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Politique Publié le jeudi 6 décembre 2018 | Présidence

Conseil de Sécurité des Nations Unies :Débat Présidentiel de Haut niveau présidé, à New-York, par SEM Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire

© Présidence Par DR
Débat présidentiel de haut niveau au Conseil de Sécurité des Nations Unies
New York (USA), le mercredi 05 décembre 2018. Le Président de la République, S.E.M. Alassane OUATTARA, a présidé le débat présidentiel de haut niveau au Conseil de Sécurité des Nations Unies en présence du Secrétaire Général des Nations Unies, S.E.M. Antonio GUTERRES au Siège de l`ONU
Monsieur le Secrétaire Général,

Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Représentants permanents auprès des Nations Unies

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement honoré de présider cette séance et ce débat de haut niveau de notre Conseil, qui s’inscrivent dans le cadre des activités choisies par la Côte d’Ivoire pour marquer sa présidence du Conseil de Sécurité en ce mois de décembre 2018.

Il s’agit d’un moment important pour mon pays, qui intervient vingt-sept (27) ans après son dernier mandat au sein du Conseil de Sécurité.

Notre présidence intervient aussi plus d’une année après la sortie de la Côte d’Ivoire de l’Agenda du Conseil de Sécurité et la fermeture, en 2017, de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), après treize (13) années de présence sur notre territoire.

Mesdames et Messieurs,

La Côte d’Ivoire assume la présidence tournante du Conseil de Sécurité dans une période marquée par des bouleversements au plan international, avec une redéfinition de certains équilibres.

Notre présence dans cette prestigieuse enceinte nous offre l’occasion de redire notre foi dans un système multilatéral équilibré, qui permet à tous, de faire entendre leur voix et de voir leurs aspirations prises en considération.

Dans cette période charnière, notre monde est appelé à faire preuve de plus de solidarité et d’entente, afin de relever les défis en matière de paix et de sécurité auxquels nous sommes tous confrontés.

Dans ce contexte, notre présidence sera placée sous le signe de l’ouverture, du partage d’expériences et de la collaboration afin de créer, en toutes circonstances, les conditions du consensus sur les questions les plus difficiles.

Nous voulons également enrichir l’éventail des réponses apportées par le Conseil de Sécurité, aux différentes questions dont il est saisi.

Par ailleurs, mon pays accordera, au cours de sa présidence, une attention soutenue aux questions africaines qui dominent hélas de loin notre agenda, et requièrent une attention particulière et un engagement total de chacun de nos pays. J’invite donc les membres de notre Conseil à répondre favorablement aux attentes et aux appels de l’Afrique à davantage de solidarité dans le financement
de ses opérations de soutien à la paix.

Au regard des nombreux défis liés à la paix et à la sécurité internationales dans notre monde en constante mutation, l’Organisation des Nations Unies et le Conseil de Sécurité apparaissent plus que par le passé, incontournables pour prévenir et
résoudre les conflits.

Je voudrais donc adresser mes encouragements au Secrétaire Général, pour l’ambitieux projet de réforme de notre Organisation commune qu’il a initié et dont l’aboutissement permettra de la rendre encore plus efficace.

Mesdames et Messieurs,

La Côte d’Ivoire a bénéficié, pendant plus d’une décennie, d’un engagement sans précédent de la Communauté internationale, en particulier de l’Organisation des Nations Unies et du Conseil de Sécurité.

En effet, dans la gestion de la crise que mon pays a traversée, le Conseil de Sécurité a adopté plus d’une cinquantaine de résolutions. Certaines de ces résolutions, notamment celles relatives à la certification des élections et à la protection des
civils, constituent des évolutions inédites et courageuses qui resteront gravées dans les annales du Conseil.

Je peux m’exprimer devant vous, aujourd’hui, grâce à la détermination du peuple ivoirien, à l’engagement remarquable de la CEDEAO, et de l’Union Africaine, dont je salue la présence des premiers Responsables, et à celui des Nations Unies, à travers l’ONUCI.

Je voudrais rendre un hommage appuyé à la CEDEAO pour le rôle qu’elle a joué dans la sortie de crise en Côte d’Ivoire.

J’exprime ma gratitude au Secrétaire Général d’alors, Monsieur Ban Ki Moon ainsi qu’au Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d’Ivoire au moment de la crise, Monsieur Young-Jin Choi, pour leur courage, leur détermination et leur engagement à défendre les idéaux des Nations Unies.

