Chère population de Côte d’Ivoire,
Officiellement apparu dans notre pays le 11 mars dernier, date de l'annonce du 1er cas confirmé du Covid-19, le nombre de malades n'a cessé d'augmenter, à un rythme effréné.
Le vendredi 10 avril, les services de santé ont enregistré 36 nouveaux cas d’infection à COVID19 sur 192 prélèvements, portant à 480 le nombre des cas confirmés. Ce qui fait de la Côte d'Ivoire le pays où on compte le plus grand nombre de personnes infectées dans notre sous région ouest africaine.
Notre pays est suivi par le Burkina Faso avec 443 cas, le Ghana 378, le Nigeria 305, le Sénégal 265, la Guinée Conakry 212, le Mali 87, le Togo 67, Liberia 37, le Bénin 35 et la Gambie 4 cas.
Le constat est donc qu’en dépit des nombreuses mesures prises par les autorités publiques, la maladie ne fait que gagner chaque jour un peu plus de terrain. C’est un réel sujet de préoccupation.
Dans notre pays, la progression de la maladie peut s'expliquer par certains tâtonnements observés dès le début dans la gestion opérationnelle de la pandémie. Cela a été le cas notamment avec la mise en quarantaine ratée à l’INJS des passagers du vol air France du 17 mars 2020, ainsi que la poursuite des festivités du MASA et la mise en œuvre tardive de l'isolement du grand Abidjan de l'intérieur du pays.
Aux tâtonnements observés dans la gestion du Covid19 par le gouvernement il faut également ajouter la crise de confiance entre les populations et les autorités Étatiques dont la communication institutionnelle est boudée en faveur des rumeurs infondées qui pullulent sur les réseaux sociaux.
En témoigne, les contestations observées ces derniers jours au stade de la BAE à Yopougon qui ont entraînées le démantèlement et le saccage des installations de dépistage.
À l’intérieur du pays, à Bangolo, un camion de livraison d'équipements médicaux a été refoulé par une foule déchaînée et irascible qui refusaient selon la presse que des équipements et médicaments soient livrés à l’hôpital de ladite commune.
Autant de faits qui ont pu favoriser la propagation de la maladie dans le district d'Abidjan qui à ce jour compte plus de 90% des contaminés et à l'intérieur du pays.
Dans son adresse du 31 mars 2020, le premier ministre Amadou Gon Coulibaly, a fait l’état de lieux de la situation sanitaire dans notre pays. Malheureusement, les généralités et l'imprécision de cet état des lieux qui ont émaillées son discours n’ont pas vraiment permis de se faire une opinion détaillée et documentée de la situation réelle de la pandémie dans notre pays.
Il ressort des déclarations du Premier ministre que la mise en œuvre du plan de riposte sanitaire fait apparaître la situation suivante :
⁃ La capacité de prélèvement des suspects et d'analyse a été renforcée ;
⁃ L'extension des sites de prise en charge des cas positifs est en cours, tant à Abidjan qu’à l'intérieur du pays.
⁃ L'ensemble des commandes urgentes de matériel de protection a été passé.
⁃ Le renforcement du système des soins est en cours.
⁃ Les stocks de médicaments sont disponibles pour faire face aux besoins.
Toutes ces informations données par le Premier ministre, auraient probablement suscitées une pleine adhésion des populations à l'action gouvernementale si elles étaient accompagnées d'un minimum d'indicateurs de performance.
Ces imprécisions en rajoutent au scepticisme des populations quant à l’effectivité des mesures, accentuent leurs doutes sur la réalité de la maladie et créent des confusions dans leur esprit la capacité de notre pays à faire face à la pandémie. L'adhésion des populations s'en trouve en conséquence gravement compromise. Il urge donc d’agir en vue de rassurer les populations.
Aussi, en complément des propositions faites par le président Pascal Affi Nguessan lors de son message du 21 mars dernier à l’effet d’apporter une réponse appropriée à la propagation croissante du covid19, je voudrais pour ma part faire les recommandations suivantes :
1 - rendre crédible les informations en communiquant des chiffres précis et des niveaux de référence. Cela permettra un meilleur monitoring des résultats réalisés et des efforts à fournir. Une bonne compréhension des mesures contribue nécessairement à rassurer et à engager les populations, ainsi que toutes les entités concernées, à pleinement s'impliquer dans la lutte contre le covid19 et à soutenir les efforts du gouvernement.
2 - Communautariser la diffusion de l'information, de sorte que le dispositif essentiellement médical mis en place actuellement soit mieux intégré par toutes les couches sociales du pays.
