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Société Publié le lundi 23 août 2021 | AIP

Violences à l'encontre des enfants en Côte d’Ivoire : lumière sur une douloureuse réalité (Feature)

Abidjan - "Innocents". "Vulnérables". Et pourtant... Des centaines d’enfants subissent au quotidien les pires formes de violences et brimades, aussi bien dans les foyers en ville que dans les villages ivoiriens. Lucarne sur une douloureuse réalité.


La violence à l’encontre des enfants, notamment en Côte d’Ivoire, au regard de certains chiffres (58% de filles et 66,5% de garçons ont été victimes de tout type de violences pendant leur enfance), laisse penser que le cap du mythe a été franchi, pour laisser place à la réalité.


Une étude menée par le programme national de prise en charge des orphelins et autres enfants Vulnérables du fait du VIH/SIDA (PNOEV), en collaboration avec l’institut national des statiques (INS) et dont les résultats ont été présentés mardi 03 août 2021 à Abidjan, corrobore qu’il y a urgence à adresser cette question.


Des explications du PNOEV


Au moins 15% des personnes auditées lors de cette étude, ont été victimes de violences. Elles ont été référées aux services sociaux pour bénéficier de prise en charge. Tout cela, allait de la grossesse aux violences conjugales, en passant par les dénis de ressources, ainsi que les enfants qui sont retirés de l’école, explique Koua Chimène du programme. En matière de norme, plus de 46% des personnes auditées ont estimé que la violence n’était pas un problème, a-t-elle poursuivi.


Pour Mme Koua, cette attitude est un sérieux problème au niveau des normes et valeurs dans la communauté. « Si ces enfants eux-mêmes pensent que la situation de violence qu’ils vivent n’est pas une violence, on ne peut pas les aider pour quelque chose qui n’est pas un problème pour eux. C’est donc normal de se faire battre, d’être violé, c’est normal que l’on soit injurié de bête, d’idiot et tout cela. En réalité, on a cette autre partie qui ne sait pas où demander de l’aide », assure-t-elle.


A priori, cette étude, réalisée dans diverses localités, notamment dans plus de 250 villages et villages sur près de 5880 ménages, met en relief que ces violences sont de tous ordres. De la violence physique à l’émotionnelle, en passant par la violence sexuelle. Elles sont très souvent commises par les proches des victimes, dans leur environnement immédiat.


Pour la directrice du PNOEV, Dr Solange Améthier, le rôle des parents dans la protection de leur progéniture, doit être de mise. « Pour tous les types de violences, les parents doivent être vraiment observant », assure-t-elle.


Parfois au niveau des violences physiques, l'on note des blessures, des brûlures ou bien les yeux qui sont enflés mais pour les violences émotionnelles, c’est l’injure à l’enfant. Quand on insulte l’enfant, tu es bête, tu ne vaux rien, tu ne vas rien devenir. "Cela marque l’enfant", insiste-t-elle.


« Nous les parents, nous devons observer nos enfants. Vous voyez, un enfant qui était gai et qui subitement, se replie sur lui-même, se plaint, qui a des brûlures quand il fait pipi ou bien qui a des douleurs au niveau de l’anus, il faut faire attention », conseille Mme Améthier.


L’encadrement nécessaire de spécialistes


Le mal commis, il apparait nécessaire que le spécialiste, en bon médecin ayant diagnostiqué les symptômes affligeants son patient, intervienne pour lui apporter un appui pour sa guérison, ou tout au moins, un regain de mieux-être.


Pour le responsable du centre de Guidance de l’institut national de la santé publique (INSP), le pédopsychiatre, Dr Moké Lambert, il faut gérer cela par des médicaments, par des entretiens thérapeutiques (...). « Selon l’âge, soit on est obligé de le retourner à la maison, soit le confier à certaines structures étatiques telles que, les centres qui font justement de la prise en charge, de l’accompagnement de ces enfants. Pour les cas beaucoup plus compliqués, il y a les structures d’hospitalisation », a-t-il indiqué.


« Aujourd’hui, la loi nous autorise, nous qui sommes professionnels, à signaler de telles situations et donc, des sanctions peuvent être prises, des poursuites peuvent être engagées. En plus, on a la possibilité de récupérer ces enfants-là », assure-t-il.