Je voudrais, au nom de la Nation ivoirienne, saluer la mémoire des 150 Casques bleus qui ont fait le sacrifice de leur vie pour en sauver d’autres et pour ramener la paix et la stabilité dans mon pays.

J’exprime à leurs pays et à leurs familles, ainsi qu’à la grande famille des Nations Unies, la reconnaissance du peuple ivoirien.

A présent, je voudrais rendre hommage à un digne fils de l’Afrique, 7ème Secrétaire Général des Nations Unies, pour son exceptionnelle contribution à la paix dans le monde.

Il s’agit de Monsieur Kofi Annan, ce grand Humaniste, qui nous a quittés le 18 août 2018 et dont la voix et la sagesse manqueront aux grandes causes du monde.

Mesdames et Messieurs,

Le thème de notre débat, « Reconstruction post-conflit, Paix, Sécurité et Stabilité », revêt une grande importance pour mon pays, au regard de son histoire récente.

Ce thème nous offre l’opportunité de partager notre expérience en matière de reconstruction post-crise ; il nous donne aussi l’occasion d’évoquer les priorités que nous avons établies afin de rendre irréversibles la paix et la sécurité ainsi que le développement que connaît la Côte d’Ivoire, depuis la fin de la crise post- électorale.

Nous souhaitons que les leçons tirées de notre expérience contribuent, modestement, à enrichir la pratique de notre Conseil dans le domaine de la consolidation de la paix, qu’il a su faire évoluer au cours de ces dernières années.

Notre expérience pourra également être utile aux pays qui sont confrontés à des situations similaires.

En 2011, la Côte d’Ivoire est sortie d’une décennie de crise et de la crise post- électorale, fragilisée aux plans économique, social, humain et sécuritaire.

En effet, l’insécurité était généralisée ; tous les indicateurs économiques étaient au rouge ; les infrastructures socioéconomiques ainsi que les Services publics de base étaient dans un état de délabrement préoccupant.

Cette situation aurait pu compromettre le retour du pays à la paix et à la stabilité durables, si des mesures urgentes et une stratégie globale de reconstruction et de développement, n’avaient pas été mises en œuvre dès la fin des affrontements.

La reprise en main a été possible grâce à la restauration de l’autorité de l’Etat, que nous sommes parvenus à mettre en œuvre, en dépit de notre confinement dans un hôtel d’Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire.

Comme l’ont démontré plusieurs situations examinées par notre Conseil, la reconstruction post-crise, la paix et la stabilité sont fortement tributaires de l’existence de Structures étatiques et d’Institutions capables de remplir pleinement leurs fonctions.

Mesdames et Messieurs,

Dès 2011, la Côte d’Ivoire a fondé sa stratégie de reconstruction post-crise, de paix et de stabilité sur la Relance de son économie, le Désarmement, la Démobilisation et la Réintégration ainsi que sur la Réforme du Secteur de la Sécurité et la Réconciliation.

La relance rapide de notre économie a donné au Gouvernement les leviers lui permettant non seulement de répondre aux urgences sociales et sécuritaires des populations mais aussi de travailler au développement du pays sur le long terme.

C’est dans cette perspective que nous avons conçu et exécuté le Programme Présidentiel d’Urgence (PPU), avec pour objectif de restaurer les infrastructures sociales de base, en particulier dans les zones rurales fragilisées afin d’accélérer le retour de l’Administration dans toutes les régions du pays.

Nous avons consolidé ce Programme d’Urgence avec des Plans Nationaux de Développement couvrant les périodes 2012-2015 et 2016-2020, pour un montant total d’environ 72 milliards de dollars (près de 40 000 milliards de FCFA), avec une forte implication du secteur privé.

Ces investissements ont permis une profonde transformation de l’économie et un taux croissance moyen de près de 9%, par an, entre 2012 et 2017.

Concernant la paix et la stabilité, nous avons initié et mis en œuvre, avec le soutien de l’ONU, de nos partenaires financiers et techniques, une réforme du secteur de la sécurité et un vaste et ambitieux programme de Désarmement, de Démobilisation et de Réintégration.

Ce programme, qui a coûté 200 millions de dollars, a été financé à hauteur de 72% par l’Etat de Côte d’Ivoire ; il a abouti à la réintégration de plus de 65 000 ex- combattants.

Au-delà de ce processus que nous avons pu mener dans un délai de 3 ans, l’embellie économique du pays a offert de nombreuses opportunités d’emplois aux jeunes et aux ex-combattants. En effet, ce sont plus de 2 millions d’emplois qui ont été créés depuis 2012 dans mon pays, qui compte 24 millions d’habitants.

