A l’orée du nouveau tournant que prends le secteur des assurances en Côte d’Ivoire et dans toute la zone CIMA, Monsieur Coulibaly Niennenkariga Habib, fin connaisseur du milieu des assurances et du Digital, fait une rétrospection des différentes actions dans ce domaine et sa vision sur l’avenir.
M. Habib est par ailleurs Président la Société Ivoirienne d’Intelligence Numérique (SIIN), Fintech exerçant dans l’innovation des produits d’assurance et doctorant en Sciences Economiques et de Gestion.
Ci-dessous sa contribution.
Le 10 Avril 2020 sur cette même tribune, je faisais un papier intitulé « Crise du COVID 19 / Télétravail : Comment la Côte d’Ivoire réussit sa transition Numérique » dans lequel j’annonçais un certain nombre d’initiatives dans le domaine du numérique prise par l’Etat de Côte d’Ivoire (pour juguler la crise née de la pandémie de COVID 19) et dans celui du secteur des assurances pour la satisfaction client (accès aux produits d’assurances et réduction des délais de règlement des sinistres) via ce même canal.
Presque 03 ans après, il était important comme vous le dites de faire un bilan de toutes ces initiatives notamment sur celui du secteur des Assurances
En tout cas, au regard des signaux que nous laisse entrevoir ce secteur, nous pouvons affirmer que « l’essai a été transformé » à travers l’« OPEN INNOVATION ».
En effet, les entités qui adoptent ce type d’innovation mette en place des collaborations pour trouver des idées, identifier des nouvelles technologies et développer de nouveaux produits et services.
Il s’agit en fait dans le « jargon » de l’OPEN INNOVATION, d’une « Coopétion (mutualisation des ressources de tout ordre) » et de la « Cocréation (idées nouvelles) », concept clé de L’OPEN INNOVATION tiré de l’article « l’Open Innovation ouvre à de nouvelles pratiques », extraite de la Revue « L’Expansion Management Review » parue en 2012.
C’est donc pour ce type de recherche appliquée et de modèle d’innovation « technologique » et « managériale » tant souhaité et promu par la FANAF et le régulateur CIMA qu’a opté la « Côte d’Ivoire des Assurances ».
En effet les assureurs du marché Ivoirien ont mutualisé leurs énergies et leurs compétences pour la mise en œuvre d’une plateforme numérique sécurisée de gestion digitalisée des attestations automobile.
Ce tout premier projet structurant de ce type dans toute la zone CIMA sera certainement comme l’a précisé le Président de l’Association des Assureurs de Côte d’ivoire en octobre 2022 lors de la mise en production de la plateforme, le point de départ d’une transformation majeure dans le secteur des assurances, pour le bonheur des bénéficiaires des contrats qui n’auront désormais plus de mal à se faire indemniser de manière plus diligente.
L’adoption d’une innovation étant un processus j’essayerais au cours de cette contribution d’identifier (à mon sens) le point de départ de cette dynamique ainsi que les différentes étapes de celle-ci en mettant en exergue un certain nombre d’acteurs dans le processus de diffusion et d’adoption de l’OPEN INNOVATION dans le secteur des assurances en Côte d’Ivoire.
2014 A OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), DEBUT DE LA DYNAMIQUE DE DIFFUSION DE L’OPEN INNOVATION AVEC L’ELECTION DU NOUVEAU BUREAU DE LA FANAF
Selon Rogers (*) : «la diffusion est un processus par lequel une innovation est communiquée à travers un certain nombre de canaux au fil du temps parmi les membres d’un système social ».
Pour contextualiser cette définition au monde des assurances de la zone CIMA, nous dirons que « l’OPEN INNOVATION est une forme d’innovation qui a été vulgarisée en très grande partie par la FANAF à travers ses assemblées annuelles et forums des marchés entre 2014 et 2020 parmi ses membres que sont les assureurs, les réassureurs et les différentes faitières des marchés de la zone CIMA »
Les assemblées annuelles et les forums des marchés ont donc été des canaux particuliers de communication et d’échange sur l’OPEN INNOVATION, car au cours de ces échanges les participants ont créé et échangé des informations afin de parvenir à une mutuelle compréhension de ce nouvel outil de management.
