À l'approche des prochains rendez-vous électoraux en Côte d'Ivoire et dans le cadre de la révision de la liste électorale, le président de la CEI était de passage en France, il y a quelques jours. Face aux faîtières des associations, les chefs traditionnels et autres leaders d'opinion de la diaspora ivoirienne en France, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert a éclairé les lanternes et demandé aux Ivoiriens de France de s'inscrire massivement sur les listes électorales. Il en a profité pour se confier à votre magazine préféré.
Diasporas-News : Comment se porte la Commission électorale indépendante ivoirienne ?
Ibrahime Coulibaly-Kuibiert : Elle se porte très bien mais elle se porterait mieux si tous les partis politiques y étaient représentés.
D-N : Est-il facile de diriger une CEI ?
I.C-K : Pas du tout facile (rires). Ce que vous gérez est voulu de tout le monde...Or, il n'y a qu'une seule personne qui peut l'avoir. D'où les enjeux. Ce n'est pas facile.
D-N : Vous venez d'Abidjan où vous avez rencontré les différents partis politiques. À cette occasion, le PPA- CI de Laurent Gbagbo s'est plaint de ne pas avoir encore été intégré à la commission centrale de la CEI. Pourquoi cela n'a-t-il pas été fait alors que cela avait été acquis durant le dialogue politique ?
I.C-K : Ce qui commande au fonctionnement de la Commission électorale indépendante (CEI), ce sont les dispositions légales. S'il y a eu un accord politique qu’il soit contenu dans une loi. Laquelle loi s'imposera à la CEI en tant qu'instrument à exécuter. Pour l'heure, cet accord n'a pas encore été acté. Pour preuve, quand le PDCI RDA devait intégrer la Commission centrale de la CEI, on a dû prendre une ordonnance qui vaut loi afin de permettre à la commission centrale d'accepter le représentant désigné par le PDCI-RDA. Dans tous les cas, le PPA-CI est attendu.
D-N : Êtes-vous prêt à accueillir le PPA-CI ?
I.C-K : Le PPA-CI est attendu et pour preuve, le renouvellement du bureau de la commission centrale n'a pas encore été fait. Nous l'avons reporté en prévision de l'arrivée du PPA-CI.
D-N : N'aurait-il pas fallu dans ce cas aussi décaler le renouvellement des commissions locales ?
I.C-K : Non. Nous ne pouvons pas le faire car le chronogramme n'est pas fonction des humeurs des uns et des autres. Le chronogramme est contenu dans la loi. Le code électoral prescrit que la liste électorale qui est le document en vertu duquel on a la qualité d'électeur, pour participer à toute élection, doit être établi trois mois avant les élections. Nous aurons des élections en octobre-novembre 2023. Comment ferons-nous si nous ne procédons pas immédiatement à l'enrôlement des électeurs ? C'est tout le sens. Il s'agit tout simplement de l'installation des commissions et cela ne cause aucun problème au PPA-CI.
D-N : Comment ?
I.C-K : Cela ne leur cause aucun préjudice d'autant plus que par le passé, le PDCI-RDA nous a pris en cours. Le PDCI-RDA n'a pas participé à la révision de la liste électorale, encore moins à l'élection du président de la République. Ce n'est que durant l'élection législative que le représentant du PDCI-RDA a intégré la commission centrale de la CEI. Cela ne cause donc pas de problème.
D-N : Comprenez-vous que l'opposition ivoirienne soit émue que toutes les commissions locales tombent dans l'escarcelle du RDHP, parti au pouvoir ?
I.C-K : Je ne suis pas ému, outre mesure car je suis chargé d'organiser des élections. Je signale que des partis de l'opposition président des commissions locales. Vous savez, c'est parce que les uns et les autres ne font pas preuve de bonne foi.
D-N : Que voulez-vous dire ?
I.C-K : Les bureaux des commissions locales sont installés à l'issue d'élections. Ce sont des accords politiques… Les bureaux des commissions locales sont composés de huit personnalités dont quatre pour l'opposition, trois pour le parti au pouvoir et une personnalité pour l'administration. Ce sont des accords politiques qu'ils font entre eux pour avoir la majorité. Je ne gère pas cet aspect. Maintenant, s'ils n'ont pas d'alliés pour avoir la majorité, ils ne peuvent pas s'en prendre à la CEI.
