Juriste de formation, Antoinette Sorgho a rejoint Sitarail en 2002. Aujourd'hui secrétaire générale de l'entreprise qui se déploie au Burkina Faso et en Côte d'ivoire, elle œuvre à régler les problèmes juridiques et accompagne la Direction générale dans la définition et la mise en œuvre des politiques en matière de ressources humaines. Rencontre avec une femme qui a su s'imposer dans un univers d'hommes.
Qu'est-ce qui vous a amenée chez Sitarail ?
J'ai d'abord passé plus d'une dizaine d'années au Barreau du Burkina, avant de me voir offrir l'opportunité de rejoindre Sitarail. La perspective d'œuvrer à la pérennité de ce bel outil de coopération entre deux pays avec une histoire aussi riche m'a convaincue d'intégrer la société et d'y apporter ma contribution. Cela va faire bientôt vingt ans que j'y travaille et je ressens toujours la même fierté qu'à mes débuts.
Qu'est-ce qui vous séduit dans cette société et vous a donné envie de grimper les échelons jusqu’à devenir secrétaire générale ?
Il faut savoir que Sitarail est un maillon essentiel du développement socioéconomique du Burkina Faso, de la Côte d'ivoire et aussi de l'Hinterland. Notre chemin de fer facilite le transport de céréales et de matières premières, d’engrais, de matériaux de construction, de coton, mais aussi d'hydrocarbures et de conteneurs. L'entreprise agit directement sur le pouvoir d'achat des ménages et participe à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le rail étant à la fois moins coûteux que le transport routier et moins polluant. La dimension humaine compte pour beaucoup également. Sitarail accorde en effet une place importante au bien-être de son personnel et cela mérite d'être souligné. Elle emploie aujourd'hui environ 1500 collaborateurs et génère près de 3 000 emplois indirects via des entreprises sous-traitantes. Elle dispose par ailleurs de centres médico-sociaux dans les cinq principales localités de son réseau, à savoir Ouagadougou, Bobo Dioulasso, Abidjan, Bouaké et Ferkessédougou qui sont ouverts aux cheminots, à leurs familles, mais aussi aux populations locales. L'engagement de Sitarail dépasse son seul périmètre d'activité et c'est à mon sens un point essentiel pour comprendre le rôle que nous avons à jouer en tant que salarié à part entière et citoyenne lambda.
Pouvez-vous nous parler de votre travail au quotidien ?
Mon travail au quotidien est très diversifié. Il est rythmé, entre autres, par la gestion des dossiers et la prise en compte des enjeux et des projections de la société. Mon rôle est d'anticiper, de répondre à toutes les problématiques juridiques de la société et d'accompagner également la direction générale dans la définition et la mise en œuvre des politiques en matière de ressources humaines. Ce poste requiert beaucoup de rigueur, de réactivité, mais aussi des capacités d'écoute, d'analyse et de communication.
Quels sont les projets de développement soutenus par Sitarail ?
Dans le cadre du Partenariat Public Privé avec les États de la Côte d'ivoire et du Burkina, nous travaillons à moderniser le réseau ferré pour renforcer la compétitivité du corridor ferroviaire et assurer la pérennité du rail comme mode de transport de masse par excellence. Au cours de ces dernières années, nous avons déjà investi quarante-sept milliards de FCFA, notamment pour moderniser les ateliers de Bobo Dioulasso et d'Abidjan. Le plan d'acquisition de nouvelles locomotives a été lancé et le matériau ainsi que les équipements nécessaires au renouvellement de la voie ont par ailleurs été acquis et livrés pour partie. À terme, notre ambition est d'augmenter la capacité de traction de 50%, de fortement réduire les temps de trajet entre Abidjan et Ouagadougou et de doubler le tonnage transporté.
A-t-il été difficile pour vous de vous faire une place dans cet environnement masculin ?
Le métier de cheminot est encore aujourd'hui considéré comme majoritairement masculin. Il faut du temps pour faire évoluer les mentalités, mais on y arrive progressivement. En ce qui me concerne, je n'ai pas rencontré de difficultés particulières au cours de ma carrière, ceci étant très probablement lié au fait que j'exerce une fonction administrative. Mais j'ai conscience que la situation doit être différente pour mes collègues travaillant au cœur des opérations. Dans tous les cas, elles ne se laissent pas intimider et arrivent toujours à faire reconnaître leur compétence et à se faire accepter. C'est pourquoi il est de notre devoir de faire de la pédagogie auprès de nos collègues masculins pour changer cette perception et faciliter l'intégration des femmes dans ce secteur.
Quelles ont été les difficultés rencontrées ?
Je dirais que dans les débuts, j'ai parfois été confrontée à certaines idées reçues et il a fallu convaincre certains managers masculins que les femmes sont tout autant capables de réussir que les hommes, quel que soit le métier ferroviaire concerné. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'un vrai changement est en train de s'opérer et que ces métiers attirent de plus en plus de femmes. Chez Sitarail, nous avons actuellement plus de 120 femmes qui travaillent dans tous les secteurs : conductrices de ligne, cheffe de gare, soudeuses... Elles représentent environ 9 % de nos effectifs. Ce sont des pionnières, mais aussi des rôles-modèles que nous valorisons du mieux que nous pouvons et qui méritent d'être soutenues et encouragées.
Les femmes sont-elles plus présentes aujourd’hui dans ce métier et comment faites-vous pour les attirer ?
Oui, leur part augmente d'année en année. Depuis 2018, le nombre de femmes dans les métiers strictement ferroviaires a progressé de20 %. Pour attirer les talents féminins, nous misons sur les relations avec les écoles pour faire connaître notre entreprise et nos métiers. Nous multiplions également les PROPOSRECUEILLIS PAR ZARA DERZA occasions de rencontre et d'échanges avec nos collaboratrices tout en mettant en avant leurs parcours inspirant sur les réseaux sociaux. Ceci pour susciter de nouvelles vocations et ainsi permettre à de nombreuses femmes et jeunes étudiantes de se projeter au sein de notre société.
La société est-elle attentive à la parité dans ses recrutements ?
Toutes nos offres d'emplois sont accessibles aux femmes et aux hommes. Nous ne faisons aucune différence lors du recrutement, à compétences égales. Au contraire, nous encourageons les femmes à postuler, mais elles se montrent parfois trop hésitantes. Les freins sont encore nombreux et la perception que le métier de cheminot est réservé aux hommes est encore hélas trop répandue. D'où l'importance de rappeler aux femmes qu'elles ont tout à fait leur place dans les métiers ferroviaires et que c'est même une chance pour notre profession que de pouvoir s'appuyer sur une diversité de profils et de compétences indépendamment du genre.
Quelles sont les qualités nécessaires pour se faire une place dans ce métier ?
Il faut posséder des qualités qu'on retrouve dans tous les métiers : être rigoureux, investi et disponible, notamment. Avoir la passion du métier est un plus et renforce l'adhésion autour de valeurs communes. Et bien sûr, des qualités humaines : être solidaire, ouvert et bienveillant.
Qu’est-ce qui vous motive au quotidien ? Avez-vous un mantra ?
Être utile aux autres, à travers mes actions qu'elles soient liées au travail ou non. Un mantra ? « Rester toujours positive » !
Vous avez été chef du département juridique, directrice juridique et des ressources humaines, vous êtes maintenant Secrétaire générale de Sitarail, quelle est la prochaine étape ?
Pour le moment, continuer à explorer toutes les multiples facettes de mon métier. Il y a encore tant de nouvelles expériences à découvrir et de projets à accomplir.