Bangolo - Parmi les tenues traditionnelles très prisées sur le marché du textile ivoirien, le costume conçu dans l’Ouest occupe une bonne place aux cotés des vêtements akan et sénoufo. Et pourtant, bien peu d’usagers de cet accoutrement sont informés sur le lieu de naissance de ce vêtement, les occasions pendant lesquels il faut les porter et la signification des variantes de cet habit.
Sur les traces de la tenue traditionnelle chez les peuples wê
Chez les wê des régions du Guémon et du Cavally, l’habit traditionnel est appelé en langue locale le ‘’flaé’’ a révélé commissaire général du ‘’Wê festival », Djéoulai Ambroise Bionao.
« A l’origine, ce vêtement était typiquement malinké. Au XIIIVème siècle, à la faveur des échanges commerciaux entre les peuples du Nord et ceux de l’Ouest, cet accoutrement est progressivement entré dans les cultures des wê », a ajouté M. Bionao.
Les gardiens de la tradition racontent qu’à cette période, les peuples guéré et wobé de Duékoué, Béoue-Zagna, Totodrou, , etc. allaient faire des échanges de paniers de colas avec du sel et d’autres produits avec d'autres populations originaires de Man, Douèlé, Logoualé et Séguéla.
Pendant ces instants de commerce entre les mandés du Nord et leurs voisins du Sud, les wê se vêtaient de tissus fabriqués avec des écorces d’un arbre appelé en langue locale, le ‘’Dilê’’. C’est au cours d’une des transactions entre un Malinké et un commerçant wê que ce dernier a découvert un koyaka de Séguéla vêtu d’un tissu cousu avec une autre matière : le coton. Puis, émerveillé par sa beauté, il s’en procure et le présente, dès son retour, à ses parents qui l’apprécient. Ils lui donnent un nom : le ‘’flaé’’.
Le flaé dans la tradition wê
Les Guéré et wobé, pour distinguer les différentes valeurs de ces costumes ancestraux désormais encrés dans leurs us et coutumes, leur ont attribué des dénominations en fonction de leurs diverses tailles.
Selon le chef du quartier Djibligan 2 de Bangolo, Laho René, il existe trois types de flaé : le Koua-flaé, le Gahan-flaé et le Béo-flaé. Chaque catégorie du boubou se porte selon les circonstances, les types d’événements et en fonction du rang social.
« Le Koua-flaé est de dimension plus petite. Il ne doit être porté que par un homme marié mais ce marié n’a pas le droit d’utiliser celui de couleur blanche tant que qu’il n’est pas encore orphelin de père. Le Gahan-flaé est, quant à lui, le vêtement des hommes d'un certain âge, ceux qui ont une responsabilité villageoise ou familiale. Le Béo-flaé, est d'une qualité supérieure par rapport aux autres. Son usage est destiné aux chefs de cantons, aux chefs de villages et à certains hommes occupant de grandes responsabilités dans la société wê » explique M. Laho.
Le patriarche précise que le Gahan-flaé et le Béo-flaé sont accompagnés de bonnets car la position de la coiffe est significative, elle dévoile le rang social. En assemblée, par exemple, seul le patriarche est autorisé à plier son chapeau, les autres étant contraints de tenir les leurs tout droit.
Dans la tradition ancienne des peuples wê, ajoute le chef Laho, un jeune homme de moins de 21 ans et encore célibataire n’avait pas le droit de se vêtir d’un flaé. Toute insoumission à cette règle était passible de sanction dont la nature était donnée par la notabilité.
Le boubou traditionnel chez les peules yacouba
Chez les Dan (communément appelé ‘’Yacouba’’) qui peuplent les localités de Man, Biankouma, Logoualé, Danané et zouhan-Houin, le costume traditionnel est connu sous la l’appellation de ‘’Gbaou’’.
Ce peuple plus proche des tisserands du Nord ont très vite assimilé la méthode de confection de ces boubous. C’est n’est donc pas un hasard que le plus grand marché de cette étoffe se trouve dans la capitale de la région des montagnes : Man.
Comme chez les wê, , l’on distingue aussi différentes dénominations chez les peuples Yacouba. Le gbaou-nun qui est constitué d’une petite étoffe avec deux fentes de part et d’autre. Il se porte par les adultes après les travaux champêtres. Ses fentes permettent de profiter de l’air. Il a pour objectif de se détendre après les rudes tâches de la journée.
« Un autre boubou, de taille moyenne, est appelé simplement Gbaou. A la différence de gbaou-nun, il est fermé des deux cotés, mieux brodé et accompagné d’une chéchia. Quant au Gloudeu-gbaou, c’est la tenue des chefs. Il est plus ample et se porte également avec un chapeau » explique un enseignant originaire de Biankouma, Soumahoro Tia Paul.
Certains gardiens intrépides de la tradition africaine interrogés par l’AIP estiment que la trop grande commercialisation du flaé ou du gbaou est une désacralisation des us et coutumes de l’Ouest ivoirien. Pour d’autres, par contre, la ruée vers ces boubous contribue à la promotion de leur culture sur le plan national et international. Ces derniers trouvent le fait que même les femmes, les jeunes filles et les enfants portent ce linge anciennement sacré est une fierté pour le district des montagnes.
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