3 - mettre en place un outil informatique de traçabilité des personnes infectées par le Covid-19 et éventuellement des populations confinées. Des informations récemment relayées par la presse nationale ont permis de révéler le cas d'une personne atteinte du covid-19 à Aboisso et qui s'est retrouvée dans un village de Taabo, faute de prise en charge. Taabo n'ayant aucun dispositif approprié de prise en charge du malade, ce dernier et sa famille ont été isolés du village par les habitants, les laissant seul à leur sort. La traçabilité aurait permis aux structures sanitaires compétentes de prendre en charge ce cas. L'Etat doit inciter nos entreprises informatiques, à l'instar de la Corée du Sud, à développer une application mobile qui permettrait de suivre en temps réel les personnes infectées.
4 - mettre à contribution, en équipant et en dotant en tant que de besoin les laboratoires d'analyses biologiques privés des réactifs et tests nécessaires, afin qu'ils puissent, au même titre que les structures sanitaires publiques, réaliser des prélèvements et des tests. Les entreprises pourraient ainsi aiguiller leurs cadres et travailleurs vers ces structures pour leur dépistage.
4 - mettre en place une base de données de tout le personnel de santé disponible, notamment dans le secteur privé, ainsi que dans les universités et les écoles de formation. Cette précaution permettrait d'anticiper les besoin en ressources humaines en cas d'explosion du nombre de contaminés dans notre pays.
5 - apporter une réponse sous régionale à la riposte sanitaire en organisant par téléconférence une séance de travail des ministres en charge de la santé dans l’espace CEDEAO. Cette proposition avait déjà été faite par le président Affi NGuessan.
Je note que la plupart des décisions de prise en charge et des mesures de prévention dans la gestion de la pandémie dans notre pays sont calquées sur les pratiques en cours en Europe, et en particulier en France. Or, compte tenu de notre sociologie et de nos propres habitudes de vie communautaire il m'apparaît nécessaire d'adapter la réponse sanitaire à la spécificité de notre de notre contexte ivoirien et africain.
À cet égard, je recommande de :
1 - Rendre fonctionnel tous les Comités de Lutte contre les Epidémies dans nos différents départements, les doter d'un budget et de suivre leur fonctionnement.
2 - Mettre en mission les associations et ONG qui oeuvrent dans le domaine de la santé en vue d’en faire des relais auprès des communautés et dans les hameaux les plus reculés.
3 - Mettre en place un Comité National d'experts multidisciplinaires qui intégrerait nos tradipraticiens à la recherche de solutions innovantes et locales dans la prise en charge du covid-19.
4 - apporter un appui financier à l’Institut National Polytechnique Félix Houphouet Boigny de Yamoussoukro, qui fabrique déjà des solutions et gels hydro-alcooliques et des milliers de masques par jour.
5 - Dans le cadre des prérogatives que lui confèrent l’état d’urgence et en vue d'assurer notre souveraineté médicale, réquisitionner certaines unités industrielles afin qu'elles consacrent leurs productions à la fabrication de masques, de blouses de protection, de gants et de gels hydo alcooliques.
Pour l'heure, je voudrais sincèrement féliciter l'ensemble du personnel médical, les forces de l'ordre et toutes les personnes directement et activement impliquées dans la lutte contre le Covid19 dans notre pays.
Je voudrais également remercier le Directeur Général de la Santé pour tous les efforts qu'il met en œuvre pour informer les populations. Je l'exhorte à être plus prolixe et à donner davantage de détails et de références à l’occasion de la diffusion des informations sur le COVID19.
Je voudrais enfin saluer les efforts que le préfet d'Abidjan déploie en vue de sensibiliser les populations du district d'Abidjan en descendant lui-même régulièrement sur le terrain. Cela a été le cas notamment lorsqu'il s'est rendu à Yopougon pour rassurer et échanger avec les riverains de la BAE suite au saccage des chapiteaux et des équipements de dépistage qui y avaient été installés.
À ce sujet, quand bien même je comprends les angoisses et les peurs des populations qui ont agi sous le coup de la disinformations et du déficit de la communication institutionnelle, je condamne ces actes de vandalisme qui risquent de compromettre le plan national de riposte.
Pour terminer, je vous exhorte à respecter les mesures barrières contre le COVID19 arrêtées par l’OMS et les autorités. La lutte contre le coronavirus doit être l'affaire de toutes et de tous. Partout où cela sera possible, je vous invite à aller vous faire dépister.
Ensemble, et avec la grâce de Dieu, nous vaincrons.
Dieu bénisse la CI et ait pitié du monde.
Je vous remercie.
Fait à Abidjan, le samedi 10 avril 2020
Christine Adjobi
Vice-Presidente du FPI chargée des politiques sociales, de la solidarité et du bien être.