Dr Moké explique que, concernant les troubles liés au traumatisme subis par ces enfants, « ils peuvent être de tous ordres, notamment l’anxiété, un syndrome dépressif chez les plus grands parce qu’ils auront pris conscience de cette perte d’estime de soi qu’ils vivront justement à cause des violences faites à leur sujet ».


« Il y a également des troubles de sommeil qu’on peut avoir, des troubles de l’alimentation et le plus souvent, ces enfants-là arrivent dans un état de détresse psychologique, dans un état de détresse émotionnelle avec agitation, agressivité et un trouble de sommeil important », ajoute-t-il.


Sa collègue, Dr Bissouma Ana Corine, chercheure, estime entre autres, que le dessin est un bon moyen de détecter chez l’enfant, s’il y a quelque chose d’anormal. « Souvent dans les écoles à la maternelle, on n’exclut des couleurs telle que le noire (…). Il y a des couleurs qui sont spécifiques et qui donnent à voir justement que, quelque chose ne va pas ou à l’enfant, de dire indirectement quelque chose qui ne va pas chez lui », explique-t-elle.


Le médecin soutient qu’en Côte d’Ivoire, on a des figures de la violence, notamment les enfants en conflit avec la loi, les enfants qui sont dans les rues, la cybercriminalité. « Moi j’ai été victime de violence, qu’est ce que je transmets à mon enfant ? De la violence que j’ai subie et du silence qu’on m’a imposé », déclare-t-elle.


L’Etat ne lésine pas sur les moyens


L’Etat de Côte d’Ivoire, garant de l’intégrité et de l’épanouissement de tous, œuvre à divers niveaux pour sortir ces enfants de la galère. « Vous avez un parlement des enfants qui a la possibilité de recueillir toutes formes de souffrances des enfants et de venir siéger et proposer à la partie gouvernementale, toutes les approches qui pourront aider les enfants à sortir de leurs souffrances », explique le directeur de la Protection de l’Enfant, au Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, Lathmel Alain Didier.


Il poursuit pour dire, qu’il existe des lignes d’assistances comme « la ligne 116 », « allo enfant en détresse » qui est une ligne d’assistance gratuite que tout enfant peut appeler pour signaler de façon claire ou de façon anonyme, un cas de violence qu’il a subi.


« On a même évolué pour proposer à la ligne 116, une application web et mobile qui permet même d’apporter des éléments de preuves pour qu’avec une géolocalisation, l’on puisse savoir où est situé l’enfant et que la réponse puisse se rapprocher de lui pour qu’on puisse le prendre immédiatement en charge. Le réflexe n’est pas de mettre systématiquement en prison, mais d’éduquer pour qu’on ait une nouvelle forme de protection des enfants qui leur permet d’éviter tout simplement la violence », a conclu le commis de l’Etat.


L’UNICEF s’intéresse à la question


L’UNICEF en collaboration avec les ministères de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, et celui de l’Emploi et de la Protection Sociale, a lancé en 2020, la campagne « Réinventons une Côte d’Ivoire sans violence faite aux enfants », une campagne annuelle pour contribuer à mettre fin à la violence faite aux enfants dans l’ensemble du pays.


Cette campagne a pour objectif de susciter une prise de conscience collective sur les formes de violence que subissent de nombreux enfants en Côte d’Ivoire. Elle vise aussi à créer des débats à tous les niveaux de la société et à mobiliser de nouveaux acteurs afin de faire émerger des réponses durables pour la protection des enfants en Côte d’Ivoire.


Les données nationales selon l’institution internationale, montrent que la violence reste une réalité quotidienne pour un grand nombre d’enfants en Côte d’Ivoire : 61 % des garçons et 47 % des filles ont subi des violences physiques, 19 % des filles et 11 % des garçons ont subi des abus sexuels pendant leur enfance et 40 % des élèves, garçons et filles, sont physiquement punis par leurs enseignants.


De janvier à décembre 2021, cette campagne s’articulera autour de six axes principaux, notamment la création d’un groupe de réflexion de haut niveau pour la recherche de solutions novatrices aux violences faites aux enfants en Côte d’Ivoire. La campagne mobilisera également divers acteurs issus du Gouvernement, des médias, d’institutions, du secteur privé et de la société civile à travers des activités faisant d’eux des acteurs de changement pour une meilleure protection des enfants en Côte d’Ivoire.


gak/tm

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