À l’heure où l’Afrique revendique plus d’autonomie dans ses décisions économiques et politiques, la question de sa souveraineté juridique devient cruciale. C’est dans cette optique que la Facilité africaine de soutien juridique (ALSF) a réuni, le lundi 26 mai 2025 à Abidjan, 35 ministres des Finances autour d’un forum de haut niveau. Objectif : encourager une prise de conscience continentale sur l’importance de maîtriser les outils juridiques qui encadrent les grands projets de développement.
Placée sous le thème « Doter l’ALSF de ressources pour renforcer le développement durable de l’Afrique », la rencontre, organisée en marge des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), a mis en lumière un paradoxe : alors que l’ALSF œuvre exclusivement pour les pays africains, son financement dépend encore largement des bailleurs extérieurs.
« Nous sommes la seule institution panafricaine qui négocie pour les États africains dans des domaines stratégiques comme l’énergie, les ressources naturelles ou la dette. Il est donc temps que les pays africains s’approprient leur outil juridique, aussi financièrement », a plaidé Olivier Pognon, directeur général de l’ALSF.
Depuis sa création en 2008, l’ALSF joue un rôle de bouclier face à des multinationales bien épaulées juridiquement. Pourtant, sur les 62 membres que compte l’institution (dont 53 pays africains), peu contribuent effectivement à son fonctionnement. À ce jour, près de 40 % de son budget est encore assuré par la BAD, qui a d’ailleurs renouvelé cette année son soutien avec une allocation de 7 millions de dollars.
Le président sortant de la BAD, Dr Akinwumi Adesina, a lancé un message fort : « L’Afrique doit se donner les moyens de défendre ses intérêts. L’ALSF a déjà prouvé son efficacité, mais c’est à nous, Africains, de garantir sa survie. Il y va de notre souveraineté. »
Au-delà du financement, c’est toute la question du pouvoir de négociation de l’Afrique qui est posée. Face à des accords commerciaux ou contractuels aux implications lourdes, les États africains manquent souvent de l’expertise juridique nécessaire. C’est ce vide que l’ALSF s’efforce de combler, en appuyant les gouvernements dans des transactions complexes, parfois décisives pour l’avenir de leurs économies.
Pour Olivier Pognon, le forum 2025 marque un tournant. Des discussions bilatérales vont s’engager avec chaque pays membre pour définir un engagement concret. « L’indépendance juridique ne se décrète pas, elle se construit, pas à pas. Aujourd’hui, nous avons avancé ensemble », a-t-il conclu.
Cyprien K.