Selon le nouveau Président élu le Sénégalais Adama Ndiaye et son bureau, la montée des géants du numérique la survie du secteur des assurances devrait impérativement passer par des collaborations véritables dans le secteur et non vivre en autarcie comme cela était visiblement le cas
Ainsi dans sa stratégie de vulgarisation de l’OPEN INNOVATION, le nouveau Président élu de la FANAF et son bureau ont jugé important de réduire l’incertitude et la méfiance que la majeure partie des assureurs avaient jusque-là, à ouvrir leurs systèmes à des parties tiers pour une franche collaboration.
C’est donc dans cette dynamique que le thème retenu pour cette FANAF de 2014 était « LES NOUVEAUX HORIZON DE L’ASSURANCE AFRICAINE ».
En réalité ce thème principal traitait en profondeur trois (03) sous-thèmes majeurs sur l’OPEN INNOVATION :
- Le premier de ces sous-thèmes était « le cloud computing dans le secteur de l’Assurances » ;
- le second, « la gestion externalisée des contrats et sinistres dans l’industrie de l’Assurance » ;
- le troisième portait sur « l’intelligence économique ».
Ainsi dès sa prise de fonction en 2014, le nouveau bureau de la FANAF a compris la nécessité pour tous les acteurs de mutualiser leurs efforts afin de résoudre les épineux problèmes de la distribution des produits d’assurances, du paiement des primes ainsi que celui de la gestion des sinistres à travers de nouveaux paradigmes de gestion.
Ne pouvant plus se permettre d’innover seul dans un contexte caractérisé par une situation économique difficile et par une concurrence intensifiée et mondialisée, la FANAF à partir de 2014 a pris son bâton de pèlerin pour exhorter ses membres à changer de paradigme en matière d’innovation afin de répondre à la demande évolutive et exigeante des consommateurs devenus « Emergeant » à travers la « Cocréation » et la « Coopétion » concepts clés de l’OPEN INNOVATION que j’ai présenté plus haut.
2015 A ANTANANARIVO (MADAGASCAR), LA PRISE DE CONSCIENCE VERITABLE DE L’ECOSYSTEME DE L’ASSURANCE AFRICAINE DES NOUVEAUX ENJEUX
A Madagascar les acteurs Africains du monde des assurances avaient « acté » un fait, : « les compagnies et les associations des marchés ne peuvent plus se permettre d’innover seules ».
Cette volonté s’est traduite par le thème retenu pour cette 39ième assemblée générale « L’Assurance dans une Afrique en pleine mutation ». Ainsi à cette FANAF le « Digital » faisait son entrée en force dans les débats qui ont meublé cette rencontre avec le principal panel intitulé : « Le Digital dans l’Assurance Africaine ».
2016 A ABIDJAN (CÔTE D’IVOIRE) L’ACCELERATION DU PROCESSUS DE PRISE DE CONSCIENCE DES ACTEURS ; LE CONCEPT DE « L’ASSURE EMERGEANT » EST NE.
« L’Afrique sous un jour nouveau : près de 6 % de croissance annuelle depuis une décennie et plus de 5 % dans les années à venir, des progrès en matière de gouvernance. • De l’afro pessimisme à une vision de l’Afrique comme zone attractive ou nouvelle frontière pour les investisseurs • La consommation et l'investissement, principaux moteurs économiques, n’attendent qu’à être allumés pour assurer le grand décollage économique du continent. Les assureurs seront-ils à ce rendez-vous économique ? Quels sont les grands défis auxquels devront-ils faire face ? » dixit Koné Mamadou Président actuel de l’Association des Assureurs de Côte d’Ivoire (ASACI) lors de sa présentation en plénière pendant cette Assemblée Générale le lundi 16 février 2016 (page 24).
A l’orée de ses 40 ans la FANAF était bien décidé à faire sa mue !
C’est pour cette bonne raison que le thème retenu cette année au bord de la lagune Ebrié était « L’Assurance Africaine au cœur de l’Emergence Economique ».
