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Économie Publié le lundi 22 septembre 2025 | Fraternité Matin

Interview/ Asta-Rosa Cissé, Directrice Régionale d’AGL Côte d’Ivoire-Burkina Faso : « Le transport lagunaire est une excellente solution pour fluidifier le trafic dans la zone portuaire »

Interview/ Asta-Rosa Cissé, Directrice Régionale d’AGL Côte d’Ivoire-Burkina Faso : « Le transport lagunaire est une excellente solution pour fluidifier le trafic dans la zone portuaire »
© Fraternité Matin Par DR
Asta-Rosa Cissé, Directrice régionale d’AGL Côte d’Ivoire-Burkina Faso

Opérateur des terminaux à conteneurs du port d’Abidjan, Africa Global Logistics (AGL) accompagne depuis plus de 20 ans la modernisation de cette infrastructure stratégique pour la Côte d’Ivoire et la sous-région. À l’occasion du 75ᵉ anniversaire du port d’Abidjan, célébré récemment, Asta-Rosa Cissé, Directrice régionale d’AGL pour la Côte d’Ivoire, qui a observé les différentes mutations de ce port depuis le début des années 2000, dresse le bilan de ce partenariat historique avec la plateforme portuaire et partage ses ambitions pour renforcer la compétitivité et le rôle stratégique du port d’Abidjan en Afrique de l’Ouest.

 

A l’occasion des 75 ans du Port Autonome d’Abidjan célébrés les 11 et 12 septembre 2025, vous avez été distinguée aux côtés du président de votre groupe dans l’ordre du mérite maritime ivoirien. Que représente cette décoration pour vous ?

Cette décoration est pour moi un honneur immense et une responsabilité tout aussi grande. Elle ne consacre pas seulement un parcours individuel, mais reflète avant tout la reconnaissance du travail collectif accompli avec les équipes d’Africa Global Logistics (AGL), dont l’engagement et le professionnalisme sont les véritables moteurs de nos réussites.

Être distinguée aux côtés du Président d’AGL, lui-même élevé au rang d’Officier, est une fierté partagée qui souligne le rôle majeur de notre groupe dans la modernisation et la compétitivité du Port d’Abidjan, véritable pilier du développement économique de la région.

Je tiens également à exprimer ma profonde gratitude au Directeur Général du Port Autonome d’Abidjan et au Ministre des Transports, dont le leadership et la vision inspirent nos actions.

Cette distinction nous rappelle enfin l’exigence qui est la nôtre : continuer à œuvrer pour une logistique toujours plus innovante, durable et inclusive, au service de la Côte d’Ivoire et, au-delà, de toute l’Afrique de l’Ouest.

 

Quel bilan dressez-vous de cette collaboration avec le port d’Abidjan, en termes d’évolution et de réalisations majeures ?

AGL a de tout temps été présent aux côtés du Port Autonome d’Abidjan. Malgré les changements de dénomination, nous avons toujours maintenu notre rôle dans le secteur de la logistique.

Depuis plus de vingt ans, notre collaboration s’est construite autour des conventions de concession, du premier au second terminal à conteneurs. Ces partenariats s’inscrivent dans la stratégie de spécialisation des quais mise en place par le Port Autonome d’Abidjan et reposent sur un esprit de coopération mutuellement bénéfique.

Les investissements réalisés de l’ordre de 450 milliards de FCFA ont eu un impact concret. La plateforme de gestion des conteneurs a connu une transformation notable avec l’introduction d’outils modernes, permettant d’atteindre des cadences comparables à celles observées dans de grands terminaux internationaux. Le port d’Abidjan confirme ainsi son rôle de hub logistique de la Côte Ouest Africaine et de carrefour des échanges commerciaux.

Par ailleurs, d’autres activités ont connu des évolutions significatives, notamment dans la manutention conventionnelle. Le blé reste un produit majeur, tout comme le cacao exporté depuis Abidjan, et le riz dont les volumes sont en progression continue. Notre objectif est de continuer sur cette trajectoire : améliorer la performance du port d’Abidjan par la qualité des services et renforcer nos propres performances en tant que manutentionnaires et exploitants de terminaux. Après plus de vingt ans, le bilan est positif : nous avons accompagné la modernisation, la spécialisation et la montée en gamme du port, en phase avec la vitalité de l’économie ivoirienne.

Quelle a été la contribution d’AGL au rayonnement de l’activité portuaire ?

Nos terminaux portuaires sont avant tout des outils au service des acteurs économiques, qu’il s’agisse des filières agricoles, industrielles, énergétiques ou des télécommunications. Nous contribuons directement à la compétitivité des produits phares exportés par la Côte d’Ivoire, tels que le cacao, le cajou, l’hévéa, la banane ou encore les produits agroalimentaires. En renforçant la performance logistique, AGL appuie la vitalité de ces filières stratégiques et soutient la dynamique d’exportation du pays.

