Y a-t-il véritablement des changements dans le passage, en 2020, du franc Cfa (Communauté française d’Afrique), la monnaie coloniale encore en vigueur, à l’Eco, la nouvelle monnaie unique envisagée par les pays de la Communauté économique de développement de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et anticipée par les Etats de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa)? Visiblement pas grand’chose !
En effet, à y regarder de près, le plus grand mérite de la réforme dont les conclusions ont été annoncées depuis la Côte d’Ivoire par les présidents ivoirien, Alassane Ouattara, et français, Emmanuel Macron, réside dans le seul changement de nom. Lequel, apparemment, n’a pas fait avancer réellement les débats. Psychologiquement, les pays qui ont en commun le Cfa en Afrique de l’Ouest, auront l’impression de s’être affranchis du poids de la colonisation, mais, dans la pratique, il pourrait ne pas avoir de grands changements.
D’abord, selon les premières indications données sur la nouvelle monnaie bientôt mise en circulation, la parité avec l’Euro demeurera fixe. Cela veut dire que rien ne change dans la convertibilité entre l’Euro et l’Eco. Un Euro équivaudra à 655, 957 Eco, même parité que le Cfa aujourd’hui. Première inamovibilité, l’Euro conserve ses mêmes effets sur le Cfa, notamment sa puissance de monnaie forte, qui déséquilibre les flux d’exportation et d’importation entre l’Europe et la zone Cfa de l’Afrique. Le changement de nom n’aura en rien entamé ce déséquilibre au détriment des Etats africains.
Secundo, la question de la garantie de la stabilité de la nouvelle monnaie donne à réfléchir. En effet, il a été annoncé la suppression du compte des opérations des pays de la zone Cfa au Trésor français. Le président Emmanuel Macron indiquera, à propos, que les pays africains ne seront « plus obligés » de loger les 50% de leurs réserves d’échanges, comme c’est le cas jusqu’à présent, au Trésor de la France. Ce concept de « pas obligatoire » laisse entrevoir l’habilité du patron de l’Elysée, qui semble laisser une latitude peu commode aux dirigeants du continent noir. En effet, « plus obligés » ne veut pas dire « interdit ». Mieux, si ces Etats ne logent plus leurs réserves à Paris, où pourraient-ils les reloger avec toutes les garanties de sécurités ? Il n’est pas exclu qu’à titre individuel ces mêmes Etats fassent la démarche librement vers Paris pour demander à continuer à y conserver ces réserves. Ainsi, comme l’opération Barkhane contestée sur laquelle la France se défend, l’Elysée pourrait encore rétorquer à quiconque : « C’est à leur propre demande ». Mais, à quel prix ? Avec quelle contrepartie ? Car, la France ne garantira pas sans contrepartie. Sur la question, Emmanuel Macron semble avoir anticipé sur la réponse en annonçant que le ministre français de la Coopération discutera avec les gouvernements africains concernés par le changement. Là encore, le scénario ressemble à du saupoudrage. Juste pour se débarrasser de l’étiquette du colonisateur. Le grand maître qui feint d’arrêter la dictée, disparaît, mais réapparait sous une autre forme.
L’Eco, en définitive, ne va rien changer fondamentalement, à part son appellation. Cette monnaie s’annonce comme une sorte de relookage du Cfa, un packaging pour lui donner des allures de nouveau tout en continuant, subreptice, avec le vieux système rénové.
Mieux, l’Eco semble mettre en péril le projet de création de la monnaie unique de la Cedeao qui porte le même nom diminutif de l’Ecowas ou la Cedeao en Anglais. En devançant ce projet, qui suscite des réserves chez le géant nigérian en raison de la présence et du poids de la France dans la zone Cfa, la nouvelle monnaie de l’Uemoa pourrait contrebalancer celle plus étendue de l’ensemble des pays de l’espace ouest-africain. La France ayant peu de contrôle sur le Nigeria plus tournée vers les Etats-Unis, réussir à attirer le Ghana et le Liberia dans l’Eco répondrait bien à une stratégie profitable et bénéfique au renforcement de cette monnaie qui viderait celle de la Cedeao de sa substance. Si l’Eco de la Cedeao venait à voir le jour, il faut le souligner, le Nigeria en serait la figure de proue et le grand bénéficiaire par son poids économique dominant. Mais, ce projet ne peut aboutir sans le divorce clair avec la France pour le moment en séparation de corps avec ses ex-colonies d’Afrique de l’Ouest. Celle de l’Afrique centrale attendant encore de voir jusqu’où iront les Etats de l’Uemoa. Pas si sûr que ce changement, qui s’inscrit dans la continuité va taire les clameurs des souverainistes encore aux abois.
