M’Bengué – L’igname occupe une place de choix dans l’alimentation des habitants de M’Bengué, notamment lors des fêtes, mais paradoxalement, elle n’y est pas cultivée. Pour comprendre ce phénomène, l'AIP est allée à la rencontre d'un expert agronome et des consommateurs vendredi 28 février 2025.
Un reportage réalisé par Coulibaly Brahima/Coll: Hubert-Armand Assin
Dans ce département du nord de la Côte d’Ivoire, l’agriculture constitue l’activité principale, dominée par la culture du coton, de l’anacarde et de diverses productions vivrières comme le riz, le maïs et l’arachide. Pourtant, sur les marchés, l’igname est omniprésente, alimentant un fort engouement des consommateurs.
« Nous ne la cultivons pas, mais nous la consommons beaucoup car elle rassasie bien », explique Soro Issouf, cultivateur et résident de M’Bengué. Selon lui, la culture de l’igname a été abandonnée en raison des dégâts causés par les troupeaux de bœufs.
Toutefois, pour le directeur départemental de l’Agriculture, Bayoko Karamoko, la raison principale est liée à la nature du sol. « Le sol de M’Bengué est trop squelettique, il manque de consistance. Or l’igname a besoin d’un volume de terre suffisant pour se développer », explique-t-il. Il ajoute que la dégradation avancée des sols a conduit à une utilisation massive d’engrais pour d’autres cultures comme le riz et le maïs, qui ont un système racinaire plus superficiel.
L’essentiel des ignames consommées à M’Bengué provient donc de la région du Hambol, notamment de Niakara, Katiola et Dabakala. Sur le marché hebdomadaire du jeudi, les étals de tubercules attirent une forte clientèle, avec des prix oscillant entre 300 et 700 francs CFA le kilogramme, selon la qualité et l’espèce. Face à cette demande persistante, les commerçants d’ignames trouvent un marché stable, tandis que la production locale demeure inexistante.
Malgré l'absence de culture locale, les vendeurs d'ignames de M’Bengué assurent un approvisionnement régulier grâce aux fournisseurs des régions voisines. Cependant, certains commerçants restent discrets sur leurs sources d’approvisionnement. « Les ignames me sont livrées ici même », se contente de répondre Ouattara Adama, un détaillant installé près du carrefour de l’hôpital général, refusant d’en dire plus sur l’origine exacte de sa marchandise.
Cet engouement pour l’igname soulève des interrogations sur une éventuelle relance de sa culture à M’Bengué. Pour le directeur départemental de l’Agriculture, la nature du sol constitue un obstacle majeur. « Ceux qui tentent de la cultiver ici obtiennent des tubercules de petite taille en raison du sol gravionnaire, où la couche arable est largement dégradée », souligne-t-il.
Malgré ces contraintes, certaines initiatives pourraient être envisagées pour pallier cette absence. L’amélioration des sols à travers des techniques agricoles adaptées ou la mise en place de parcelles expérimentales pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour les agriculteurs locaux. En attendant, les commerçants d’ignames continueront de répondre à la forte demande des habitants de M’Bengué, qui, pour satisfaire leur appétit, devront toujours se tourner vers des productions extérieures.
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