Le patron de Telegram Pavel Durov doit être présenté à la justice dimanche au lendemain de son interpellation dans un aéroport parisien, un mandat de recherche ayant étant émis contre lui par des enquêteurs français visant diverses infractions de sa messagerie cryptée.
Sollicité à plusieurs reprises par l'AFP, le parquet de Paris s'est lui refusé dimanche matin à toute communication "en l'état, s'agissant d'une procédure suivie à l'instruction".
Accompagné de son garde du corps et de son assistante qui le suivent en permanence, le milliardaire franco-russe de 39 ans a été interpellé samedi soir dans l'aérogare du Bourget, au nord de Paris, a dit une source proche du dossier à l'AFP.
Le fondateur de Telegram venait de Bakou (Azerbaïdjan) et devait passer au moins la soirée à Paris où il avait prévu de dîner, a ajouté une source proche de l'enquête.
Il va être présenté dimanche à la justice à Paris, selon une source proche du dossier.
L'office chargé de la lutte contre les violences faites aux mineurs (Ofmin) avait émis un mandat de recherche contre Pavel Durov en tant que service coordinateur d'une enquête préliminaire pour des infractions allant de l'escroquerie au trafic de stupéfiants, au cyberharcèlement, à la criminalité organisée en passant par l'apologie du terrorisme et la fraude, a expliqué une des sources proches du dossier.
La justice reproche à Pavel Durov de ne pas agir contre les utilisations délictuelles de sa messagerie par ses abonnés, notamment par une absence de modération et de collaboration
avec les enquêteurs.
"Ça suffit l'impunité de Telegram", s'est félicité un des enquêteurs, étonné que le milliardaire, sachant qu'il était recherché en France, ait décidé quand même de venir à Paris. "Peut-être par sentiment d'impunité", a évoqué une des sources proches du dossier.
La messagerie en ligne lancée en 2013 par Pavel Durov et son frère Nikolaï, sur laquelle les communications peuvent être chiffrées de bout en bout et dont le siège social se trouve à Dubaï, s'est positionnée à contre-courant des plateformes américaines, critiquées pour leur exploitation mercantile des données personnelles.
Telegram s'est notamment engagée à ne jamais dévoiler d'informations sur ses utilisateurs. - Nombreuses réactions internationales -
L'interpellation de Pavel Durov a suscité de nombreuses réactions internationales. "#FreePavel", a publié sur X (ex-Twitter) le patron de la plate-forme, Elon Musk, avant de publier un nouveau message en français disant "Liberté. Liberté! Liberté?".
L'ancien candidat indépendant à la présidentielle américaine Robert F. Kennedy Jr, qui vient de se rallier à Donald Trump, a lui affirmé sur X que "la nécessité de protéger la liberté d'expression n'a jamais été aussi urgente".
En Russie, où Telegram est un des réseaux sociaux les plus utilisés avec des chaînes pouvant avoir plusieurs centaines de milliers d'abonnés, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Maria Zakharova a affirmé que "l'ambassade de Russie à Paris s'est immédiatement mise au travail, comme il est d'usage" en cas de détentions de citoyens russe à l'étranger.
Elle a aussi rappelé que de nombreuses ONG internationales avaient condamné en 2018 la décision d'un tribunal russe de bloquer Telegram, décision jamais totalement mise en application. "Pensez-vous que, cette fois-ci, elles en appelleront exigeront la libération de Durov, ou qu'elles se tairont?", a-t-elle demandé sur sa page Telegram.
Chantre de la confidentialité, Pavel Durov a raconté en avril dans une rare interview avoir eu l'idée de lancer une messagerie cryptée après avoir subi des pressions des autorités russes à l'époque de VK, un réseau social qu'il a créé dans son pays d'origine avant de le vendre et quitter la Russie en 2014.
Il a dit avoir ensuite essayé de s'installer à Berlin, Londres, Singapour et San Francisco avant d'opter pour Dubaï, dont il a loué l'environnement des affaires et la "neutralité".
"Je pense que nous faisons du bon travail avec Telegram, avec 900 millions d'utilisateurs qui dépasseront probablement le milliard d'utilisateurs mensuels actifs d'ici un an", a-t-il affirmé.
Dans l'émirat du Golfe, Telegram s'est mise à l'abri des règles de modération des États, à l'heure où l'Union européenne comme les États-Unis mettent la pression aux grandes plateformes pour supprimer le contenu illégal.
Avec ses groupes de discussion pouvant accueillir jusqu'à 200.000 personnes, la messagerie est parfois accusée d'augmenter le potentiel viral des fausses informations et la prolifération de contenus haineux, néonazis, pédophiles, complotistes ou terroristes.
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