pour accéder à un crédit-bail, alors que les équipements mis à disposition constituent eux-mêmes des gages. Aussi, des responsables de sociétés comme UTB, Maalex Transport ou Pendis rencontrés jugent trop élevé le taux de 18% pratiqué par les maisons qui proposent le crédit-bail.
Aux PME et aux start-up que le crédit-bail est censé soulager, les acteurs du crédit-bail exigent par exemple les états financiers des trois dernières années. Ce qui n’est pas évident, surtout pour la start-up à laquelle il est demandé, quand elle réussit à satisfaire à toutes les conditions édictées, un apport personnel allant de 25 à 50% du coût de financement de l’outil de production à acquérir.
«C’est un type de crédit qui devrait en principe permettre le développement des PME et des start-up. Mais le marché est très restreint, se limitant à deux entreprises qui font du crédit-bail», fait remarquer un chef d’entreprise qui a accepté de partager son expérience sous le couvert de l’anonymat. S’il est vrai que des banques proposent ce type de produit, il est convaincu qu’il «ne s’agit pas réellement de crédit, les banques qui n’arrivent pas à se détacher de leur cœur de métier ne prêtant qu’aux grandes entreprises». De façon générale, dénonce ce chef d’entreprise qui, en vain, est allé de bureau en bureau pour solliciter du crédit-bail, les acteurs du crédit-bail, surtout les banques, financent au moins à 70%, en termes de statistiques, les véhicules. Mais ils refusent systématiquement de financer les outils de production pour des entreprises exerçant par exemple dans le secteur agricole ou celui de la transformation. «Avant de s’engager pour l’acquisition d’un tel outil qu’on doit nécessairement trouver sur le marché en Côte d’Ivoire, les maisons spécialisées tentent de s’assurer qu’il y a un marché secondaire. Ainsi, au cas où le contractant n’arrivait pas à respecter les traites, elles peuvent reprendre le matériel. Auquel cas, elles refusent», soutient le patron de PME. «Quand on rentre dans des domaines spécifiques pour solliciter un crédit-bail, afin d’acquérir un tracteur ou un engin pour une unité de production, ça devient compliqué», insiste l’opérateur économique.
Du crédit-bail qui parfois n'en est pas…
Ce chef d'entreprise pense que les besoins des PME étant souvent liés à des outils de production de seconde main qui se trouvent généralement en Europe, il faut que les maisons du crédit-bail revoient leurs procédures et méthodes pour s’adapter à la réalité du marché. Aussi plaide-t-il pour que les financements soient octroyés à des conditions assez souples et à des taux supportables pour les entreprises. Le délai de vingt-quatre à trente-six mois fixé pour l’amortissement de l’outil de production, ce promoteur d’une PME en plein essor le juge inadapté pour ce qui concerne des outils de production plus lourds tels que le tracteur ou un gros engin. «Un tracteur, c’est au moins cinq à sept ans pour l’amortir. Sinon le taux de remboursement est trop lourd», relève-t-il, ajoutant que le crédit-bail est surtout dévoyé de son sens quand des maisons disent faire du crédit-bail mais ne prêtent qu’aux salariés. Or, en l'occurrence, il s’agit plutôt de prêt à la consommation que de crédit-bail. D’où les accusations de pratique de l’usure qui conduit dans la détresse de nombreux travailleurs.
Moayé Didine
Encadré
Le cadre réglementaire à jour en Côte d’Ivoire
Si les résultats de la mise en œuvre du crédit-bail sont loin d’être satisfaisants, les efforts ont été entrepris ces dernières années en Côte d’Ivoire sous la conduite du Programme de développement du secteur financier (PDESFI), en partenariat avec la SFI, dans le cadre du programme Africa leasing facility (ALF II). Les initiatives ont été multipliées pour faciliter l’accès au financement aux entreprises, aux PME notamment, à travers le développement de cet outil alternatif. Le cadre réglementaire a même été mis à jour depuis décembre dernier, avec l’adoption et la promulgation de la loi n°2017-802 du 7 décembre 2017 uniforme relative au crédit-bail dans les États membres de l’Uemoa. Avec l’appui technique de la SFI, il avait été déjà élaboré en 2014 une étude de marché sur le crédit-bail. Ces travaux avaient abouti le novembre 2015 à l’adoption par l’assemblée nationale d’une loi portant réglementation du crédit-bail en Côte d’Ivoire.
