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Économie Publié le mardi 17 février 2009 | Nord-Sud

Bouaké - Zone industrielle : ça ne va pas

La zone industrielle de Bouaké vit au rouge. Les entreprises ont besoin d'une cure de jouvence.

«On ne sort pas d'une guerre comme on sort d'un diner de gala». Cette pensée de Laurent Gbagbo résume la pénible situation que vit la zone industrielle de Bouaké. Avec les effets pervers de la crise, la plateforme industrielle beigne dans une certaine léthargie, occasionnant la fermeture d'unités entières. Au nombre des usines mortes, Trituraf. En mai 2007, elle a fait faillite. Seul le panneau indiquant l'entrée du domaine rappelle la présence de l'entreprise. Les gigantesques entrepôts de transit pour les marchandises sont désormais utilisés par des égraineurs pour le stockage du coton. Avec elle, le groupe Colas. A ces entreprises ayant disparu du tissu économique de la capitale du Centre, s'ajoutent Ivograin, Solibra (en tant que producteur de boisson) et Socida. Les installations, envahies par la broussaille, tombent en ruine au fil du temps. C'est la période de la campagne cotonnière, le baromètre du dynamisme économique de la région. Pourtant, en ce mois de février, l'ambiance est morose aux abords de l'usine d'égrainage de coton.


Dur, dur

Pas de ballet de camions de ramassage. Quelques charrettes font des va-et-vient. « Avant la crise, pendant la campagne de coton, il y avait peu d'espace pour stationner. La file d'attente des camions remorques allait jusqu'au bord du stade de la ville, à environ 2 km d'ici. Malgré cette pléthore de camions, la fréquence des chargements en balles était rapide car il y avait d'énorme quantités de coton», fait remarquer K. Arouna, un chauffeur nostalgique des années de vaches grasses. Les prévisions de récolte se sont en effet effondrées. De 120.000 tonnes avant le conflit, la production est tombée au terme de la campagne 2007-2008 à 28.000 tonnes et les prévisions pour la traite en cours, annoncent 24.000 tonnes. Non loin de là, se trouve une société de fabrication de cigarettes. L'activité a certes repris, mais elle éprouve beaucoup de mal à atteindre sa vitesse de croisière. Pendant plus d'une heure, aucun camion n'a fait son entrée dans l'usine. Un fait inhabituel. A partir des grilles du portail principal, l'on se rend compte du manque d'effervescence à l'intérieur. «J'épuisais un sac de 50 kg de riz sur seulement deux jours. En ce moment, je vends à peine 8kg de riz au cours de la même période. La baisse de la clientèle m'a contrainte à me reconvertir en vendeuse d'attiéké», fait remarquer une tenancière de restaurant exerçant à proximité de l'usine. Coulibaly Zambé Etiorna, délégué syndical du personnel, souligne qu'au plus fort de la crise, plus de 4.000 paysans ont été contraints de raccrocher. Sur le même alignement, en face du domaine exploité, se trouvent la Saga Côte d' Ivoire et la Sibm (Société ivoirienne de béton manufacturé). Contrairement aux premières sociétés citées, ici, c'est le silence. Les imposantes machines chargées de confectionner les accessoires en béton, baignent dans un calme de cimetière. Bornes, buses, béton de rail et autres produits finis en dur, occupent tout l'espace d'exposition. Depuis la réouverture des ateliers, en février 2007, les commandes se font au compte gouttes. «On passe souvent quatre mois sans produire », déplore Kanaté Sindou, chef d'usine. Plus loin, en bordure du boulevard qui mène à l'aéroport, la Texicodi, une des trois composantes des Etablissements Robert Gonfreville (Erg). L'usine d'impression est quasiment déserte. Seuls quelques véhicules garés dans l'espace de stationnement indiquent la présence humaine. Anciennement appelée Ivtex, la partie impression de Erg, a renforcé pourtant ses capacités de production par le mariage, sur son site, avec la partie impression de l'Utexci de Dimbokro. Evalué à plus de 350 en 2002, l'effectif des ouvriers est passé à une centaine, selon Koné Adama, directeur d'usine. Malgré la fusion et les mesures sociales sévères, « l'usine ne marche plus en plein temps. Elle tourne difficilement depuis la reprise. On vivote pour ne pas fermer. On a affronté toutes sortes de difficultés liées au contexte de crise ». En lieu et place du système de 3x8 durant cinq jours avant la crise, poursuit-il, qui fonctionnait 24 h/24, la société d'impression ne marche actuellement qu'avec une seule équipe. Dans la semaine, elle ne travaille que 3 jours. La production est stagnante et les écoulements se font de plus en plus difficilement. Le foisonnement des pagnes, issus de la contrefaçon sur le marché local, est en grande partie responsable de la situation désastreuse que vit la Texicodi. A cela, il faut ajouter les difficultés éprouvées pour l'approvisionnement en tissu écru par la Filature tissage de gonfreville (Ftg), une société voisine. Bien qu'autonome, la Ftg a subie de plein fouet l'onde de choc qui a entrainé la Texicodi dans la récession. Le chiffre d'affaires est en chute libre : de 1 milliard FCFA en 2002, l'on est passé à 50 millions FCFA par mois. Mais ce qui est redouté, c'est la période de l'inter-campagne où le coton se fait rare sur le marché. «Dans deux mois, la situation sera encore à notre désavantage. Car, nous n'avons pas de fonds pour faire des stocks prévisionnels. Pour assurer notre autonomie, il faut 3.000 tonnes de coton par an. Mais l'état de notre trésorerie ne permet pas de faire le plein», s'inquiète-t-il.


