Selon le Recensement général de la population et de l'habitat de 2014 (RGPH 2014), il y a 453 000 personnes handicapées en Côte d'Ivoire dont environ 90 handicapés physiques et 10% psychiques.
Dans cette population, ce sont 58% d'hommes et 42% de femmes et environ 70% de ces personnes handicapées vivent en milieu rural.
En ce qui concerne leurs droits, le pays dispose depuis 1998 de la loi n° 98-514 du 08 novembre 1998 d’orientation en faveur des personnes handicapées et a pris de nombreux engagements internationaux relatifs aux personnes handicapées.
Cependant, les personnes en situation de handicap ne sont pas totalement insérées dans la société et leurs droits sont très souvent bafoués ou relégués au second plan. Pourquoi?
Selon Kouassi Kouadio Alfred, Conseiller aux droits de l’homme, membre de la commission centrale au CNDHCI, représentant les organisations de défense et de promotion des personnes en situation de handicap, le véritable problème réside dans la mise en œuvre des différents textes et lois en la matière.
« En Côte d’Ivoire, en termes de textes, nous avons un dispositif juridique qui est important et qui prend en compte les aspects nationaux et internationaux dont la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap, ratifiée en 2014. Nous avons également un certain nombre de textes au niveau national dont la loi d’orientation, le code pénal et civil, le code des impôts, le code du travail, de l’habitat, etc…Une panoplie de texte protège ces personnes même si des textes sont à ratifier, notamment un volet sur le handicap dans la charte africaine des droits de l’homme et le protocole facultatif se rapportant à la convention pour augmenter le nombre de texte juridique au niveau national » présente-t-il.
Difficile mise en oeuvre
Le réel problème se situe au niveau de la mise en œuvre. « Pour exemple, la loi d’orientation. Chaque fois qu’elle est brandie, on parle de caducité de la loi du fait que plusieurs définitions (handicap, conception du handicap) et quelques textes ont évolué » se désole le conseiller.
Selon lui, elle est dite caduque « parce que la loi n’a jamais été appliquée ». « Cette loi prévoit notamment la création d’un comité interministériel supervisé par la Primature, il n’a jamais existé. Il était également prévu un certain nombre de commissions pour chaque domaine comme l’emploi, l’éducation, la santé.
Mais toujours rien, alors que « bon nombre de personnes en situation de handicap qui postulent souvent aux concours sont recalés à la visite médicale parce qu’on les jugent inaptes, alors qu'ils sont capables de la faire. »
Pour la mise en application,Kouassi Kouadio Alfred propose « une politique bien coordonnée, un document de politique nationale en faveur des personnes en situation de handicap, assorti d’un plan d’actions. La Côte d’Ivoire pourra alors se rapprocher des bailleurs de fonds pour soutenir la réalisation de toutes ses politiques en faveur des populations. »
Malheureusement ce n’est pas encore le cas, même si certaines autorités ont la volonté de la faire
Pour y remédier, les associations et organisations de défense avaient opté pour les mouvements de protestation mais n’ont rien obtenu. Elles sont ensuite allées vers les autorités pour un plaidoyer. Ce qui semble porter ses fruits.
« Puisqu’il y a une évolution au niveau de la loi même si elle n’est pas appliquée totalement. Depuis l’entrée au CNDHCI en 2013, plusieurs actions ont également été menées dans ce sens. L’annexe fiscale de 2017 a pris en compte spécifiquement les questions de handicap, il y a aussi le décret instituant l’emploi des personnes handicapées dans le public en 2018 » se réjouit-il.
Une volonté visible
En outre, les organisations de défense des droits de personnes handicapées ont formé plusieurs autorités, plusieurs institutions dont l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) et le parlement sur les questions de handicap afin de monter la pertinence de l’application totale de la loi.
« Nous faisons un travail souterrain de sensibilisation et de promotion de la question du handicap. Au terme de mon mandat 2013-2018 en tant que commissaire des droits de l’homme, j’ai été reconduit par mes pairs au Conseil national des droits de l’homme. Je souhaite que les autorités dépersonnalisent le débat concernant les personnes en situation de handicap et mettent en place des structures solides »
Il faut, selon lui, que les autorités« prennent des décrets clairs pour les textes de lois qui existent afin que leur mise en œuvre ne dépende de personne. »
Les dossiers des personnes en situation de handicap sont traités par la Direction de la Promotion des Personnes Handicapées (DPPH)qui n’est que centrale. «Nous représentons 10 à 15% de la population, et une direction centrale ne peut pas traiter de notre cas et être efficace, il faut une structure de haut niveau, une ministère, un secrétariat d’Etat ou nationale, un comité national qui coordonne les actions comme l’agence emploi jeunes» propose Kouassi Kouadio Alfred.
Il demande également aux organisations de défense d’arrêter de se combattre en elles : « Cela ne nous sert en rien. Au lieu de faire des propositions constructives et éclairer l’opinion sur la meilleure façon de nous prendre en compte, on ne peut pas passer des années en train de se battre entre nous ». Elles doivent également « commencer à travailler de façon professionnelle avec des objectifs à longs termes.»
Le 22 septembre dernier, en application de la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées et conformément aux engagements internationaux du pays relativement aux personnes handicapées, le conseil des ministres a adopté deux décrets portant création, attribution, organisation et fonctionnement de la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel des personnes en situation de handicap dans le secteur public COTOREP-secteur public et dans le secteur privé, en abrégé COTOREP-secteur privé
Ces décrets permettront de faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap ainsi que le reclassement professionnel des travailleurs handicapés qu’ils soient du secteur public ou du privé.
PR