Avant tout, faisons connaissance avec le métier. Un thanatopracteur est une personne qui apporte des soins au corps d’un défunt. C’est un professionnel des pompes funèbres. A ce propos, indique Diallo Ousmane : « J’ai toujours pris mon travail au sérieux. C’est un métier comme tout autre. La structure pour laquelle je travaille m’a offert une formation à Barcelone en Espagne ».
La perception que l’on a des personnes évoluant dans ce secteur d’activité, pourtant indispensable n’est pas toujours excellente. Elle relève souvent de préjugés et d’idées reçues, liés à la peur que l’on a de la mort, ou simplement à la mauvaise conception que l’on se fait de la mort. Généralement, l’opinion varie d’une personne à une autre. JK, spécialisé dans l’entretien des corps donne son témoignage : « Au départ ma famille s’est opposée au fait que j’exerce ce métier. Par ce que je suis toujours en contact avec les cadavres. Ce qui fait peur. Mais elle a fini par comprendre que c’est un métier comme tous les autres. Le plus difficile c’est le regard extra familial. Certains amis m’ont quitté parce que disent-ils, mon activité pourrait leur porter malheur. Donc je ne révèle plus mon appartenance professionnelle à autrui», confie-t-il.
Les auxiliaires des pompes funèbres qui, pour la plupart, ne sont pas formés pour cette activité, ont pour rôle d’exposer la dépouille des défunts, lors des veillées funèbres et des levées de corps. Ces derniers souffrent de la même stigmatisation que les thanatopracteurs, mais à un degré moindre tout de même. Jean B, auxiliaire des pompes funèbres d’Anyama, nous en dit plus : « nous sommes vus comme des personnes dont on doit éviter les poignées de mains. Pour la seule raison que nous touchons à longueur de journée aux dépouilles et aux cercueils. Notre petite chance est que parfois, l’on nous confond avec les parents du défunt qu’on vient exposer ».
Un tour chez un fabricant de cercueil à Abobo , nous a permis de noter les accusations portées contre eux et leur métier. Sur un ton un peu à la fois comique et empreint de tristesse, KKY commence ses révélations par une question : « Si je vous dis que mon chiffre d’affaires a baissé. Que me direz-vous ? Silence. Lorsqu’on souhaite que notre activité atteigne sa vitesse de croisière, on nous prête des intentions macabres. Pourtant, depuis la nuit des temps, des personnes meurent chaque jour. Nous ne souhaitons la mort de personne. Mais nous souhaitons que les parents des défunts s’orientent vers nous ». Des propos qui traduisent toute la peine des travailleurs de ce secteur d’activité.
Au-delà de la stigmatisation et des intentions prêtées à ces travailleurs, il faut tout de même relever qu’il y a quelques personnes au sein de la population, qui saluent leurs bravoures et reconnaissent leur mérite. En effet Prosper GOGOUA estime lui, que « toutes les personnes qui travaillent dans ce domaine d’activité, sont à saluer. Leur apport est inestimable. L’année dernière, j’ai perdu un parent à Abidjan. Pour effectuer le transfert du corps, j’ai acheté un cercueil. J’ai loué un corbillard. Avant tout cela, j’ai eu recours à un traiteur de corps. Voyez-vous, comment j’aurais fait, si ces personnes n’étaient pas disponibles ? Il est vrai que j’ai dépensé beaucoup d’argent, mais je reconnais que ces travailleurs m’ont été d’une grande utilité ».
Le point de vue d’Abraham Sery, jeune coiffeur dans la commune de Yopougon traduit plutôt un certain complexe. « J’ai du respect pour ceux qui travaillent à la morgue. Mais moi, je ne peux jamais exercer cet emploi ici. Non seulement, je vais avoir honte d’en parler à ma copine et à mes amis. En plus, je ne sais pas si c’est un boulot qui paye bien. Si je vais en Europe, je pourrai l’exercer sans complexe. Leur salaire minimum inter garanti (Smig) est bien consistant. Et puis, lorsque tu es là-bas, les parents et amis restés au pays, ne savent pas quel travail tu fais ». On le voit, Abraham est bien conscient que c’est une activité à part entière. Mais il préfère, si cela doit arriver, l’exercer hors des frontières de la Côte d’Ivoire, à l’abri du regard des siens.
Prisca Kouamé, jeune étudiante dont le père est un thanatopracteur, dit être fière de son géniteur : « Mon père utilise le revenu de son travail pour prendre soin de la famille. Si je suis à l’université aujourd’hui, c’est grâce au fruit de son labeur. Je suis fière de mon père » renchérit-elle
A la lumière des témoignages, il ressort que les travailleurs des pompes funèbres, professionnels ou amateurs, font l’objet d’une caricature sociale. Leurs seuls soulagements viennent du soutien de leurs familles et de la reconnaissance des personnes ayant bénéficié de leurs services.
Et pourtant, ce sont des travailleurs comme tous les autres employés de la fonction publique ou du privé. Le thanatopracteur sort de sa maison le matin, part au travail et rentre le soir comme le fait le médecin ou l’avocat. Même s’ils n’ont pas voulu lever un coin de voile sur leur traitement salarial, ils sont des travailleurs qui gagnent tout de même honnêtement leur vie.
Trésor Doudou