La reprise possible

La relance nécessite environ 5 milliards de FCFA. Quant à l'Imprimerie des industries spécialisée dans l'approvisionnement des sociétés de transport, des établissements scolaires et sanitaires, les industries des alentours, en fournitures de bureaux : facture, carnet, fiche, reçu et autres supports imprimés, elle végète. Selon N'Goran Koffi, machiniste, la clientèle de la zone industrielle s'est fortement rétrécie. De fait il scrute vers d'autres fournisseurs.

Dans cette récession généralisée caractérisée par des licenciements, certaines entreprises tentent de sortir la tête de l'eau. A Fibako, une des unités industrielles du groupe Ips, les travailleurs ont été relocalisés à Filtisac, une unité sœur qui a vu ses capacités de production renforcées. « Cette stratégie a permis de contenir la menace. Plus de 250 travailleurs de la Fibako travaillent à Filtisac », se réjouit Koffi Jean, délégué du personnel. La croissance de la production de Fibako est liée à l'évolution du processus de paix. Après la reprise des activités de Fibako à Bouaké en 2006, la partie du site occupée par Ivoirembal, se met en marche à son tour. Mais c'est après la célébration de la flamme de la paix à Bouaké que l'entreprise de fabrication d'emballages en polypropylène, de cordes, de sacs d'engrais, de farine et de bâche pour le coton va amorcer sa remontée vers la surface. Et ce en dépit de la rude concurrence livrée par la sacherie de la contrebande qui pullule sur le marché local. Pas à pas, le distributeur agrée de la Solibra, sis à l'entrée de la zone industrielle, renoue aussi avec l'activité. Il commence à faire des bons comptes. Certes le chiffre d'affaires a chuté de 60%, les dépôts de Korhogo, de Ferké, de Sakassou, de Béoumi et de Katiola étant toujours fermés. Mais, si l'on en croit Kouassi Séraphin, responsable du service administratif, il y a une nette évolution comparativement à 2003, l'année du retour dans la zone après le déclenchement de la crise en 2002. Et depuis, ça bouge. En 2008, les affaires ont progressé de 13 % par rapport à l'année d'avant. La moitié de la production en 2002, vient d'être atteinte. 400.000 casiers ont été écoulés et probablement un peu plus cette année. Ce retour des indicateurs au vert s'accompagne, poursuit-il, de la réintégration progressive des employés mis à au chômage pour des raisons inhérentes à la crise.

Marcel Konan, Correspondant régional
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