Des tensions et des bagarres entre les femmes et les jeunes filles de Loho, un village de la sous-préfecture d'Arikokaha, sont fréquemment observées autour de la seule borne-fontaine du village, offerte par un fils du village.
"Ces femmes et jeunes filles que vous voyez en petits groupes attendent chacune leur tour pour s’approvisionner en eau potable. Quiconque tenterait de forcer l'ordre de passage s'exposerait d'abord à des injures immédiates et, dans les pires cas, à une bastonnade publique sans merci. Ici, le droit d'aînesse a disparu des usages", déplore T.K.O (67 ans), une habitante de Loho.
Cette source d'eau au débit irrégulier dessert également d'autres campements environnants, à savoir Drissakaha, Moussakaha et Kolokaha, ainsi que de nombreux orpailleurs clandestins communément appelés "clandos". Ces orpailleurs squattent les sites d’orpaillage illégal dits "Dagahs", situés dans la forêt classée qui jouxte cette localité de plus de 600 habitants.
Avec des bidons jaunes ou verts sur la tête, attachés aux porte-bagages de vélos, de motos, à l'arrière d'engins à trois roues ou encore entassés devant cette unique source d'eau potable, les femmes et les jeunes filles attendent devant la borne-fontaine, piaffant d'impatience, les nerfs à fleur de peau.
Selon le chef du village, Yaya Bakayoko, l'image "malheureuse et dégradante" que présente régulièrement Loho reflète suffisamment le manque criant et cruel d'eau potable dans cette bourgade située à 18 km à l'est de la ville de Niakara.
Diallo Awa, une habitante de Loho, cheveux en bataille, le pagne solidement noué, explique que chaque matin, elle doit tout abandonner, tout comme les autres femmes du village. Elles viennent à l'unique source d'eau, alignent leurs bidons et attendent patiemment pendant des heures avant d'être servies en eau potable.
"Il n'y a pas de grand-mères, de mamans ou encore moins de grandes sœurs ici ; l'ordre de passage doit impérativement être respecté par tout le monde, sinon...", martèle-t-elle, les yeux aux aguets, rivés sur la borne-fontaine, l'air impatient mais calme.
Pour Issa Coulibaly, membre de la confrérie de chasseurs dite "Dozos", de nombreuses filles n'ont pas la capacité d'attendre calmement et patiemment leur tour. Certaines filles ne respectent pas les règles établies et veulent forcément tricher, ce qui entraîne régulièrement des bagarres.
«Les bidons que vous voyez là sont disposés par ordre d'arrivée. C’est la norme ici pour toutes celles qui viennent s’approvisionner en eau. C’est un principe que nous avons mis en place pour éviter le désordre, les injures et les bagarres », a déclaré Issa Coulibaly, le dozo en charge parfois du maintien de l'ordre à la fontaine.
Selon les habitants de Loho, le déficit d'eau potable entraîne souvent des débordements, en raison de l'affluence exacerbée dûe à l'assèchement récurrent du château d'eau équipé d'une seule borne-fontaine. Ce système d'hydraulique villageoise améliorée (HVA) a été mis en place par un fils du village depuis la fin de l'année 2020.
La seule et ancienne pompe hydraulique à motricité humaine, datant des années 1970, est complètement hors d'usage depuis 2019, déplore le chef du village de Loho, Yaya Bakayoko, qui sollicite les pouvoirs publics pour une solution durable.
«Depuis deux jours, nous n’avons pas d'eau potable. Heureusement, il pleut en ce moment, sinon le village serait plongé dans l'amertume totale et vous auriez assisté à des empoignades déshonorantes entre femmes aujourd'hui », explique Gnindelman Ouattara, l'épouse du chef du village de Loho.
(AIP)