Initialement prévu pour être achevé en 2015, le projet de la Télévision numérique terrestre (Tnt) est finalement devenu réalité en 2021, coûtant plus de 30 milliards F Cfa (53,5 millions Usd) au gouvernement ivoirien.
L'incident grave survenu les 31 janvier et 1er février 2022, entraînant pendant de nombreuses heures, l'interruption des chaînes ivoiriennes dans les foyers ivoiriens, suite à une panne chez le prestataire du réseau satellite de Canal+, vient rappeler la dépendance du réseau audiovisuel ivoirien de chaînes de télévision au réseau satellitaire de Canal+, présent dans la plupart des foyers ivoiriens. Ainsi, à la moindre panne sur le réseau de Canal+, les téléspectateurs ivoiriens n’ont plus accès à leurs chaînes nationales.
Cet incident a aussi permis de mettre en lumière la quasi-inexistence de la Tnt dans les foyers ivoiriens. La Tnt, si elle était présente dans les foyers, aurait pu leur permettre de continuer à voir gratuitement les chaînes ivoiriennes.
Force est, malheureusement, de constater que, plusieurs mois après sa mise en service, la Tnt peine à entrer dans le quotidien des Ivoiriens.
Pourtant, le gouvernement, en initiant ce projet de la Tnt, n'avait d'autres buts que de permettre à la Côte d’Ivoire d'avoir son réseau audiovisuel propre, solide et indépendant, composé de chaînes ivoiriennes en numérique haute définition et gratuites pour les téléspectateurs ivoiriens. Ceci sous entendait qu’un pays comme la Côte d’Ivoire ait son réseau de chaînes nationales installé en Côte d’Ivoire et contrôlé par l’Etat.
Pourquoi les Ivoiriens n’utilisent pas la Tnt gratuite et préfèrent plutôt les abonnements payants des offres satellites ? Qu’est-ce qui explique que les populations ivoiriennes peinent à saisir l'opportunité de disposer gratuitement de 7 chaînes de télévision de qualité, que sont la Radiodiffusion télévision ivoirienne (Rti 1, Rti 2, Rti 3), la Nouvelle chaîne ivoirienne (Nci), Life Tv, A+ Ivoire et 7 Info, en achetant simplement une antenne à 6 000 F Cfa et sans aucun abonnement mensuel à payer ? Pourquoi avec une telle offre, les populations ivoiriennes s’enferment-elles dans un cycle perpétuel d'abonnement mensuel aux offres de bouquets satellites payants ? Voici autant de questions qui méritent réponses.
Cette situation réversible pose la problématique de la communication et de la sensibilisation au sujet de la Tnt. Encourager les populations à recourir à la Tnt, c'est nécessairement lutter contre la pauvreté. Il ne serait pas malséant que les autorités poursuivent les efforts pour convaincre les Ivoiriens d’opter pour la Tnt, les motiver à regarder les chaînes ivoiriennes sur la Tnt.
Cela nécessite d’une part, une véritable campagne professionnelle coordonnée à la télévision, à la radio, sur internet et en affichage, pour vulgariser et promouvoir le contenu de la Tnt, notamment les programmes des chaînes locales. D’autre part, il faut revenir et insister sur le caractère gratuit de la Tnt, bien sûr, après l’investissement pour l'achat de l’antenne (6 000 F Cfa + installation).
Ceci permettra une implantation forte de la Tnt, notamment en dehors d’Abidjan où la coupure du signal analogique de la Rti 1 et Rti 2 se fait ressentir plus qu’à Abidjan.
Situation paradoxale
En effet, concernant la capitale économique ivoirienne, Abidjan, la plupart des foyers regardent la télévision depuis plusieurs années via les offres de bouquets satellites payants, malgré les coûts parfois exorbitants pour la grande majorité de la population.
C’est ce qui explique que les 7 chaînes ivoiriennes proposées par la Tnt et créées spécifiquement pour la Tnt n’aient eu d’autres choix, lors de leur lancement en 2019 et début 2020, que d’aller sur ces offres de bouquets satellites payants. Elles n’avaient pas d’autres options si elles souhaitaient être vues.
Aujourd'hui, la Tnt semble donc, au premier regard des abidjanais, ne pas offrir grand-chose aux téléspectateurs ivoiriens qui ont pris l’habitude de regarder les chaînes ivoiriennes de la Tnt à travers les offres de bouquets satellites payants.
Cette situation est paradoxale, d’autant plus que la Tnt est gratuite et la qualité de l’image avec la Tnt est en Haute définition (Hd), avec une réception stable, contrairement aux offres satellitaires payantes et qui s’interrompent dès qu’il y’a une intempérie.
Là où la Tnt exige au téléspectateur ivoirien une antenne au prix de 6 000 F Cfa et son installation pour 2 000 F Cfa voire 5 000 F Cfa, soit un total définitif autour de 10 000 F Cfa, un abonnement a une offre satellite nécessite un paiement mensuel compris entre 5 000 et 40 000 F Cfa selon la formule choisie. Avec un coût d’abonnement mensuel moyen à 10 000 F Cfa, les dépenses pour une offre satellitaire représentent sur un an, un budget de 1,2 million de F Cfa par foyer.
A l’évidence, le développement et la vulgarisation de la Tnt exigent une implication plus forte du gouvernement qui devrait doter de moyens, la société ivoirienne de télédiffusion (Idt), la structure sous tutelle du ministère de la Communication, des médias et de la francophonie, aujourd’hui privée de ressources depuis sa séparation avec la Rti.
Comme évoqué plus haut, ces moyens devraient aller, d'une nécessaire campagne massive de communication à la subvention du coût d’achat des antennes et leur installation (avec la redevance télévision).
Pour rappel, la Tnt est une nouvelle technologie de diffusion d’images et de sons de qualité numérique. Elle offre des avantages multiples tels que la diffusion de plusieurs programmes de chaînes de télé sur une seule fréquence, l’accès à plusieurs chaînes et à une multitude de programmes, et la possibilité d’offrir des services innovants tels que la Vidéo à la demande (Vod) et l’enregistrement des programmes (Catch up Tv).
Alassane SANOU