Comment saisir les opportunités dans un contexte économique Africain de plus en plus favorable et répondre aux besoins de l’assuré devenu de plus en plus exigeant et émergent ? tels étaient les défis auxquels s’étaient assignés à ressourdre les participants de la 40ième Assemblée annuelle de la faîtière des assureurs.
Pour répondre à ces différentes problématiques un état des lieux préalable sans complaisance avait été fait.
Ainsi (03) trois présentations avaient retenu l’attention. Il s’agissait de celles sur :
- « Les enjeux futurs de l’Assurance dans la zone FANAF » présenté par l’Ivoirien KONE Mamadou, Président Actuel de l’Association des Assureurs de Côte d’ivoire ; (Ancien membre d’alors du Bureau Exécutif de la FANAF et du Comité des Expert de la CIMA) ;
- L’« Impact des évolutions socio-économiques et de l’innovation sur les métiers, l’offre et la demande d’assurance à l’horizon 2030 » présenté par le Suisse Jean-Jacques HENCHOZ ;
- « Comment trouver et atteindre les Assurés Emergents » du Burkinabé Alfred YAMEOGO, auteur du concept de ‘l’« ASSURE EMERGEANT ».
A la fin de cette FANAF dite de « Vérité » les participants se sont donné rendez-vous au Maroc pour des recommandations plus fortes.
2017 MARRAKECH (MAROC), 2018 KIGALI (RWANDA), 2019 TUNIS (TUNISIE), LES ANNEES DE PERSUASION POUR L’ADOPTION DE L’OPEN INNOVATION
Ces trois années de l’histoire de l’Assurance Africaine ont été marqué par des résolutions fortes en faveurs de l’OPEN INNOVATION.
La résolution phare des assises du Maroc ; dont le thème retenu pour cette Assemblée Générale était « Nouveaux enjeux règlementaire et défis opérationnels : quelle stratégie pour l’assurance » était libellée ainsi : « Sur le principe de la digitalisation de l’Assurance Africaine : l’Assemblée Générale retient le principe de la digitalisation de l’Assurance Africaine dans un cadre règlementaire simple (..) et qui doit tenir compte des intérêts des assurés. Toutefois, au regard des coûts que cela pourrait générer, l’Assemblée Générale invite le régulateur à encourager la MUTUALISATION technologique permettant la digitalisation » ; Recommandation que la Côte d’ivoire appliquera 3 ans plus tard...à travers l’appel d’offre international lancé pour la digitalisation du secteur.
Aussi dans la même veine des recommandations fortes, les travaux de Kigali et de Tunis allaient dans le même sens que ceux de Marrakech, c’est-à-dire accentuer les collaborations à l’ère des disruptions.
Notons également que les conclusions des travaux des forums des marchés de Cotonou de 2018 « Distribution de l’Assurance dans l’espace FANAF : un modèle à repenser » et de Douala de 2019 « Relecture du traité CIMA quelle orientations pour nos marchés après 25 ans de mise en œuvre ? » ont également persuadé l’écosystème à opter pour des collaborations plus étroites entre acteurs dans les recherches aux solutions notamment aux niveaux des pratiques de gestion et du cadre règlementaire en vue de s’adapter aux nouveaux enjeux technologiques
2020 : LA COTE D’IVOIRE ENTEND L’APPEL DE LA FANAF ET DU REGULATEUR CIMA ET ADOPTE DEFINITIVEMENT L’OPEN INNOVATION
L’année 2020 celle l’émergence tant souhaité par la plupart des états Africains marque le début d’une nouvelle dynamique pour les acteurs du marché des assurances en Côte d’Ivoire à travers l’adoption de l’OPEN INNOVATION.
Après la réduction de l’incertitude sur cette innovation par la FANAF à travers ses assemblées annuelles et forums des marchés, la Côte d’Ivoire franchit donc le pas en adoptant ce modèle de gestion tant vulgarisé par la FANAF et conseillé par la CIMA.