Grâce aux investissements réalisés, Abidjan fait aujourd’hui partie des premiers ports d’Afrique subsaharienne capables d’accueillir les plus grands navires, transportant jusqu’à 24 000 EVP. Cette avancée permet aux importateurs de bénéficier d’économies d’échelle et de réduire les coûts et délais de transit. Ces gains se répercutent directement sur l’économie nationale et, au final, sur le pouvoir d’achat et la disponibilité des biens de consommation pour les populations en cohérence avec la vision stratégique du Port Autonome d’Abidjan.

Au-delà des infrastructures, notre véritable richesse se mesure également à travers les femmes et les hommes qui font vivre nos différentes entreprises. Les activités d’AGL en Côte d’Ivoire représentent aujourd’hui plus 4500 emplois directs et plus de 7 000 emplois indirects. Autant de familles qui bénéficient de revenus stables et de perspectives durables, et qui participent activement au dynamisme économique de la Côte d’Ivoire.

Cette création de valeur humaine s’accompagne d’un engagement fort pour le développement des compétences locales. À travers des programmes de formation continue et notre centre de formation régional basé à Abidjan, AGL renforce chaque année le savoir-faire de ses collaborateurs, ouvrant la voie à des carrières solides et à l’émergence de nouvelles expertises.

Enfin, nous avons accompagné la modernisation des processus avec la digitalisation des procédures de passage des marchandises. Cette innovation est essentielle pour fluidifier les échanges face à l’accroissement constant des volumes. Elle facilite non seulement le travail des acteurs économiques, mais elle garantit aussi aux citoyens un accès plus rapide et plus sûr aux produits qu’ils consomment au quotidien.

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Quelles initiatives de modernisation et de digitalisation avez-vous mises en place pour renforcer la performance et permettre au port de jouer pleinement son rôle régional ?

Entre 2010 et 2025, le port d’Abidjan a enregistré une croissance des volumes d’environ 35 %. Cette tendance devrait se poursuivre d’ici 2030, alors que les navires qui y accostent sont de plus en plus grands et transportent des cargaisons toujours plus importantes. Le 28 avril 2025, MSC le premier armateur mondial a d’ailleurs inauguré la première escale de navires de 24.000 teus sur le port d’Abidjan.

Pour accompagner cette évolution et répondre aux besoins de l’économie ivoirienne, il est essentiel de traiter plus rapidement les flux, à l’import comme à l’export. Le premier levier, c’est la digitalisation. Elle permet de réduire les délais, de fluidifier les processus et d’optimiser l’efficacité des opérations. Mais cette modernisation ne peut être pleinement réussie sans l’implication de tous les acteurs, notamment l’Administration des douanes, dont la transformation est un maillon clé.

Aujourd’hui, le GUCE et le SYDAM fonctionnent très bien, mais ce qui manque, c’est un véritable guichet unique portuaire. Cet outil permettrait d’intégrer et d’harmoniser tous les projets numériques existants pour faire entrer la plateforme dans une nouvelle étape. Au niveau de nos terminaux à conteneurs, plusieurs solutions digitales sont déjà en place : la prise de rendez-vous en ligne, le paiement électronique des factures ou encore la gestion automatisée de certaines opérations. Ces outils donnent de bons résultats, mais la priorité désormais est de les connecter directement à la douane dans une interface commune. L’impact serait immédiat : une réduction considérable des délais et une meilleure fluidité pour l’ensemble des usagers du port.

Enfin, cette digitalisation ne peut se limiter à l’intérieur de l’enceinte portuaire. La création de zones logistiques situées en dehors du port est indispensable pour organiser le dispatching quotidien et absorber les volumes croissants. Cela permettrait de désengorger les quais, de fluidifier le trafic urbain et d’améliorer la compétitivité globale de la plateforme portuaire d’Abidjan.

Le boulevard de Vridi a été réhabilité, mais plusieurs opérateurs rencontrent toujours des difficultés d’accès aux terminaux. Quelles mesures avez-vous prises dans ce contexte ?

Il est important de rappeler que les terminaux et le Port d’Abidjan fonctionnent 24h/24, tout comme la majorité des opérateurs logistiques. Cependant, les importateurs ne travaillent pas toujours en continu, et les restrictions horaires de circulation des camions constituent un défi supplémentaire pour les transporteurs.

