Monsieur le Président,
Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA a étudié avec un grand intérêt le projet de loi organique déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel. Il sert, dans la présente déclaration, à la plénière de la Commission des affaires Générales et institutionnelles, ses meilleures observations relatives à l’exposé des motifs.
De cet exposé des motifs, il ressort qu’avec l’adoption de la Constitution numéro 2016-886 du 08 Novembre 2016 et de sa modification par la loi constitutionnelle numéro 2020-348 du 19 Mars 2020, plusieurs innovations ont été introduites aussi bien dans la structuration des principaux leviers de l’Etat (pouvoirs exécutif et législatif) que dans les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel.
C’est la prise en compte de ces innovations ainsi que la correction des imperfections constatées à l’application de la loi qui justifient l’élaboration de la présente loi organique.
Le projet de loi a donc pour objet d’intégrer à la loi organique actuelle relative au Conseil constitutionnel:
-les modifications constitutionnelles qui impactent la juridiction constitutionnelle, tant dans ses rapports avec les pouvoirs exécutifs et législatifs mais aussi son organisation et son fonctionnement ;
-les propositions de correction et d’améliorations nécessitées par l’épreuve de la pratique.
Relativement à l’élection du Président de la République, des nouveaux délais sont prescrits aux articles 55, 56 et 57 de la Constitution.
Ainsi, lorsqu’avant le premier tour, l'un des candidats retenus se trouve empêché pour quelque raison que ce soit, ou décède, la Constitution reconnait au Conseil Constitutionnel, la faculté d’ordonner le report du scrutin dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine par la Commission chargée des élections.
Lorsqu’à l’issu du premier tour, l’un des candidats arrivés au second tour décède ou est empêché de manière absolue, la Constitution fait obligation au Conseil constitutionnel de reporter l’élection du Président de la République dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine par le Président de la Commission chargée des élections.
Dans les deux cas, l’élection du Président de la République se tient dans un délai ne pouvant excéder trente jours, à compter de la décision du Conseil Constitutionnel
Relativement à la prestation de serment du Président de la République élu, contrairement à la Constitution de 2000 qui indiquait simplement que le Président de la République prêtait serment devant le Conseil Constitutionnel, la nouvelle Constitution innove en son article 58 alinéa 1er en précisant que cette prestation de serment se fait « sur la Constitution ».
Ces modalités de prestation de serment sont les mêmes en ce qui concerne le Vice-Président lorsque survient la vacance de la Présidence de la République.
Il en est également de même pour les membres du Conseil Constitutionnel.
S’agissant du pouvoir législatif, la Constitution du 08 Mars 2016 a institué un Parlement bicaméral, avec la création d’un Sénat.
Cette innovation a entraîné des conséquences au niveau du Conseil Constitutionnel notamment en ce qui concerne la désignation de ses membres ainsi que des personnes physiques et morales habilitées à le saisir.
S’agissant des incidences de la nouvelle Constitution sur la nature, les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel, il convient de noter que :
-l’article 126 de la Constitution précise que (le Conseil Constitutionnel est une juridiction constitutionnelle », marquant ainsi sa spécificité par rapport au pouvoir judiciaire ;
-les effets de la décision de la juridiction constitutionnelle en disposant que la loi ou la disposition déclarée contraire à la Constitution est nulle à l’égard de tous.
Ces dispositions de la Constitution sont répétées dans le corpus du présent projet de loi organique.
Nombre de dispositions contenues dans la Constitution nouvelle de 2016 sont retranscrites in extenso dans le projet de loi organique.
