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Société Publié le dimanche 5 octobre 2025 | BBC

« Gagner de l'argent, c'est bien, mais le gérer, c'est tout un art »

« Gagner de l'argent, c'est bien, mais le gérer, c'est tout un art »
© BBC
« Gagner de l'argent, c'est bien, mais le gérer, c'est tout un art »
Lauréate de la Mastercard Foundation, jeune entrepreneure et dynamique, la coach sénégalaise Mariama Ndiaye s’est donnée comme vocation : transmettre une « éducation financière » aux femmes et aux jeunes.

Dans de nombreuses familles en Afrique de l'Ouest, parler d'argent reste un sujet sensible, presque interdit. Mais pour Mariama Ndiaye, connue comme The Money Coach et fondatrice du cabinet Up Tribe, c'est tout l'inverse : l'argent doit être discuté, compris et maîtrisé.

« L'argent est une source de liberté. Il donne le choix, il permet d'explorer, d'apprendre et de réaliser beaucoup de choses.»

Comptable de formation, éducatrice financière certifiée, Mariama Ndiaye a fait de l'éducation financière une vocation.

« Il est indispensable d'avoir au moins deux, voire trois sources de revenus. L'éducation financière est devenue une nécessité dans le monde économique actuel. Et il est encore plus pertinent de l'enseigner dès le bas âge. »

« Pour moi, gagner de l'argent, c'est bien, mais le gérer, c'est tout un art.»

Briser le tabou autour de l'argent

« Malheureusement, dans nos sociétés, l'argent reste un tabou : on n'en parle pas, alors qu'on l'aime naturellement. »

Un constat qui n'est pas propre à l'Afrique.

En Europe, par exemple, les discussions sur les salaires restent encore taboues dans de nombreux foyers, et ce manque de transparence accentue les inégalités, notamment de genre.

Aux États-Unis, 60 % des femmes déclarent ne pas se sentir préparées pour la retraite, faute d'éducation financière dès le bas âge.

En Asie, au Japon en particulier, de nombreuses familles délèguent la gestion du budget à la « kakeibo », un carnet de comptes tenu par les femmes, preuve que la discipline financière est une culture, mais encore trop centrée sur le foyer et pas assez sur l'investissement.

L'argent, omniprésent dans la vie quotidienne, demeure pourtant l'un des thèmes les plus difficiles à aborder.

Plusieurs facteurs expliquent ce silence : la peur de la comparaison sociale, l'idée profondément ancrée que les finances relèvent de la sphère privée, mais aussi un manque d'éducation financière qui freine la confiance dans le dialogue.

Selon les experts, cette réserve est renforcée par des héritages culturels et religieux. Le christianisme primitif valorisait la pauvreté, le bouddhisme considère le désir de richesse comme source de souffrance, et l'islam encadre strictement les transactions financières.

Ces traditions contribuent encore à façonner les perceptions contemporaines.

Les écarts générationnels jouent également un rôle. Les plus âgés, marqués par la culture de la discrétion et par l'expérience des crises, restent réticents.

Les jeunes, habitués à la transparence numérique et aux échanges sur les réseaux sociaux, osent davantage parler d'argent, même si cette exposition accroît parfois la pression sociale et le sentiment d'insécurité financière.

Pour les spécialistes, la clé réside dans l'éducation et dans la normalisation des conversations autour de l'argent, dès l'enfance et dans les lieux de travail.

Dans un contexte d'inflation et d'inégalités croissantes, briser le tabou devient un enjeu social et collectif.

L'éducation financière, une nécessité dès le bas âge

Pour la coach, l'éducation financière ne doit pas attendre l'âge adulte ou le premier salaire.

« Les jeunes, à ce stade de leur vie, se posent beaucoup de questions. Ils doivent acquérir non seulement les notions de base en gestion financière, mais aussi les compétences qui leur permettront de réussir leur vie professionnelle et personnelle. »

« Introduire des concepts tels que l'argent de poche et l'épargne auprès des enfants est un moyen pratique de commencer l'éducation financière dès le plus jeune âge. En enseignant aux enfants ce qu'est l'argent, ils découvrent sa valeur et l'importance d'épargner pour l'avenir. Cette approche jette les bases d'une conscience et d'une responsabilité financières qui leur seront utiles plus tard dans la vie. »

« En initiant les jeunes aux concepts financiers dès l'enfance, on les prépare mieux aux défis et aux opportunités qu'ils rencontreront dans leur vie d'adulte. »

Un conseil simple qu'elle répète souvent aux étudiants et aux jeunes actifs : apprendre à distinguer le nécessaire du superflu. « Comment épargner quand on est jeune ? Tout simplement en faisant une bonne distinction entre ce qui est nécessaire, et ce, dont on a envie. Malheureusement, avec la pression sociale et l'éducation que nous recevons, ce n'est pas facile de faire cette distinction. »

En Afrique, cette pression est souvent liée au poids de la famille et du paraître social. Dans les pays occidentaux, elle peut se traduire par la consommation de crédit facile dès l'université. Les jeunes sont ainsi pris dans un système bancaire qui encourage l'endettement rapide.

En Asie, en revanche, des pays comme Singapour ou la Corée du Sud intègrent déjà des modules de gestion financière dans les programmes scolaires, avec des résultats visibles : des taux d'épargne plus élevés et une meilleure préparation aux imprévus.