Dans ce contexte, la création de zones logistiques en dehors de l’enceinte portuaire est essentielle. Elles permettront de mieux organiser les flux, de répartir les chargements sur la journée et ainsi de fluidifier la circulation, notamment lors des pics d’activité.

La réhabilitation du boulevard de Vridi est une avancée significative que nous saluons, car elle contribue à sécuriser et améliorer l’accès aux terminaux. Toutefois, la forte croissance des volumes de trafic — avec plusieurs milliers de camions chaque jour — pose naturellement de nouveaux défis. C’est pourquoi nous devons, collectivement, continuer à réfléchir à des solutions complémentaires pour accompagner cette dynamique et permettre au port de soutenir durablement la croissance économique du pays.

Le Directeur général du port a évoqué récemment le transport lagunaire et les espaces de stockage hors du port comme solutions de désengorgement. Qu’en pensez-vous ?

Le transport lagunaire représente en effet une solution pertinente. Près de 40 % des volumes à l’import sont destinés à la zone industrielle de Yopougon et aux unités implantées le long de l’autoroute du Nord. Utiliser la lagune comme axe logistique permettrait d’acheminer ces marchandises de manière plus directe et plus fluide, tout en réduisant la pression sur le réseau routier.

À plus long terme, cette infrastructure pourrait également être envisagée pour le transport de passagers, offrant ainsi une double utilité. Une telle approche contribuerait non seulement au désengorgement des axes routiers, mais aussi à la réduction de l’empreinte environnementale des transports, en cohérence avec les objectifs de durabilité recherchés par l’ensemble des acteurs.

Quelles synergies votre groupe développe-t-il entre ses différentes entités pour accompagner la croissance portuaire en Côte d’Ivoire ?

Les synergies entre nos différentes entités en Côte d’Ivoire sont au cœur de notre stratégie pour accompagner la croissance portuaire. Avec une concentration de l’activité logistique dans les ports d’Abidjan et de San Pedro, il devient nécessaire de repenser l’organisation logistique. C’est pourquoi, nous travaillons à la mise en place de plateformes logistiques situées en dehors d’Abidjan, dans des zones stratégiques comme Bouaké, Yamoussoukro, Ferkessédougou, Daloa ou Ouangolodougou.

Ces plateformes permettent de créer des espaces de groupage et de dégroupage, tout en renforçant l’interconnexion avec le transport multimodal, notamment le rail. Nos solutions combinant rail, route et mer offrent ainsi une chaîne logistique plus fluide et adaptée aux besoins de nos clients, en particulier pour les produits agricoles transformés. À titre d’exemple, depuis Bouaké, nous pouvons regrouper des volumes et les acheminer directement par train jusqu’au port d’Abidjan grâce à la Sitarail. Cela contribue à désengorger les routes, à réduire les délais et à améliorer la compétitivité des filières.

Pour que cette décentralisation tienne toutes ses promesses, il est cependant indispensable que les services administratifs et douaniers, accompagnent comme ils le font déjà ce mouvement. Leur présence dans ces zones logistiques est la condition pour rapprocher les services des usagers et optimiser l’ensemble de la chaîne logistique au bénéfice de l’économie ivoirienne.

Quelles sont vos priorités et projets pour les prochaines années en Côte d’Ivoire ?

D’abord, renforcer la performance de nos plateformes portuaires afin d’absorber la croissance des volumes et de confirmer la position d’Abidjan comme hub logistique et de transbordement de référence en Afrique de l’Ouest. L’ambition est claire : faire du corridor ivoirien la voie naturelle d’approvisionnement des pays sans littoral de l’Afrique de l’Ouest.

Ensuite, innover en proposant des solutions logistiques à forte valeur ajoutée, adaptées aux besoins spécifiques de nos clients et singulièrement pour les industries de transformation (cacao, anacarde, Karité), les solutions logistiques innovantes pour répondre au défi agricole et pastoral des denrées périssables, ou encore des services spécialisés pour les industries extractives.

Nous développons également des entrepôts spécialisés et des plateformes logistiques à l’intérieur du pays, afin de mieux répartir les flux agricoles vers les marchés locaux et régionaux. Cette approche contribue au renforcement de la souveraineté alimentaire et s’accompagne d’une réflexion sur le cabotage régional, en ligne avec la dynamique d’intégration portée par la ZLECAF.

Enfin, le succès de cette stratégie repose sur le développement des compétences. Nous investissons dans la formation continue, le transfert de savoir-faire et l’ouverture à de nouveaux métiers liés aux innovations technologiques. Car ce sont les femmes et les hommes d’AGL qui, par leur expertise et leur engagement, donneront corps à cette ambition et accompagneront la transformation économique durable de la Côte d’Ivoire et de la sous-région.

 

 

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