Il s’agit des articles :
-131 alinéa 1er de la Constitution relative à la démission d’office, sanction qui frappe tout membre du Conseil Constitutionnel qui contreviendrait à l’interdiction d’exercer une fonction politique, un emploi public ou un mandat électif, ou tout autre activité professionnelle, concurremment avec ses fonctions au Conseil ;
-132 de la Constitution relative à l’immunité judiciaire des membres du Conseil Constitutionnel ;
-134 de la Constitution qui étend la compétence du Conseil Constitutionnel aux lois de révision constitutionnelles adoptées par voie parlementaire ;
-et enfin les articles 62 alinéa 3 et 166 alinéa 2 qui donnent respectivement compétence à la juridiction constitutionnelle pour constater la vacance de la Présidence de la République et du Médiateur de la République.
Le projet de loi ambitionne d’améliorer l’existant en apportant des ajustements à la loi organique en vigueur pour expurger des insuffisances révélées par la pratique.
Ainsi, il est proposé de :
-ne plus faire de la nomination des Rapporteurs adjoints, une obligation, mais plutôt une faculté laissée à l’appréciation du Conseil ;
-confier à un règlement du Président du Conseil constitutionnel, le soin de compléter et de préciser les dispositions relatives à l’organisation, à la composition et au fonctionnement des services de l’Institution ;
-donner au Président du Conseil constitutionnel le pouvoir d’édicter un règlement intérieur pris en application de la loi organique déterminera les règles de procédure devant le Conseil constitutionnel ;
-enfin, rétrocéder au Conseil d’Etat, en ce qui concerne les projets de décrets règlementaires, la compétence ainsi que l’a disposé la Constitution en son article 72 alinéa 2.
Il reste donc ainsi que la compétence du Conseil constitutionnel se limite désormais, en matière d’avis, aux projets ou propositions de loi et aux projets d’ordonnance.
Enfin, le projet de loi expose les procédures suivies devant le Conseil constitutionnel.
Telle est l’économie de ce projet de loi organique déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel.
Le Groupe parlementaire PDCI-RDA salue cette « mise à jour » des termes de la loi organique numéro 2001-303 du 05 Juin 2001 déterminant l’organisation et le fonctionnement du Conseil constitutionnel pour les mettre en conformité avec la loi fondamentale ivoirienne numéro 2016-886 du 08 novembre 2016 et la loi constitutionnelle n°2020-348 du 19 Mars 2020.
Cette mise en conformité était nécessaire car les ajustements portaient sur les principaux leviers de l’Etat. De sorte qu’en le laissant en l’état, la loi organique qui organisait le Conseil constitutionnel aurait été dangereusement anachronique.
Le Groupe parlementaire PDCI-RDA se réjouit de cette mise à jour avant les prochaines joutes électorales.
Il ose cependant deux observations majeures.
1. En effet, il ressort de l’exposé des motifs et du corpus du projet de loi que le Conseil constitutionnel prend deux types d’actes.
Le premier appelé Règlement du Président du Conseil constitutionnel qui vise à compléter et à préciser les dispositions relatives à l’organisation, à la composition et au fonctionnement des services du Conseil constitutionnel.
Le second appelé Règlement intérieur, il détermine les règles de procédure devant le Conseil constitutionnel.
Il s’agit pour le Groupe parlementaire PDCI-RDA certainement d’une méprise des auteurs du présent projet de loi.
En effet, le règlement intérieur renvoie à un ensemble de règles relatives à la discipline intérieure des membres d’un groupe. Autrement dit, le règlement intérieur est un acte qui produit ses effets à l’intérieur du groupe ou de la structure.
Alors que lorsqu’il s’agit de déployer les effets d’un règlement au-delà de la structure elle-même, il ne peut s’agir que d’un Règlement de procédure et non d’un Règlement intérieur.
Il est donc utile d’indiquer qu’à l’instar du règlement sur les services du Conseil Constitutionnel, le Règlement de procédure sera pris par le Président du Conseil constitutionnel pour compléter les dispositions procédurales de ce projet.
2.Le Groupe parlementaire PDCI-RDA voudrait signifier dans la présente déclaration que les réformes introduites sont véritablement à minima et qu’elles sont loin des termes d’un ambition de faire du Conseil constitutionnel l’instrument consensuel d’acceptation des résultats des élections présidentielles.
