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Société Publié le mardi 31 octobre 2017 | L’intelligent d’Abidjan

Chronique littéraire « Pour le bonheur des miens » de l’écrivain Macaire Etty : Parents pauvres avenir incertain ?

Macaire Etty est l’actuel président de l’association des écrivains de Côte d’Ivoire : (AECI). Il demeure un acteur très dévoué dans la promotion de la littérature. Macaire a une bibliographie de 5 livres. Son dernier roman intitulé « pour le bonheur des miens » est publié chez Vallesse a 140 pages. L’auteur a été pendant longtemps enseignant avant d’être muté comme chargé d’études à la direction de la vie scolaire du ministère de l’éducation nationale. Son expérience lui permet de présenter dans ce livre une thématique si bien écrite sur les réalités de l’environnement scolaire. Macaire a réussi à provoquer tant d’émotion en le lisant et quand une œuvre a cet effet chez le lecteur, on peut dire sans ambages : j’aimé le livre. L’auteur pose des problématiques existentielles très importantes : la réalisation sociale des personnes issues des couches les plus défavorisées dans un environnement ultra et supra capitaliste. Il invite à réfléchir sur l’idéal de réussite scolaire et professionnelle des personnes de manière générale mais plus particulièrement les filles de familles modestes dans une société phallocrate et vénale. Dans de pareilles situations, l’intelligence est-elle la seule garantie de réussite ? L’exigence de la satisfaction de besoin de subsistance ne corrompt-elle pas les valeurs ? L’auteur nous présente l’histoire de Toto Ama Fleury, une adolescente de 19 ans en classe de terminale dont le père est un vigile à l’hôpital général de la localité et sa mère une ménagère qui s’improvise « blanchisseuse ». Ils vivent dans un bidonville et les insignifiantes ressources les emprisonnent dans une existence broyée par des ronces d’épreuves. Très studieuse, elle tombe amoureuse de son professeur de philosophie Monsieur Khigaly, avec qui elle a une brève aventure et soufre de déception amoureuse. C’est dans cette plaie sentimentale mal cicatrisée que les microbes s’inviteront pour la gangrener. Son frère Koula, handicapé qui se déplace grâce à un fauteuil roulant offert par une ONG suite à un accident de la route, est accusé de trafic de drogue puis incarcéré. Ses parents avouent leur impuissance devant l’urgence de le faire sortir de prison. C’est ainsi que Fleury accepte les propositions indécentes du juge Bautrot qui s’occupe du dossier en contrepartie de son corps. Son frère est par la suite libéré et c’est un soulagement balsamique pour sa famille. En dépit de plusieurs épreuves, elle obtient son BAC et est orientée dans la capitale du pays en philosophie. Son père est illégalement forcé à aller à la retraite et avoue à sa fille son incapacité à faire face aux charges de ses besoins pour pouvoir poursuivre ses études. Mais pour la soutenir moralement il lui dit : « Tu sais ma fille, tu n’as point besoin d’être riche pour être heureuse. Quel que soit le métier que tu exerceras un jour, l’essentiel est qu’il te permette de vivre décemment. Quant à nous, depuis l’enfance nous sommes habitués à vivre de peu. Alors, il est inutile de te mortifier pour nous. » : page 72. Le même juge Bautrot, homme marié, lui fait encore une proposition indécente d’être son amante pour une contrepartie financière qui lui sera utile pour soutenir sa famille démunie et pour les charges de ses études. Fleury, une fille très brillante en philosophie qui a cette qualité du raisonnement, réfléchit longuement sur le choix qu’elle doit faire entre les valeurs et le matériel. L’auteur présente ainsi les antagonismes des notions de « l’être et de l’avoir » développé par les philosophes existentialistes, surtout de Gabriel Marcel. L’idéal serait pour Fleury, de ne souiller son âme mais la réalité est qu’elle a besoin de ressources pour aider ses parents et continuer ses études. Elle n’a aucun appui d’un membre de sa famille, aucun appui d’une autre personne. Elle dit à la page 70 : « Cette fois-ci, je bouchai les oreilles aux supplications de mon cœur pour écouter l’ordre de ma raison qui penchait pour le réalisme et le pragmatisme ». Elle ne peut que compter sur elle-même. Elle finit par accepter la proposition du juge Bautrot qui la fait espionner à son