Une place de choix a été accordée à la sensibilisation avec des ateliers qui ont permis renforcer en 2016 les capacités des acteurs clés du secteur. Plus de 1.000 acteurs économiques auront profité des actions qui se sont amplifiées avec l’organisation à Abidjan, en septembre 2016, d’un forum régional sur le crédit-bail. Il a été initié par la suite une campagne nationale de sensibilisation dénommée « Crédit-bail pour tous », qui a sillonné le pays d’Abidjan à Korhogo, au nord, en passant par Yamoussoukro et Bouaké, au centre. L’objectif était de sensibiliser les entreprises à explorer l’option du crédit-bail pour financer l’acquisition d’outils de production nécessaires à leur compétitivité, à des conditions plus souples comparées aux crédits classiques. Cette campagne au cours de laquelle des banques et établissements financiers ont pu présenter leur offre en matière de crédit-bail avait permis la formalisation de plusieurs sociétés coopératives et le financement, par crédit-bail, d’une entreprise de transport à hauteur de 350 millions FCFA par une banque de la place. Assistés par deux cabinets-conseils, les acteurs économiques présents ont pu présenter leurs projets aux crédits-bailleurs et obtenir des informations précises quant aux étapes à suivre pour obtenir des financements.
Moayé Didine
Le crédit-bail, ou leasing, est un moyen efficace de financement du secteur privé, notamment des PME/PMI, qui ont la possibilité de disposer par ce biais d’outils de production leur permettant d’accroître leurs revenus et leur rentabilité. C’est surtout un outil puissant pour favoriser la croissance et la formalisation ou professionnalisation des PME. C’est le cas dans les pays les plus avancés économiquement, mais aussi dans le nord du continent africain, au Maroc et en Tunisie. Pourtant, cet outil alternatif de financement est très peu utilisé dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), où les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les start-up font face, hélas, à d’énormes difficultés de financement. D’ailleurs, le manque de financement est l’une des principales raisons de la forte précarité de ces entreprises qui constituent 80% à 90% du tissu économique dans ces pays.
Seulement 1,1% des actifs bancaires en Côte d’Ivoire en 2017
Cet échec, le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Koné Tiémoko Meyliet, l’a reconnu lors du «Ti’Dej’» de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), le 1er mars 2018, à la Maison de l’entreprise, à Abidjan Plateau. Il a admis, face aux chefs d’entreprise, «un certain nombre de difficultés au niveau de cet instrument alternatif de financement des entreprises».
Les résultats de l'analyse de l’environnement économique et financier de l'Uemoa ont en effet montré que «le crédit-bail et les opérations assimilées représentaient en moyenne 0,6% des actifs des établissements de crédit dans la zone». En Côte d'Ivoire, pays qui représente 40% du PIB de l’Uemoa, la part du crédit-bail s'élève en moyenne à 1,1% du total des actifs bancaires.
C’est que des problèmes juridiques importants ont été constatés dans la mise en œuvre du crédit-bail. «Tout est lié, explique le gouverneur de la BCEAO, à une question de loyer payé : le crédit-bail, du fait qu’il prend ses financements dans le système bancaire classique, répercute obligatoirement ses coûts sur les loyers qui sont versés.» Les difficultés identifiées, l’Uemoa s’attelle, à travers un projet de loi uniforme élaboré et en cours d'examen par les parlements nationaux, à y trouver des solutions en vue de favoriser le développement du crédit-bail. «Nous essayons de régler toutes ces questions. Nous les avons identifiées, de sorte à ce qu’elles soient prises en charge», a rassuré Koné Tiémoko Meyliet.