Elles sont insignifiantes pour espérer impacter positivement la perception négative que renvoie dans l’opinion le Conseil constitutionnel regardé comme une institution peu crédible et aux ordres du parti politique au pouvoir.
Il faut en effet se rappeler la part de responsabilité du Conseil constitutionnel dans les deux crises majeures électorales que la Côte d’Ivoire a connu :
-celle des élections ayant conduit à l’élection du Président Alassane OUATTARA en 2010 ;
-et celle récente, ayant conduit à la désobéissance civile pacifique de l’opposition, l’élection au troisième mandat du Président Son Excellence Alassane OUATTARA.
Il ressort comme enseignement majeur que le Conseil constitutionnel est une institution que chacun des tenants du pouvoir veut s’inféoder car elle constitue, dans la chaîne des élections, le dernier rempart d’une victoire que l’on veut à tous les coups, au prix de toutes les fraudes et manœuvres peu avouables.
Cette volonté d’inféodation communément partagée par tous les pouvoirs est mise en œuvre à partir de la composition du Conseil constitutionnel lui-même.
Ces membres en effet, outre le Président en exercice et les anciens Présidents de la République, membres de droit, sont issus de la désignation faite par et le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.
Comment une telle composition peut-elle inspirer confiance quand on sait les manœuvres et autres manipulations que tout tenant de pouvoir sous nos cieux développe pour s’assujettir ces organes de nominations ?
Peut-on aujourd’hui, avec le découpage électorale telle que fabriquée par le pouvoir actuel, dire que la majorité acquise par lui à l’Assemblée nationale relève véritablement de son implantation sur le territoire national ?
Peut-on véritablement dire que le Sénat dont plus d’un tiers des membres est désigné par le Président de la République, émanation du pouvoir exécutif, est une institution représentative du pouvoir législatif indépendant, pour bénéficier du statut permettant de désigner légitimement deux Conseillers au sein du Conseil constitutionnel ?
Pour le Groupe parlementaire PDCI-RDA, la Côte d’Ivoire est très loin de cette ambition de se doter d’institutions fortes et crédibles. Et le présent projet de loi n’en emprunte ni le chemin ni l’ambition !
Et le Conseil constitutionnel actuel sera encore une fois, on peut légitimement le prédire avec ce projet de loi, au centre des contestations et des grandes palabres fratricides tant les organes qui sont habiles à en désignant les membres le composant sont unicolores.
Le présent projet de loi s’est refusé à oser de doter la Côte d’Ivoire d’un Conseil constitutionnel véritable, un Conseil constitutionnel au-dessus de tout soupçon !
Le présent projet de loi ne fait que rhabiller un Conseil constitutionnel aux ordres et dont la crédibilité a été et est toujours contestée!
C’est pourquoi, le Groupe parlementaire PDCI-RDA invite avec insistance le Président de la République, au travers les espaces de dialogue qu'il a lui-même offert , à oser une véritable réforme du Conseil constitutionnel, à tout le moins, dans le mode de désignation de ses membres, pour qu’advienne un jour dans ce pays, une élection présidentielle aux résultats non contestés, parce que la suspicion et l’absence quasi unanime de confiance des acteurs politiques en ces organes comme le Conseil constitutionnel aura été assurées.
En conclusion, tout en réitérant sa proposition d’accorder une véritable indépendance au Conseil constitutionnel et dans l’espoir que des modifications fondamentales soient apportées à la désignation de ses membres pour une justice constitutionnelle impartiale et efficace, le Groupe parlementaire PDCI-RDA ne peut se déclarer favorable à la prise en considération de l’exposé des motifs du présent projet de loi.
Il invite par conséquent les membres de la Commission des affaires générales et institutionnelles à le suivre dans ses conclusions.
Fait à Abidjan, le 03 Février 2022
LE GROUPE PARLEMENTAIRE DU PDCI-RDA