Les autorités ivoiriennes rêvent de faire du pays une destination touristique incontournable en Afrique. Son riche patrimoine culturel, ses paysages variés et son dynamisme économique apparaissent comme des arguments majeurs de cette ambition stratégique. Mais où en est le secteur touristique, et la Côte d'Ivoire peut-elle réellement rivaliser avec les géants du tourisme africain ?
Une question qui vaut 3 200 milliards de FCFA (environ 4,9 milliards d'euros). Toutefois, il y a moins de soucis à se faire quand on sait que le gouvernement ivoirien, à travers sa stratégie nationale « Sublime Côte d'Ivoire », vise à faire du tourisme le troisième pilier économique du pays, avec un objectif ambitieux : attirer 5 millions de visiteurs internationaux d'ici à la fin de cette année et hisser la Côte d'Ivoire parmi les cinq premières destinations touristiques africaines. Lancé en mai 2018, ce projet, dont les investissements sont financés par l’État à hauteur de 1 500 milliards de FCFA, inspiré du modèle marocain et élaboré avec l'appui du cabinet McKinsey, est destiné à diversifier l'offre touristique, misant surtout sur le tourisme d'affaires, le tourisme balnéaire, l'écotourisme et le tourisme culturel. L'objectif est de porter la contribution du tourisme dans le Produit intérieur brut (PIB) de 6,25 % à 12 %, tout en créant 650 000 emplois qualifiés.
« Sublime Côte d'Ivoire » : une feuille de route ambitieuse
Depuis son lancement, plusieurs réalisations ont déjà vu le jour. Qu’il s’agisse de la construction de « Serena Village », un complexe touristique de luxe à Biétry d'un coût de 47 millions de dollars. Ce site inclut un hôtel cinq étoiles, un centre commercial, une marina et des résidences. Qu’il s’agisse de la modernisation de l'aéroport international Félix Houphouët-Boigny, qui a dépassé les 2 millions de passagers en 2017, et l'amélioration des infrastructures routières, comme l'axe San-Pédro-Abidjan. Qu’il s’agisse également du lancement par le gouvernement de la « Quinzaine ivoirienne du Tourisme », un événement promotionnel mettant en lumière cinq circuits touristiques nationaux. Qu’il s’agisse enfin du classement en 2023 de plus de 300 hôtels et restaurants, dont un nouvel établissement cinq étoiles, renforçant les normes du secteur – ce qui a permis d’attirer quelque 1,5 million de visiteurs de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN, 2024) et de les héberger dans de bonnes conditions. Un plus pour la visibilité du pays.
En 2017, la Côte d’Ivoire comptait 2 531 hôtels, contre 2 041 en 2016, avec un taux d'occupation moyen de 54,55 %. Depuis, le développement hôtelier s'est accéléré, notamment à Abidjan, qui figure parmi les 10 villes africaines avec le plus de projets hôteliers.
Les destinations touristiques phares du pays
La Côte d'Ivoire regorge de destinations variées, combinant mer, nature et culture. À commencer par Abidjan, la capitale économique, hub du tourisme d'affaires, qui offre des infrastructures modernes comme l'hôtel Ivoire (Sofitel), des centres de conférences et une vie nocturne animée. Ensuite, Grand-Bassam, ancienne capitale coloniale classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, qui séduit par ses bâtiments historiques et ses plages. Vient Assinie, qui est prisée pour ses plages bordées de cocotiers et ses complexes hôteliers. San-Pédro n’est pas du reste. Avec des plages comme celle de Monogaga, c'est une destination balnéaire stratégique, soutenue par des projets d'infrastructures. Idem pour Sassandra et Grand-Béréby, deux villes côtières qui offrent des criques, des falaises et la célèbre « Baie des Sirènes ». Sans oublier Yamoussoukro, la capitale politique, abritant la basilique Notre-Dame-de-la-Paix, l'une des plus grandes églises au monde, et la réserve de Faune d'Abokouamékro pour les safaris. Ce tableau peut être complété par les Parcs nationaux, comme le parc national de Taï, inscrit à l'UNESCO, et celui de la Comoé, qui sont des joyaux pour l'écotourisme, abritant une biodiversité exceptionnelle. Dans les régions nord du pays, les mosquées soudanaises (Kong, Kouto, Tengrela) et les villages artisanaux, comme Tiébissou pour le tissage, attirent les amateurs de tourisme culturel.
C’est dire que la Côte d’Ivoire dispose des atouts majeurs pour séduire les voyageurs. En plus des destinations de rêve, le pays peut se targuer de posséder une diversité géographique et une variété de paysages, composées de 520 km de côtes atlantiques, des lagunes, des plages de sable fin, des parcs nationaux et près de 300 réserves naturelles. Une richesse culturelle indéniable représentée par plus de 60 ethnies cohabitant en harmonie et offrant un patchwork de traditions, d'artisanats et de festivals. Il y a des infrastructures de qualité comme des hôtels haut de gamme et un aéroport moderne, renforçant son statut de hub régional pour le tourisme d'affaires. À cela il faut ajouter le dynamisme économique du pays. En tant que locomotive de l'UEMOA, la Côte d'Ivoire attire les investisseurs, facilitant le développement touristique. Des festivals de bonne facture ont accru l'attractivité du pays.
La rude concurrence du Bénin
Malgré ses atouts, la Côte d'Ivoire présente des faiblesses par rapport à d’autres pays de la sous-région. Contrairement au Bénin, qui excelle dans la mise en valeur de son patrimoine vodoun et de sites historiques comme la Route des Esclaves, avec des campagnes marketing ciblées, en Côte d’Ivoire, les sites comme le domaine Bini ou les mosquées du Nord manquent de visibilité à l’internationale. Par ailleurs, si le Bénin a développé des circuits écotouristiques autour du parc de la Pendjari, avec des partenariats internationaux, les parcs ivoiriens comme Taï souffrent d'un manque d'infrastructures d'accueil et de guides formés. Enfin, le pays de Patrice Talon a investi dans des écoles hôtelières locales, tandis que la Côte d'Ivoire peine à former suffisamment de personnel qualifié pour répondre à la demande croissante.
Autrement formulé, pour concrétiser son ambition, la Côte d'Ivoire doit relever un certain nombre de défis et prendre des mesures concrètes, à savoir l’amélioration des infrastructures de transports, le renforcement de la promotion à l’internationale (à travers le lancement d’une campagne à l’image de Visit Rwanda), le développement de l’écotourisme, la multiplication de l’offre de formation, la digitalisation de l’offre touristique et la diversification de ses destinations.
Avec « Sublime Côte d'Ivoire », le pays a posé les bases d'une transformation touristique ambitieuse. Ses atouts naturels, culturels et économiques, combinés à des projets comme Serena Village et la modernisation des infrastructures, témoignent de son potentiel. Cependant, face à la concurrence des pays comme le Bénin, qui capitalisent sur une offre touristique accessible, la Côte d'Ivoire doit combler ses lacunes en matière d'infrastructures, de formation et de promotion. En adoptant des mesures ciblées, comme l'amélioration des accès aux sites touristiques et une stratégie digitale offensive, le pays peut non seulement atteindre ses objectifs, mais aussi devenir une référence touristique africaine incontournable. C’est, en tout cas, tout le mal qu’on peut lui souhaiter.
Guillaume V.
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