Pour coach Mariama, cette discipline n'est pas qu'une affaire de calculs.

« La richesse pour moi, c'est le fruit du développement personnel. Pour pouvoir distinguer ses besoins de ses envies, il faut d'abord apprendre à se connaître. Identifier ses besoins de base pour survivre et définir ses ambitions sur le long terme. »

« La richesse pour moi, c'est le fruit du développement personnel. Pour distinguer ses besoins de ses envies, il faut d'abord apprendre à se connaître. Identifier ses besoins de base pour survivre, puis définir ses ambitions sur le long terme. »

Bonnes pratiques et erreurs fréquentes

Mariama Ndiaye illustre ses conseils par des exemples de la vie quotidienne. « Je taquine souvent les personnes qui vivent aux Almadies à Dakar. Bien sûr, nous avons tous besoin de manger chaque jour. Mais, doit-on nécessairement aller tous les jours dans un restaurant huppé où l'addition tourne autour de 15.000 à 20.000 francs CFA, alors que notre salaire est de 150.000 ou 200.000 francs CFA ? »

Elle insiste : « L'idée n'est pas de se priver de plaisir, mais d'être patient et discipliné : cuisiner chez soi, adapter son train de vie à ses revenus, puis, quand la situation s'améliore, se permettre plus de confort. »

Sur la question de l'endettement, son approche est claire. « Je dis qu'il y a le bon endettement et le mauvais endettement. Mais avant même de parler de ça, il faut d'abord se demander : ai-je vraiment besoin de m'endetter ? Si vos besoins de base sont assurés, inutile de contracter une dette. En revanche, si vous souhaitez investir et qu'il vous manque une partie du capital, là, on parle de bon endettement : vous empruntez pour acquérir un actif qui générera de la valeur sur le long terme. »

Même face aux banques, la coach recommande de garder l'initiative. « D'habitude, les gens croient qu'ils doivent accepter tout ce que leur conseiller bancaire leur propose. Pas forcément. Il faut poser les bonnes questions, préparer la discussion : savoir combien on veut emprunter, combien on peut rembourser chaque mois. Avec ces informations, on peut mieux négocier les conditions. »

Être maître de son argent, et non l'inverse

Pour Mariama Ndiaye, la véritable liberté financière ne réside pas dans le montant du salaire, mais dans la capacité à le gérer intelligemment.

« Est-ce qu'un gros salaire peut garantir une bonne stabilité financière ? Non. Imaginez un salaire de 5 ou 6 millions de francs CFA. Normalement, la moitié devrait être dédiée à l'investissement. Mais très souvent, dès qu'une personne reçoit une augmentation, elle change d'appartement, achète une voiture plus chère, améliore son train de vie… »

Cette réalité traverse toutes les régions du monde. En Europe, de nombreux cadres tombent dans le piège du « lifestyle inflation » : plus de revenus, plus de dépenses.

Aux États-Unis, des stars de la NBA et de la musique ont fait faillite malgré des millions gagnés. En Afrique, des fonctionnaires bien rémunérés s'endettent pour maintenir une image sociale.

En Asie, la Chine connaît une explosion des crédits à la consommation chez les jeunes urbains.

Mme Ndiaye résume avec lucidité : « Ce n'est pas pour dire du mal, c'est normal d'aspirer au bien-être. Mais il faut le faire étape par étape. Sinon, un gros salaire peut devenir une source de stress, et l'argent finit par devenir votre maître. Alors que c'est vous qui devez rester maître de votre argent. »

Le parcours de Mariama Ndiaye, éducatrice financière sénégalaise

Lauréate de la Mastercard Foundation, jeune entrepreneure et dynamique, Mariama Ndiaye s'est donnée comme vocation : transmettre une « éducation financière » aux personnes.

Financière de formation et pionnière dans ce domaine, elle coache et offre des formations personnalisées et en groupe avec des agences de la place.

Mariama produit des contenus éducatifs pour aider et sensibiliser ces followers sur les bonnes pratiques de gestion financière.

Reconnue pour son expertise et son engagement, elle a dédié sa carrière à l'autonomisation financière des femmes, des entrepreneurs du secteur informel, et des communautés défavorisées.

En fondant The UpTribe en 2020, celle qui est plus connue sous le sobriquet de "The Money Coach" a introduit des programmes novateurs visant à démocratiser l'accès à la connaissance financière et à renforcer les capacités économiques des femmes, contribuant ainsi à leur émancipation dans un monde en constante évolution.

En tant que pionnière dans le domaine de l'éducation financière, Mariama Ndiaye porte une vision claire : celle d'un monde où chaque femme a les moyens de prendre en main son destin financier.

Par son approche innovante, elle a su positionner le coaching financier comme un levier essentiel de transformation sociale, contribuant ainsi à l'émergence d'une nouvelle génération de femmes leaders.

Avec son franc-parler, ses exemples du quotidien et son ambition, Mariama Ndiaye incarne une voix nouvelle pour l'éducation financière des femmes africaines. Mais son message résonne bien au-delà du continent : que l'on vive à Dakar, Paris, New York ou Tokyo, apprendre à gérer son argent, c'est apprendre à se libérer.


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