Les innombrables actions entreprises en vue d’assurer une mise en œuvre réussie du crédit-bail dans les États de l’Uemoa n’auront donc pas encore atteint leur but. En novembre 2016, dans le cadre d’un atelier organisé à Abidjan par le ministère de l’Économie et des Finances, en partenariat avec la Société financière internationale (SFI) du groupe de la Banque mondiale, il avait été révélé qu’en 2015, sur un potentiel de 580 milliards FCFA, la Côte d’Ivoire avait réalisé seulement 68 milliards FCFA d’opérations de crédit-bail, soit 11% des besoins de financement. L’expert international en crédit-bail, Me Nizar Senoussi, qui donne l’information en s’appuyant sur une étude réalisée par SFI, a précisé que le potentiel de marché était de 239 milliards FCFA en 2014, et de 146,5 milliards FCFA en 2013, pour des opérations réalisées de l’ordre de 55 milliards FCFA en 2013.
Les acteurs du marché du crédit-bail
En Côte d’Ivoire comme ailleurs, le crédit-bail ou leasing est pratiqué non seulement par des sociétés spécialisées dans les opérations bancaires de financement des équipements productifs des entreprises, en l’occurrence les PME/PMI, mais aussi par les banques et établissements financiers. Le marché compte deux entreprises spécialisées. L’une, Alios Finance Côte d’Ivoire, anciennement Société africaine de crédit automobile (Safca), créée en 1956, fut précurseur du crédit-bail en Afrique francophone. L’établissement financier non bancaire met à disposition des opérateurs économiques divers produits financiers, à savoir le crédit-bail mobilier, le crédit-bail immobilier, la location longue durée, le crédit investissement, le crédit court terme, le crédit automobile, le crédit équipement et la location avec option d’achat (LOA).
Le second établissement de crédit à caractère bancaire concerné est Fidelis Finance Côte d’Ivoire, qui propose des services financiers pour satisfaire les besoins d’investissement et de trésorerie (fonds de roulement) aux entreprises à travers le crédit-bail, la location avec option d’achat (LOA), la location longue durée (LLD), l’affacturage, les escomptes d’effets et des garanties de paiement.
À ces deux institutions financières non bancaires, acteurs principaux du crédit-bail en Côte d’Ivoire, il faut ajouter des banques et établissements financiers de place, six au total, qui proposent ce produit à leurs clients, comme la Bicici, ou encore la SGBCI…
Les PME et start-up s’indignent et dénoncent
Des sociétés, notamment des PME, passent effectivement par ce moyen pour disposer d’équipements indispensables à leur fonctionnement et au développement de leurs activités. Elles seraient plus nombreuses à acquérir des financements par ce moyen si les contraintes n’étaient pas aussi nombreuses. Mais à s’y frotter, la plupart d’entre elles ont fait l’amer constat de l’inadaptation du produit, inopérant pour des entreprises exerçant dans des secteurs autres que le transport. Du coup, très peu d’opérateurs économiques explorent cette piste pour trouver des solutions à leurs besoins de financement. Même les compagnies de transport qui en profitent dénoncent des conditions d’accès trop contraignantes. Elles se plaignent, dans leur cas, des garanties énormes, voire excessives qui leur sont exigées pour accéder à un crédit-bail, alors que les équipements mis à disposition constituent eux-mêmes des gages. Aussi, des responsables de sociétés comme UTB, Maalex Transport ou Pendis rencontrés jugent trop élevé le taux de 18% pratiqué par les maisons qui proposent le crédit-bail.
Aux PME et aux start-up que le crédit-bail est censé soulager, les acteurs du crédit-bail exigent par exemple les états financiers des trois dernières années. Ce qui n’est pas évident, surtout pour la start-up à laquelle il est demandé, quand elle réussit à satisfaire à toutes les conditions édictées, un apport personnel allant de 25 à 50% du coût de financement de l’outil de production à acquérir.
«C’est un type de crédit qui devrait en principe permettre le développement des PME et des start-up. Mais le marché est très restreint, se limitant à deux entreprises qui font du crédit-bail», fait remarquer un chef d’entreprise qui a accepté de partager son expérience sous le couvert de l’anonymat. S’il est vrai que des banques proposent ce type de produit, il est convaincu qu’il «ne s’agit pas réellement de crédit, les banques qui n’arrivent pas à se détacher de leur cœur de métier ne prêtant qu’aux grandes entreprises». De façon générale, dénonce ce chef d’entreprise qui, en vain, est allé de bureau en bureau pour solliciter du crédit-bail, les acteurs du crédit-bail, surtout les banques, financent au moins à 70%, en termes de statistiques, les véhicules. Mais ils refusent systématiquement de financer les outils de production pour des entreprises exerçant par exemple dans le secteur agricole ou celui de la transformation. «Avant de s’engager pour l’acquisition d’un tel outil qu’on doit nécessairement trouver sur le marché en Côte d’Ivoire, les maisons spécialisées tentent de s’assurer qu’il y a un marché secondaire. Ainsi, au cas où le contractant n’arrivait pas à respecter les traites, elles peuvent reprendre le matériel. Auquel cas, elles refusent», soutient le patron de PME. «Quand on rentre dans des domaines spécifiques pour solliciter un crédit-bail, afin d’acquérir un tracteur ou un engin pour une unité de production, ça devient compliqué», insiste l’opérateur économique.