En outre, nous poursuivons la restructuration et la modernisation de l’Armée, des Services de sécurité et de l’Appareil judiciaire pour plus d’efficacité et de professionnalisme.

C’est le lieu de rendre hommage à nos Forces de Défense et de Sécurité pour leur engagement au service de la Nation et leur professionnalisme, notamment lors de l’attaque terroriste de Grand-Bassam en mars 2016.

Au plan politique, l’Etat ivoirien a pris en charge, presqu’intégralement, l’organisation de tous les scrutins intervenus dans le pays depuis 2012, y compris l’élection présidentielle en 2015 et le Référendum constitutionnel en 2016 qui a doté la Côte d’Ivoire d’une Constitution moderne ; une Constitution qui garantit davantage les droits et les libertés des citoyens, en particulier ceux des femmes.

Tous ces scrutins ont consacré la consolidation de la démocratie en Côte d’Ivoire et la normalisation de la vie politique nationale.

Le Gouvernement a également œuvré au renforcement de la bonne gouvernance avec la mise en place de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, qui a une mission de prévention et la lutte contre la corruption.

Nous avons aussi procédé au financement de l’indemnisation des victimes des crises successives que notre pays a connues.
Le processus d’indemnisation a démarré en 2015, avec la mise en place d’un fonds spécial, d’une dotation initiale de 10 milliards de FCFA, qui est alimenté chaque année.

Enfin, plusieurs initiatives ont été prises pour promouvoir et renforcer la réconciliation nationale et la cohésion sociale.

Il s’agit notamment de la mise en place de structures telles que la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR), la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes (CONARIV) ainsi que la Chambre des Rois et Chefs Traditionnels.

Dans ma volonté de consolider la réconciliation et de solder définitivement le contentieux relatif à la crise post-électorale, j’ai pris, en Août 2018, une loi d’amnistie concernant environ 800 personnes, poursuivies ou condamnées pour des infractions en lien avec la crise post-électorale de 2010 ou des infractions contre la sureté de l’Etat.

Ces initiatives ont donné des résultats significatifs. Aujourd’hui, tous les déplacés internes sont retournés dans leurs localités d’origine et la quasi-totalité des réfugiés sont revenus en Côte d’Ivoire.

Les ivoiriens vivent ensemble, dans la paix et la tolérance.

Mesdames et Messieurs,

Le cas de la Côte d’Ivoire devrait également inspirer l’action de notre Conseil et celle de la Communauté internationale dans d’autres situations post-conflit.

En effet, la reconstruction post-conflit, la paix et la stabilité durables nécessitent :

1- l’existence d’un Gouvernement qui tire sa légitimité d’élections démocratiques et transparentes ;

2- la mise en place et le redéploiement d’une Administration fiable qui inspire confiance ;

3- un processus de réconciliation crédible ;

4- une réforme du secteur de la sécurité qui conduit à une Armée et des Services de sécurité professionnels ;

5- un plan d’investissement d’urgence pour la fourniture équitable de services sociaux de base et la création d’emplois.

Ce processus requiert un accompagnement politique et technique soutenu ainsi que d’importantes ressources financières qui ne sont pas disponibles dans les pays qui sortent de conflit.

C’est pourquoi, il est important que dans de tels pays, la Communauté internationale, notamment l’ONU, reste engagée de façon décisive et résolue, tout en évaluant les conditions d’un retrait ordonné, comme ce fut le cas pour la Côte d’Ivoire.

Mesdames et Messieurs,

Nous devons cependant nous rendre à l’évidence que la paix, la stabilité et le développement à l’intérieur d’un pays qui sort de crise demeurent également tributaires de l’environnement sécuritaire régional. C’est le cas de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, marqués par d’intenses activités terroristes, des menaces auxquelles nous devons répondre ensemble.

A cet égard, je lance un appel à notre Conseil pour un financement adéquat et durable des opérations de maintien de la paix en Afrique et en particulier du G5 Sahel, qui demeure une préoccupation majeure pour mon pays et notre sous-région d’Afrique de l’Ouest.

Pour terminer, je voudrais réitérer mon souhait ardent de voir l’expérience de mon pays venir enrichir les recommandations et les décisions qui se rapportent aux Etats engagés dans des processus complexes de sortie de crise et de reconstruction post-
conflit.

La Côte d’Ivoire entend y contribuer pleinement. C’est à ce titre que nous mettons à la disposition de la MINUSMA et de la MINUSCA ou de tout autre théâtre d’opérations en Afrique, un contingent que nous avons formé et équipé.

Je vous remercie.
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