F.D.BONY
En effet, à y regarder de près, le plus grand mérite de la réforme dont les conclusions ont été annoncées depuis la Côte d’Ivoire par les présidents ivoirien, Alassane Ouattara, et français, Emmanuel Macron, réside dans le seul changement de nom. Lequel, apparemment, n’a pas fait avancer réellement les débats. Psychologiquement, les pays qui ont en commun le Cfa en Afrique de l’Ouest, auront l’impression de s’être affranchis du poids de la colonisation, mais, dans la pratique, il pourrait ne pas avoir de grands changements.
D’abord, selon les premières indications données sur la nouvelle monnaie bientôt mise en circulation, la parité avec l’Euro demeurera fixe. Cela veut dire que rien ne change dans la convertibilité entre l’Euro et l’Eco. Un Euro équivaudra à 655, 957 Eco, même parité que le Cfa aujourd’hui. Première inamovibilité, l’Euro conserve ses mêmes effets sur le Cfa, notamment sa puissance de monnaie forte, qui déséquilibre les flux d’exportation et d’importation entre l’Europe et la zone Cfa de l’Afrique. Le changement de nom n’aura en rien entamé ce déséquilibre au détriment des Etats africains.
Secundo, la question de la garantie de la stabilité de la nouvelle monnaie donne à réfléchir. En effet, il a été annoncé la suppression du compte des opérations des pays de la zone Cfa au Trésor français. Le président Emmanuel Macron indiquera, à propos, que les pays africains ne seront « plus obligés » de loger les 50% de leurs réserves d’échanges, comme c’est le cas jusqu’à présent, au Trésor de la France. Ce concept de « pas obligatoire » laisse entrevoir l’habilité du patron de l’Elysée, qui semble laisser une latitude peu commode aux dirigeants du continent noir. En effet, « plus obligés » ne veut pas dire « interdit ». Mieux, si ces Etats ne logent plus leurs réserves à Paris, où pourraient-ils les reloger avec toutes les garanties de sécurités ? Il n’est pas exclu qu’à titre individuel ces mêmes Etats fassent la démarche librement vers Paris pour demander à continuer à y conserver ces réserves. Ainsi, comme l’opération Barkhane contestée sur laquelle la France se défend, l’Elysée pourrait encore rétorquer à quiconque : « C’est à leur propre demande ». Mais, à quel prix ? Avec quelle contrepartie ? Car, la France ne garantira pas sans contrepartie. Sur la question, Emmanuel Macron semble avoir anticipé sur la réponse en annonçant que le ministre français de la Coopération discutera avec les gouvernements africains concernés par le changement. Là encore, le scénario ressemble à du saupoudrage. Juste pour se débarrasser de l’étiquette du colonisateur. Le grand maître qui feint d’arrêter la dictée, disparaît, mais réapparait sous une autre forme.
L’Eco, en définitive, ne va rien changer fondamentalement, à part son appellation. Cette monnaie s’annonce comme une sorte de relookage du Cfa, un packaging pour lui donner des allures de nouveau tout en continuant, subreptice, avec le vieux système rénové.
Mieux, l’Eco semble mettre en péril le projet de création de la monnaie unique de la Cedeao qui porte le même nom diminutif de l’Ecowas ou la Cedeao en Anglais. En devançant ce projet, qui suscite des réserves chez le géant nigérian en raison de la présence et du poids de la France dans la zone Cfa, la nouvelle monnaie de l’Uemoa pourrait contrebalancer celle plus étendue de l’ensemble des pays de l’espace ouest-africain. La France ayant peu de contrôle sur le Nigeria plus tournée vers les Etats-Unis, réussir à attirer le Ghana et le Liberia dans l’Eco répondrait bien à une stratégie profitable et bénéfique au renforcement de cette monnaie qui viderait celle de la Cedeao de sa substance. Si l’Eco de la Cedeao venait à voir le jour, il faut le souligner, le Nigeria en serait la figure de proue et le grand bénéficiaire par son poids économique dominant. Mais, ce projet ne peut aboutir sans le divorce clair avec la France pour le moment en séparation de corps avec ses ex-colonies d’Afrique de l’Ouest. Celle de l’Afrique centrale attendant encore de voir jusqu’où iront les Etats de l’Uemoa. Pas si sûr que ce changement, qui s’inscrit dans la continuité va taire les clameurs des souverainistes encore aux abois.
F.D.BONY