Du crédit-bail qui parfois n'en est pas…
Ce chef d'entreprise pense que les besoins des PME étant souvent liés à des outils de production de seconde main qui se trouvent généralement en Europe, il faut que les maisons du crédit-bail revoient leurs procédures et méthodes pour s’adapter à la réalité du marché. Aussi plaide-t-il pour que les financements soient octroyés à des conditions assez souples et à des taux supportables pour les entreprises. Le délai de vingt-quatre à trente-six mois fixé pour l’amortissement de l’outil de production, ce promoteur d’une PME en plein essor le juge inadapté pour ce qui concerne des outils de production plus lourds tels que le tracteur ou un gros engin. «Un tracteur, c’est au moins cinq à sept ans pour l’amortir. Sinon le taux de remboursement est trop lourd», relève-t-il, ajoutant que le crédit-bail est surtout dévoyé de son sens quand des maisons disent faire du crédit-bail mais ne prêtent qu’aux salariés. Or, en l'occurrence, il s’agit plutôt de prêt à la consommation que de crédit-bail. D’où les accusations de pratique de l’usure qui conduit dans la détresse de nombreux travailleurs.
Moayé Didine
Encadré
Le cadre réglementaire à jour en Côte d’Ivoire
Si les résultats de la mise en œuvre du crédit-bail sont loin d’être satisfaisants, les efforts ont été entrepris ces dernières années en Côte d’Ivoire sous la conduite du Programme de développement du secteur financier (PDESFI), en partenariat avec la SFI, dans le cadre du programme Africa leasing facility (ALF II). Les initiatives ont été multipliées pour faciliter l’accès au financement aux entreprises, aux PME notamment, à travers le développement de cet outil alternatif. Le cadre réglementaire a même été mis à jour depuis décembre dernier, avec l’adoption et la promulgation de la loi n°2017-802 du 7 décembre 2017 uniforme relative au crédit-bail dans les États membres de l’Uemoa. Avec l’appui technique de la SFI, il avait été déjà élaboré en 2014 une étude de marché sur le crédit-bail. Ces travaux avaient abouti le novembre 2015 à l’adoption par l’assemblée nationale d’une loi portant réglementation du crédit-bail en Côte d’Ivoire.
Une place de choix a été accordée à la sensibilisation avec des ateliers qui ont permis renforcer en 2016 les capacités des acteurs clés du secteur. Plus de 1.000 acteurs économiques auront profité des actions qui se sont amplifiées avec l’organisation à Abidjan, en septembre 2016, d’un forum régional sur le crédit-bail. Il a été initié par la suite une campagne nationale de sensibilisation dénommée « Crédit-bail pour tous », qui a sillonné le pays d’Abidjan à Korhogo, au nord, en passant par Yamoussoukro et Bouaké, au centre. L’objectif était de sensibiliser les entreprises à explorer l’option du crédit-bail pour financer l’acquisition d’outils de production nécessaires à leur compétitivité, à des conditions plus souples comparées aux crédits classiques. Cette campagne au cours de laquelle des banques et établissements financiers ont pu présenter leur offre en matière de crédit-bail avait permis la formalisation de plusieurs sociétés coopératives et le financement, par crédit-bail, d’une entreprise de transport à hauteur de 350 millions FCFA par une banque de la place. Assistés par deux cabinets-conseils, les acteurs économiques présents ont pu présenter leurs projets aux crédits-bailleurs et obtenir des informations précises quant aux étapes à suivre pour obtenir des financements.
Moayé Didine