D-N : Il y a 12 millions de jeunes ivoiriens en âge de voter mais seulement 7 millions inscrits sur les listes électorales. Comment l'expliquez-vous ?
I.C-K : 7,5 millions de jeunes.
D-N : Comment comptez-vous attirer la jeunesse ivoirienne qui ne croit plus à la politique ?
I.C-K : Nous sensibilisons. C'est pour cette raison que nous considérons que les partis politiques sont nos alliés. On a tous intérêt à ce que la jeunesse participe aux élections dans l’intérêt premier des partis politiques. À notre niveau, nous continuons de procéder à la sensibilisation. Nous allons confier cette sensibilisation, aussi bien aux acteurs de la commission électorale indépendante qu'aux partis politiques et à la société civile.
D-N : Le basculement sera-t-il automatique pour les détenteurs de la carte nationale d'identité ?
I.C-K : Non, car il faut s’adapter aux paramètres informatiques.
D-N : Ce ne sera donc pas pour cette année ?
I.C-K : Ce ne sera pas pour cette fois. Nous l'avons proposé, c'était bien sauf que là où il y a les bases de données, il faut que nous accordons nos techniques d'exploitation de ces données. En effet, le logiciel détenu par l'ONECI n'est pas le même logiciel détenu par la CEI. Nos services s'accordent pour voir comment trouver la meilleure formule. Cela nous aurait facilité la tâche mais il ne faut pas être séduit par ce que l'instrument peut nous apporter. Il faut voir plutôt l'ampleur de la tâche.
D-N : Des mesures sont-elles prises pour que les prochains scrutins se déroulent bien ?
I.C-K : Bien sûr. Nous consultons les partis politiques. Le mode opératoire qui permettra la révision de la liste électorale est consensuel. C'est dans la concertation qu'on retrouve la paix.
D-N : Quelles sont les dates exactes des prochaines élections en Côte d'Ivoire ?
I.C-K : Les dates ne sont pas précises mais les élections locales se dérouleront entre octobre et novembre 2023. Les élections locales comprennent les élections municipales et régionales. Après, nous aurons les élections parlementaires certainement en 2024, notamment l'élection des sénateurs parce qu'en fait, l'élection des sénateurs se nourrit des produits des élections locales. Cela signifie que les élus locaux sont ceux qui élisent les sénateurs.
D-N : Pouvez-vous nous rassurer que les prochaines élections en Côte d'Ivoire se feront dans la paix ?
I.C-K : Nous avons appris par le passé qu'il faut donner le temps à la concertation. À l'écoute. Nous venons auprès des partis politiques pour leur dire ce que nous faisons. Ensemble, nous nous accordons sur le mode opératoire de l'exécution des différentes opérations électorales. C'est ainsi qu'à l'occasion de la révision des listes électorales, nous les avons rencontrés et ensemble nous avons convenu d'un certain nombre de points permettant à nos compatriotes de s'inscrire aisément sur la liste électorale. Cette image qui consiste à faire de la CEI un adversaire des partis politiques est une fausse image car au fond, la CEI a besoin des partis politiques pour être leur relais sur le terrain auprès des populations. Mais en même temps les partis politiques ont besoin de la CEI en tant que l'organe en charge de l'instrument leur permettant d'accéder au pouvoir. C'est un partenariat gagnant-gagnant. On a donc intérêt à garder un rapport pacifique et apaisé.
D-N : Comment expliquez-vous les tensions répétées autour des élections en Côte d'Ivoire ?
I.C-K : Je ne me l'explique pas. J'ai toujours eu l'impression que les partis politiques se trompent de combat. Ils ont l'impression que le combat se trouve à la CEI alors qu'il se trouve sur le terrain. La CEI ne fait que computer leurs voix engrangées sur le terrain. Le vrai combat est de séduire la population et d'amener cette population à adhérer à son programme. Et selon les règles de la démocratie, le gagnant est celui qui engrange le maximum de voix. La CEI est un moyen pour arriver au pouvoir et non un objectif.
Interview réalisée par Thomas DE MESSE ZINSOU