insu par sa meilleure amie de la cité universitaire où elle est logée : son nom est Olivia. Fleury crée la fascination de tous les professeurs même les plus laids et pouilleux. Elle rencontre un jeune métis pour qui elle a un coup de foudre du nom de Da Costa. C’est le cousin d’Olivia. Elle est contrainte de l’éloigner d’elle à cause de son amant Bautrot très jaloux. Le juge fait assassiner le jeune homme et Fleury découvre par la suite l’identité de son espion qui est sa meilleure amie Olivia. Une grève universitaire provoque une répression très violente des forces de l’ordre qui violent certaines filles dont Fleury. Elle est par la suite infectée du VIH SIDA. Le juge Bautrot l’abandonne. Heureusement que son ex professeur de philosophie vient la soutenir dans cette épreuve, l’aime malgré sa maladie et décide de construire une relation solide avec elle.
Fleury a eu une vie sentimentale tourmentée. Avec une première expérience qui fut un échec et l’une des conséquences de son dévergondage. Ses autres relations ont été des choix contre son gré pour pouvoir vivre, exister, faire vivre sa famille et garantir leur existence. Une multitude de filles se reconnaissent ou se reconnaîtront dans l’histoire de Fleury. Dans les pays tropicaux où les gouvernants et dirigeants politiques dans leur coutumière autosatisfaction applaudissent et fanfaronnent sur les chiffres de croissance économiques, l’histoire de Fleury est l’une des preuves de l’échec révoltant de leur politique de développement. Les moralistes pourront jeter toutes formes de pierre à Fleury et aux filles qui comme elle, ont traversées ce chemin de croix. Mais quand on n’a pas vécu des épreuves ou situation pareilles, on ne peut qu’être en carence d’humanité, de compassion et de tolérance. La narration de l’histoire de Fleury est certainement plus édulcorée par rapport à la réalité de cette avalanche de filles issues de familles pauvres dans notre pays où sous d’autres cieux.
J’ai souri lorsque j’ai lu à la page 39 cette phrase de Macaire Etty : « Oui, une fois encore, un homme a fait pleurer une femme ». L’auteur donne raison aux mouvements féministes qui se battent pour l’égalité des genres dans la société. Surtout, la condition de la femme fait la satire d’une société hyper phallocrate. Il indexe des hommes qui ne sont que des prédateurs sexuels. La charité, l’aide inconditionnelle sont presqu’inexistantes chez ce genre. Ils ne pensent qu’à profiter de la faiblesse de la situation sociale de pauvres de filles, élèves, étudiantes pour en abuser, leur faire du chantage… Ces vices déplorables donnent raison aux femmes, qui avec force et énergie, font des hommes, l’objet de leur diabolisation. Cette diabolisation et ce manque d’humanité se justifient dans ce combat féminin surtout quand elles sont violées et infectées par le virus du VIH SIDA comme Fleury. Dans le récit de l’auteur, il précise que fleury et plusieurs étudiantes ont été victimes de viol par les forces de l’ordre pour réprimer des revendications d’étudiants. J’ai bien aimé ce passage dans le livre de l’auteur qui peint la bestialité des hommes et la méchanceté voire l’inhumanité de nos gouvernants. Ils n’améliorent pas le système éducatif et scolaire, envoient leurs enfants étudier à l’étranger, alourdissent les frais de scolarité qui deviennent insupportables pour les pauvres et quand il y a des revendications justes des étudiants pour dénoncer toutes ces injustices et défectuosités, ils sont poursuivis, battus, emprisonnés, les étudiantes violées… c’est vrai que ce livre a été publié en 2015, mais ce passage est un fait réel vécu injustement par les étudiants de notre pays il y a quelques mois.
L’écrivain sera-t-il écouté ? l’écrivain sera-t-il compris ? Si le contexte social favorise plus dans la pratique comme dans la théorie l’indécence, la vie de facilité au détriment des messages forts des artistes qui montrent le reflet de notre société et l’intérêt de la culture des valeurs ? L’écrivain est-il écouté ? L’écrivain est -il compris ? Lorsque la société qui a de la prédilection pour les flatteries refuse de voir son image et d’apprécier ses laideurs morales dans le miroir que lui présente l’écrivain à travers ses œuvres ?

Yahn Aka
Ecrivain-Editeur-Promoteur culturel
yahn@yahnaka.com
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