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Santé Publié le lundi 26 septembre 2022 | Le Nouveau Réveil

Paludisme en Côte d’Ivoire / Pr Pedro Borges, spécialiste en éducation sanitaire et environnementale : « L’ennemi numéro 1, c’est le paludisme plus que tous les djihadistes ensemble »

© Le Nouveau Réveil Par DR
Pr Pedro Borges, spécialiste en éducation sanitaire et environnementale

Professeur, Dr Pedro Eurico Borges, spécialiste en éducation sanitaire et environnementale et membre de l’Académie des sciences de New York, s’est entretenu le jeudi 22 septembre dernier avec des groupes de jeunes travailleurs sur le paludisme. Il nous a accordé un entretien dans lequel il indique clairement que le paludisme est l’ennemi public numéro 1 en Côte d’Ivoire.


Professeur bonjour, vous venez d’instruire des groupes de travailleurs sur le paludisme. En Côte d’Ivoire, quelle est la situation sur cette maladie ?


C’est l’ennemi public numéro 1 en Côte d’Ivoire. L’ennemi numéro 1, j’insiste, de la Côte d’Ivoire, c’est le paludisme plus que tous les djihadistes ensemble. Les djihadistes font moins de dégâts que le paludisme en Côte d’Ivoire. C’est ça la réalité et il vous revient homme de média de faire connaître cela à la population. Car c’est lorsque vous connaissez votre ennemi que vous vous organisez pour vous défendre. Mais si vous imaginez que votre ennemi est un fantôme, vous allez batailler contre un fantôme sans succès. Le moustique vous le croisez chaque jour dans vos quartiers, dans vos maisons, dans vos chambres à coucher. Mais les djihadistes vous les voyez où ? En relation avec le plasmodium, le djihadiste est un apprenti tueur. N’ayons pas peur des djihadistes mais de ce qui nous tue, nous rend misérables.


 


En termes de chiffres, ça donne quoi les dégâts faits par le paludisme ?


Je vous l’ai dit, un pays d’environ 30 millions d’habitants, s’il y a 80 000 qui meurent tous les ans, c’est 40 villages ivoiriens qui disparaissent de la carte. Le dire comme cela peut vous paraître brutal, mais c’est des faits. Dire que 80 000 personnes meurent de paludisme n’est pas apprécié à sa juste gravité mais dire que 40 villages disparaissent, on mesure la gravité des dégâts causés par le paludisme.


 


A vous entendre, on a froid dans le dos. Alors comment jugez-vous les politiques de lutte contre cette maladie mises en place par les gouvernants ?


Vous savez, les politiciens ne font que des conversations mais ne font pas des actions de libération, d’épanouissement de leurs populations parce qu’étant au pouvoir, ils ont peur de la nation. Aucune action efficace n’est faite dans le sens de l’éducation sanitaire et environnementale des populations, qui ont besoin de connaître leurs premiers ennemis qui les tuent et les rendent malheureux.


 


Que faire pour changer les choses ?


Il faut centrer toutes les activités de développement sur l’unique richesse que les Etats ont. C’est la personne productrice. Si nous n’avons que des consommateurs, on dilue la production nationale. Le consommateur est un élément hautement négatif. Ce qu’il nous faut construire, c’est des producteurs des biens et services. Cela, c’est en créant les biens et services, faire la répartition des biens et services créés par la nation.


 


Vous avez fait allusion à la qualité des infrastructures sanitaires mais aussi à la compétence des praticiens. Aujourd’hui, l’Etat ivoirien vient de faire adopter un projet de loi relatif à l’Ordre des infirmiers et infirmières en vue d’améliorer exactement les choses dans ce milieu où beaucoup de plaintes sont constatées. Quel regard jetez-vous sur ce secteur car en première ligne dans les soins du paludisme ?