Selon ce modèle d’innovation, les entreprises d’ordinaire concurrentes collaborent pour des projets où elles ne bénéficient pas d’un avantage concurrentiel spécifique, mais où elles peuvent partager des ressources complémentaires ou des coûts communs pour la réalisation de leurs objectifs.
C’est exactement ce modèle prôné par la FANAF entre 2014 et 2020 et soutenu par le régulateur que la Côte d’Ivoire des Assurances a décidé de s’approprier.
En effet les acteurs du marché des assurances en Côte d’Ivoire ont fédéré les ressources (financières, matérielles et humaines) pour la mise en œuvre d’un projet commun de dématérialisation de l’attestation automobile. Ce projet unique dans son genre constitue l’un des projets les plus structurant de toute la zone CIMA et partant de l’Afrique tout en entière.
2023 : KINSHASA (REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO) LES PERSPECTIVES SONT BONNES POUR LES BENEFICIAIRES DU CONTRATS ET LES ACTEURS DES ASSURANCES NOTEMMENT LES FINTECHS
UNE NOUVELLE ERE S’OUVRE POUR LE SECTEUR DES ASSURANCES
Dans la tribune libre de votre confrère Jeune Afrique dans sa parution de févier 2023, Monsieur Ridha Meftah (associé chez EY chargé de l’offre conseil pour le secteur financier en Afrique francophone) expliquait « pourquoi les assureurs Africain doivent passer par l’innovation ouverte ».
Sans nul doute avec cette innovation majeure pour le secteur des assurances en Côte d’Ivoire nous verrons certainement une émulation dans le secteur Fintechs, qui proposeront des produits et services très innovants pour les assureurs qui en demanderont certainement davantage.
Ainsi à travers le développement des produit et services d’assurance plus innovants via le Digital, le taux de pénétration de l’assurance, le règlement des primes ainsi le paiement des sinistres seront à coups sûr de vieux maux.
Espérons donc qu’avec cette innovation, Monsieur Adje Evariste fervent défenseur des droits des assuré n’ira pas « Dormir à Libreville ; Intitulé de son dernier ouvrage » pour réclamer les droits des victimes.
En tout cas je reste persuadé que les deux acteurs clé du marché des assurances, le Président de l’ASACI et le Directeur des Assurances ne ménagerons aucun effort pour la protection des droits des victimes
Avant le terme de ce regard porté sur les actions entreprises par le secteur des assurances en Côte d’ivoire, nous pouvons affirmer sans nous tromper que les perspectives pour le secteur et les bénéficiaires des contrats assurances sont bonnes.
Les signaux positifs que nous laisse voir les acteurs du secteur des assurances en Côte d’Ivoire et dans toutes la zone CIMA sont positif.
A l’orée du début des travaux de la 47ième Assemblée Générale Annuelle de la FANAF je reste convaincu que tous les acteurs du secteur joueront leur partition dans « l’histoire de la transformation numérique de l’Afrique » (notamment dans celui des assurances) comme le disait Stéphane Richard ex Président-directeur général du groupe Orange dans la préface du livre de Bruno Mettling intitulé « Booming Africa ; Le temps de l’Afrique digitale ».
L’AVENIR NOUS LE DIRA !
CONCLUSION
L’adoption d’une innovation étant un processus, j’ai essayé au cours de cette contribution de situer le début de cette dynamique de diffusion de l’OPEN INNOVATION dans le secteur des Assurance dans la zone CIMA (2014 par l’élection du nouveau bureau de la FANAF) jusqu’ à son adoption et sa mise en œuvre par le marché ivoirien.
J’ai par ailleur essayé de montrer comment la FANAF à travers ces canaux de communication ont bien eu un impact positif sur l’adoption de l’OPEN INNOVATION par le marché des assurances en Côte d’ivoire en réduisant l’incertitude sur ce nouveau paradigme de management.
J’ai également présenté les différentes séquences de ce processus.
Aussi force est de constater que la COVID 19 a certainement eu un effet accélérateur (point de basculement) sur le processus d’adoption de l’OPEN INNOVATION par le marché Ivoirien ;
Mais il faut bien reconnaitre que les acteurs du marché étaient déjà bien engagés dans ce processus de changement de paradigme.