Ex ministre de la santé
Officiellement apparu dans notre pays le 11 mars dernier, date de l'annonce du 1er cas confirmé du Covid-19, le nombre de malades n'a cessé d'augmenter, à un rythme effréné.
Le vendredi 10 avril, les services de santé ont enregistré 36 nouveaux cas d’infection à COVID19 sur 192 prélèvements, portant à 480 le nombre des cas confirmés. Ce qui fait de la Côte d'Ivoire le pays où on compte le plus grand nombre de personnes infectées dans notre sous région ouest africaine.
Notre pays est suivi par le Burkina Faso avec 443 cas, le Ghana 378, le Nigeria 305, le Sénégal 265, la Guinée Conakry 212, le Mali 87, le Togo 67, Liberia 37, le Bénin 35 et la Gambie 4 cas.
Le constat est donc qu’en dépit des nombreuses mesures prises par les autorités publiques, la maladie ne fait que gagner chaque jour un peu plus de terrain. C’est un réel sujet de préoccupation.
Dans notre pays, la progression de la maladie peut s'expliquer par certains tâtonnements observés dès le début dans la gestion opérationnelle de la pandémie. Cela a été le cas notamment avec la mise en quarantaine ratée à l’INJS des passagers du vol air France du 17 mars 2020, ainsi que la poursuite des festivités du MASA et la mise en œuvre tardive de l'isolement du grand Abidjan de l'intérieur du pays.
Aux tâtonnements observés dans la gestion du Covid19 par le gouvernement il faut également ajouter la crise de confiance entre les populations et les autorités Étatiques dont la communication institutionnelle est boudée en faveur des rumeurs infondées qui pullulent sur les réseaux sociaux.
En témoigne, les contestations observées ces derniers jours au stade de la BAE à Yopougon qui ont entraînées le démantèlement et le saccage des installations de dépistage.
À l’intérieur du pays, à Bangolo, un camion de livraison d'équipements médicaux a été refoulé par une foule déchaînée et irascible qui refusaient selon la presse que des équipements et médicaments soient livrés à l’hôpital de ladite commune.
Autant de faits qui ont pu favoriser la propagation de la maladie dans le district d'Abidjan qui à ce jour compte plus de 90% des contaminés et à l'intérieur du pays.
Dans son adresse du 31 mars 2020, le premier ministre Amadou Gon Coulibaly, a fait l’état de lieux de la situation sanitaire dans notre pays. Malheureusement, les généralités et l'imprécision de cet état des lieux qui ont émaillées son discours n’ont pas vraiment permis de se faire une opinion détaillée et documentée de la situation réelle de la pandémie dans notre pays.
Il ressort des déclarations du Premier ministre que la mise en œuvre du plan de riposte sanitaire fait apparaître la situation suivante :
⁃ La capacité de prélèvement des suspects et d'analyse a été renforcée ;
⁃ L'extension des sites de prise en charge des cas positifs est en cours, tant à Abidjan qu’à l'intérieur du pays.
⁃ L'ensemble des commandes urgentes de matériel de protection a été passé.
⁃ Le renforcement du système des soins est en cours.
⁃ Les stocks de médicaments sont disponibles pour faire face aux besoins.
Toutes ces informations données par le Premier ministre, auraient probablement suscitées une pleine adhésion des populations à l'action gouvernementale si elles étaient accompagnées d'un minimum d'indicateurs de performance.
Ces imprécisions en rajoutent au scepticisme des populations quant à l’effectivité des mesures, accentuent leurs doutes sur la réalité de la maladie et créent des confusions dans leur esprit la capacité de notre pays à faire face à la pandémie. L'adhésion des populations s'en trouve en conséquence gravement compromise. Il urge donc d’agir en vue de rassurer les populations.
Aussi, en complément des propositions faites par le président Pascal Affi Nguessan lors de son message du 21 mars dernier à l’effet d’apporter une réponse appropriée à la propagation croissante du covid19, je voudrais pour ma part faire les recommandations suivantes :
1 - rendre crédible les informations en communiquant des chiffres précis et des niveaux de référence. Cela permettra un meilleur monitoring des résultats réalisés et des efforts à fournir. Une bonne compréhension des mesures contribue nécessairement à rassurer et à engager les populations, ainsi que toutes les entités concernées, à pleinement s'impliquer dans la lutte contre le covid19 et à soutenir les efforts du gouvernement.
2 - Communautariser la diffusion de l'information, de sorte que le dispositif essentiellement médical mis en place actuellement soit mieux intégré par toutes les couches sociales du pays.
