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Société Publié le mercredi 22 avril 2020 | Abidjan.net

Affaire « violence conjugale à Yopougon » : des organisations féministes s’interrogent (Déclaration)

© Abidjan.net Par DR
Yopougon: la dame tombée du 3eme étage d`un immeuble reçoit le soutien psychologique et psychosocial du ministère de la femme, de la famille et de l’enfant
Abidjan le 20 avril 2020. Le ministère en charge de la femme, de la famille et de l`enfant a dépêché des émissaires auprès de la femme tombée du 3eme étage à la suite d`un incident dans la commune de Yopougon
L’Alliance des Femmes Engagées pour le Changement (ALFEC), la Ligue pour la défense des droits des femmes et l’ONG Overcome Women se sont rendus sur le terrain pour collecter les informations dans l’affaire de violence conjugale présumée à Yopougon, selon une déclaration qui nous est parvenue. Cependant, ces féministes continuent de s’interroger : « Caprices de femmes, crise de jalousies excessives ou violences conjugales, nous nous interrogeons toutes et tous ? ». Nous vous proposons l’intégralité de leur texte dans lequel elles font également des propositions.





Le vendredi 17 avril 2020, nous avons visualisé une vidéo amateur sur les réseaux sociaux ; présentant une femme suspendue à un balcon. Cette dernière tenait les mains d’un homme tentant de la faire remonter. Malheureusement, la jeune dame finit par tomber du 3ème étage. L’on pouvait entendre dans la vidéo « tu l’as frappée depuis le matin, on t’a demandé d’arrêter, il ne faut pas tuer l’enfant des gens ».

Que s’est-il réellement passé cette nuit, avant la chute de ladite victime ?

Informé de cette situation dramatique, les organisations Alliance des Femmes Engagées pour le Changement (ALFEC), la Ligue pour la défense des droits des femmes et l’ONG Overcome Women

( OWEN) ont tout d’abord informé le Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant et le Conseil National des Droits de l’Homme. Elles se sont rendues sur les lieux afin de d’obtenir de plus amples informations et présenter leur compassion à la victime. De cette démarche, il est à noter ce qui suit.

Selon les voisins, tout avait commencé en pleine journée. L’on entendait des cris d’une femme appelant au secours, sous les coups effrénés de son partenaire. Les tentatives de négociation menées par les voisins demandant à ce dernier d’arrêter de battre la jeune dame se sont soldées par un échec jusqu’à ce que le pire se produise.

La victime a été auditionnée en présence du commissaire du 38ème arrondissement de Yopougon quartier MICAO ainsi que des représentants du Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant et du Conseil National des Droits de l’Homme. La jeune dame a alors affirmé que son mari ne la battait pas. Elle était en état d’ébriété et voulait absolument rentrer en famille cette nuit. Mais celui-ci refusa catégoriquement. Pourquoi voulait-elle rentrer à la maison, cette nuit, en plein couvre-feu ? Nous l’ignorons.

Elle attendit que son concubin s’endorme pour tenter de s’enfuir. Étant en état d’ébriété, elle a confondu la porte de sortie au balcon. Son concubin est donc venu la secourir. Accablé par la fatigue et le poids de sa concubine, il finit par la laisser tomber, selon ses dires. C’est ainsi que l’un des voisins appela la police et l’ambulance pour la conduire à l’hôpital.

De l’autre côté, le concubin interrogé, affirme que sa partenaire faisait des crises de jalousies intempestives depuis quelques jours. Elle était en état d’ébriété et a donc voulu mettre fin à ses jours.

Caprices de femmes, crise de jalousies excessives ou violences conjugales, nous nous interrogeons toutes et tous ?



Pour rappel, la violence conjugale est un processus au cours duquel un partenaire utilise la force ou la contrainte pour perpétuer et/ou promouvoir des relations hiérarchisées et de domination. Ces comportements agressifs et violents ont lieu dans le cadre d’une relation de couple entre deux époux, conjoints ou ex partenaires et sont destructeurs quels qu’en soient leur forme et leur mode. Ces violences sont d’ordre verbal, physique, sexuel, économique, psychologique et culturel. (Institutdeformation.ca/course/index)



L’expérience du terrain nous a permis de réaliser dans certains cas que la victime est atteinte du syndrome de Stockholm, selon lequel la personne maltraitée finit malgré elle, à la fois par s’attacher à la personne qui la maltraite et devenir reconnaissante de ne pas lui faire pire que ce qu’elle ne lui fait déjà subir. On développe une sorte d’attachement physique, une habitude de cette violence, une impression que l’on a vécu quelque chose de très fort, un lien nocif qui nous relie à cette personne et empêche la victime de la dénoncer. On tente de trouver des excuses à à son bourreau, on accepte l’inacceptable. Est-ce le cas de Jaquie ? la question reste posée.



En ce moment précis, la survivante a besoin d’une aide psychologique, d’une assistance permanente, d’amour et de compassion afin d’éviter la culpabilité. D’aucuns diront, « On ne peut pas aider une personne qui ne se laisse pas aider ». Cette affirmation n’est pas la même en matière de gestion de violence conjugale, car la victime ne réalise même pas qu’elle a besoin d’aide. Elle croule sous le poids de la culpabilité.



En Afrique, les coutumes ancestrales, par moment, favorisent la violence conjugale et encouragent le mutisme de la femme. Dans ce contexte, il faudra encore plus de temps pour faire comprendre à la victime qu’elle a aussi des droits et est libre de s’exprimer. En Côte d’ivoire, une étude réalisée par le Ministère du Plan en collaboration avec l’UNICEF (MICS 2016) a révélé que 27,3% des femmes estiment que leur mari est en droit de les battre si elles refusaient d’avoir des rapports sexuels, de faire la cuisine ou sortaient sans prévenir. Devant de tels stéréotypes, comment trouvez-vous évident pour une femme africaine, ivoirienne en particulier de dénoncer son mari qui la bat ?