Vous posez une très bonne question car elle est d’actualité, l’Ordre des infirmiers et infirmières. L’Etat a créé un Institut de formation et l’Etat a organisé un concours qui a vu la participation de 104 360 candidats. Combien de candidats ont été retenus ? Seulement 6% soit 8000. Alors, on se demande si une telle entité est pour le développement de la santé en Côte d’Ivoire. Posez-vous la question et donnez la réponse. Vous connaissez la réponse. Et qu’est-ce qui a été entamé pour canaliser 96 360 jeunes filles et garçons ? Une entité qui ignore 96.360 jeunes qui doivent être intégrés au circuit économique, quel nom vous donnez à une telle entité ? Le dictionnaire va vous le dire. Le nom, c’est irresponsable. N’ayons pas peur des mots, mais ayons peur d’une réalité qui n'a pas changé. Notre problème n’est pas de porter des critiques à l’Etat, non mais notre fonction, c’est de dire à l’Etat, toi tu es une organisation créée par la nation. Sans nation, il n’y a pas d’Etat. Et d’en tenir compte. Aussi, il ne faudrait pas que les populations soient elles aussi irresponsables en ne demandant pas à l’Etat créé, qui a 60 ans d’âge, de faire tout, pour une population de 28 millions. Le faire sera injuste, ne soyez pas en dehors des faits ; mettez-vous dans les faits en contribuant à la prise de conscience des faits et faire une nation de correction des faits. Donc créons des structures de formation et si ces structures de formation sont là, exigez de ces structures de formation, un nombre minimal de formants en moins de temps et de meilleure qualité de formation. Si vous formez 8000 infirmiers et infirmières en trois ans, d’ici combien de temps allons-nous répondre au besoin à terme ? L’Allemagne vient de dire qu’elle a besoin de 25000 infirmiers. Parce qu’il y a le spectre d’une guerre ; spectre, la guerre n’est pas là. Mais comme c’est un Etat responsable, il dit, j’ai besoin de 25000 infirmiers dans l’immédiat. Et la demande est faite aux pays africains ; l’Etat allemand a délégué, pour chaque pays africain, un responsable pour venir porter l’information et solliciter une collaboration. Parce que l’Allemagne collabore déjà avec ces pays. Ici, vous avez le GIZ qui ausculte les besoins de la population et cherche à apporter des réponses. Et donc quand ils demandent une collaboration, nous devons être habilités à le faire. Mais lorsque l’unique établissement de formation reconnu par l’Etat comme formant est incapable de répondre aux besoins de la nation encore moins celles des autres, comment on peut qualifier une telle entité ?


 


Mais il y a aussi que les nations africaines doivent faire aussi preuve de solidarité face à cette maladie qui fait d’importants dégâts humains.


On doit élever le niveau de la population, ce qui est une responsabilité nationale. Ce n’est pas une responsabilité de l’Etat, c’est une responsabilité de chaque citoyen. Chacun est tenu d’élever le niveau de sa progéniture. Si cela n’est pas fait, vous êtes contre vous et votre nation. Il y a eu un Président américain qui a dit, au lieu de demander qu’est-ce que l’Etat américain va faire pour toi, toi qu’est-ce que tu fais pour l’Etat ? Ceci pour dire qu’un Etat ne peut pas tout faire et qu’en tant que nation, vous devez vous organiser pour réaliser une partie de votre responsabilité. Moi, ce que je fais en tant qu’Etat, c’est de canaliser, de créer des conditions de votre expression. Ça s’appelle la démocratie. C’est donc dire qu’il faut une conjugaison des efforts et une solidarité de tous. Car si vous méprisez votre voisin, vous vous méprisez vous-même. C’est vous qui êtes méprisable. Donc les pays africains doivent obligatoirement se donner la main pour faire face à ce qui nous tue et nous rend misérables. L’intégration doit être totale et non des discours.


Interview réalisée par JEAN PAUL LOUKOU


In Le Nouveau Réveil / Mardi 27 Septembre 2022 - N°6170 // www.lereveil.net

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