3 - mettre en place un outil informatique de traçabilité des personnes infectées par le Covid-19 et éventuellement des populations confinées. Des informations récemment relayées par la presse nationale ont permis de révéler le cas d'une personne atteinte du covid-19 à Aboisso et qui s'est retrouvée dans un village de Taabo, faute de prise en charge. Taabo n'ayant aucun dispositif approprié de prise en charge du malade, ce dernier et sa famille ont été isolés du village par les habitants, les laissant seul à leur sort. La traçabilité aurait permis aux structures sanitaires compétentes de prendre en charge ce cas. L'Etat doit inciter nos entreprises informatiques, à l'instar de la Corée du Sud, à développer une application mobile qui permettrait de suivre en temps réel les personnes infectées.
4 - mettre à contribution, en équipant et en dotant en tant que de besoin les laboratoires d'analyses biologiques privés des réactifs et tests nécessaires, afin qu'ils puissent, au même titre que les structures sanitaires publiques, réaliser des prélèvements et des tests. Les entreprises pourraient ainsi aiguiller leurs cadres et travailleurs vers ces structures pour leur dépistage.
4 - mettre en place une base de données de tout le personnel de santé disponible, notamment dans le secteur privé, ainsi que dans les universités et les écoles de formation. Cette précaution permettrait d'anticiper les besoin en ressources humaines en cas d'explosion du nombre de contaminés dans notre pays.
5 - apporter une réponse sous régionale à la riposte sanitaire en organisant par téléconférence une séance de travail des ministres en charge de la santé dans l’espace CEDEAO. Cette proposition avait déjà été faite par le président Affi NGuessan.
Je note que la plupart des décisions de prise en charge et des mesures de prévention dans la gestion de la pandémie dans notre pays sont calquées sur les pratiques en cours en Europe, et en particulier en France. Or, compte tenu de notre sociologie et de nos propres habitudes de vie communautaire il m'apparaît nécessaire d'adapter la réponse sanitaire à la spécificité de notre de notre contexte ivoirien et africain.
À cet égard, je recommande de :
1 - Rendre fonctionnel tous les Comités de Lutte contre les Epidémies dans nos différents départements, les doter d'un budget et de suivre leur fonctionnement.
2 - Mettre en mission les associations et ONG qui oeuvrent dans le domaine de la santé en vue d’en faire des relais auprès des communautés et dans les hameaux les plus reculés.
3 - Mettre en place un Comité National d'experts multidisciplinaires qui intégrerait nos tradipraticiens à la recherche de solutions innovantes et locales dans la prise en charge du covid-19.
4 - apporter un appui financier à l’Institut National Polytechnique Félix Houphouet Boigny de Yamoussoukro, qui fabrique déjà des solutions et gels hydro-alcooliques et des milliers de masques par jour.
5 - Dans le cadre des prérogatives que lui confèrent l’état d’urgence et en vue d'assurer notre souveraineté médicale, réquisitionner certaines unités industrielles afin qu'elles consacrent leurs productions à la fabrication de masques, de blouses de protection, de gants et de gels hydo alcooliques.
Pour l'heure, je voudrais sincèrement féliciter l'ensemble du personnel médical, les forces de l'ordre et toutes les personnes directement et activement impliquées dans la lutte contre le Covid19 dans notre pays.
Je voudrais également remercier le Directeur Général de la Santé pour tous les efforts qu'il met en œuvre pour informer les populations. Je l'exhorte à être plus prolixe et à donner davantage de détails et de références à l’occasion de la diffusion des informations sur le COVID19.
Je voudrais enfin saluer les efforts que le préfet d'Abidjan déploie en vue de sensibiliser les populations du district d'Abidjan en descendant lui-même régulièrement sur le terrain. Cela a été le cas notamment lorsqu'il s'est rendu à Yopougon pour rassurer et échanger avec les riverains de la BAE suite au saccage des chapiteaux et des équipements de dépistage qui y avaient été installés.
À ce sujet, quand bien même je comprends les angoisses et les peurs des populations qui ont agi sous le coup de la disinformations et du déficit de la communication institutionnelle, je condamne ces actes de vandalisme qui risquent de compromettre le plan national de riposte.
Pour terminer, je vous exhorte à respecter les mesures barrières contre le COVID19 arrêtées par l’OMS et les autorités. La lutte contre le coronavirus doit être l'affaire de toutes et de tous. Partout où cela sera possible, je vous invite à aller vous faire dépister.
Ensemble, et avec la grâce de Dieu, nous vaincrons.
Dieu bénisse la CI et ait pitié du monde.
Je vous remercie.
Fait à Abidjan, le samedi 10 avril 2020
Christine Adjobi
Vice-Presidente du FPI chargée des politiques sociales, de la solidarité et du bien être.
Ex ministre de la santé