Par ailleurs, quand on sait que les femmes représentent plus de la moitié de la population et ont un revenu journalier inférieur à 500 FCFA par jour ; comment ces femmes dépendantes financièrement des hommes peuvent-elles avoir la volonté de porter plainte contre leur partenaire ? Qui s’occupera des enfants, qui s’acquittera des charges locatives et de la scolarité des enfants ?

En outre, quand bien même, elles arrivent à se prendre en charge, l’opinion de la société, les regards des autres sont de nombreuses démotivations qui engouffrent la femme dans cet enfer appelé « foyer ».



L’importance du mariage pour une femme africaine a souvent bien plus de valeur que sa propre vie et elle est prête à rentrer ou rester dans un foyer au péril de sa vie.

La femme célibataire étant stigmatisée, traitée de fille difficile, légère ou de femme insoumise, ne facilite pas les actions des activistes féministes. L’heure est arrivée de trouver des solutions liées à notre environnement tout en respectant le choix de la victime de dénoncer ou pas son partenaire intime. Nous devons amener la victime de violence à comprendre qu’elle n’est pas seule, qu’elle est comprise, la mettre en confiance et lui proposer une médiation entre les familles et le couple dans le cas où la victime refuserait de porter plainte. Toutefois, lorsque les faits sont avérés présumé le Procureur de la République peut s’autosaisir du dossier afin que justice soit rendue et dissuader coupable est un récidiviste notoire à perdurer dans de tels comportements qui fragilise le bien-être de la cellule familiale.



En tant que responsable de l’ONG OVERCOME et Coordinatrice de l’ALFEC, notre plaidoyer auprès des autorités compétentes et à l’endroit des partenaires techniques et financiers dans la lutte contre ces violences conjugales en Côte d’Ivoire s’inscrit dans la mise en place d’un moratoire impliquant autorités politiques, Commission Nationale des Droits de l’Homme et société civile pour l’adoption de douze (12) mesures pratiques et viables visant à améliorer les conditions (i) et de la situation (ii) des femmes en Côte d’Ivoire.

Au niveau des conditions relatives aux besoins spécifiques des femmes nous proposons :

1. La mise en place d’un centre d’accueil provisoire pour les victimes de violences conjugales. L’État de Côte d’Ivoire disposant dores de biens immobiliers pourrait les mettre à disposition dans un premier temps pour servir d’auberge pour ces survivantes de violences conjugales. Nous avons au sein de la société civile des femmes psychologues, médecins, commissaires de police, des expert-e-s en VBG capables d’assurer le processus de prise en charge de ces survivantes de violences conjugales ; si les conditions de prise en charge sont réunies.

2. Le développement d’un plan opérationnel d’appui pour l’autonomisation économique de ces femmes.

3. À cet effet, le Fonds Femmes logé au Secrétariat d’État chargé de l’autonomisation de la femme pourrait être mis à contribution. Aussi un appui du Ministère de la Solidarité et de la lutte contre la pauvreté serait d’autant plus nécessaire car selon les statistiques, les femmes sont les plus vulnérables.

4. La mise à la disposition des travailleurs sociaux pour le suivi des enfants des survivantes de violences conjugales qui sont les premières victimes de traumatisme par la barbarie de leur père.

5. La création d’un système de mise en œuvre de suivi psychologique du conjoint (État / société civile) pour faciliter la guérison et la réinsertion des survivantes de violences conjugale dans la vie active.

Au niveau des mesures relatives à la situation de la femme Nous proposons :

6. Le renforcement du dispositif juridique en matière de violences conjugales.

Notre pays ne disposant pas de loi spécifique en la matière, il serait souhaitable qu’un projet de loi soit énuméré dans ce cadre afin d’assurer la protection des femmes victimes de violences conjugales. A cet effet une mission de partage d’expérience pourrait être envisagé dans la sous Régions précisément au Bénin ou il est inscrit dans leur législation des lois spécifiques aux violences domestiques.

7. En attendant l’adoption de cette loi, nous souhaitons que les auteurs de violences conjugales répondent de leur acte devant les tribunaux et qu’il soit mise à disposition une assistance juridique auprès de ces survivantes en vue d’obtenir réparation du préjudice qui leur a été causé.

8. L’organisation de campagne de sensibilisation accrue auprès des autorités policières principalement au niveau des cellules genre installées dans le commissariat afin de susciter une plus grande implication dans la lutte contre ces violences conjugales.

9. Renforcer le budget relatif aux actions de promotion et d’autonomisation de la femme avec un focus pour la lutte contre les violences basées sur le genre.

10. L’accompagnement et le soutien des actions initiées par la société civile en tant qu’acteur majeur dans la détection et la prévention des cas de violences.

11. L’organisation des formations en leadership et développement personnel gratuites, à l’endroit des femmes plus particulièrement pour les femmes ayant survécus aux violences conjugales.

12. Organiser des sessions de formation à l’endroit des couples pour le bien-être de la cellule familiale.

Pour notre part, en tant que première responsable d’ONG, nous continuerons à défendre les droits des femmes et à soutenir le gouvernement dans sa politique de promotion du genre afin qu’aucune femme quel qu’en soit sa situation sociale ne soit laissée pour compte.

NE LES LAISSONS PAS MOURIR AVANT D’AGIR, ELLES SONT LE PILIER DE LA FAMILLE



Marie-France KOUAKOU Coordinatrice de réseau Alliance des Femmes Engagées pour le Changement (ALFEC) Présidente de l’ONG Overcome Women ( OWEN) et Membre de la ligue ivoirienne des droits des femmes
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