x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le vendredi 6 juillet 2012 | L’intelligent d’Abidjan

Cherté de la vie / Berthé Onagna, expert en politiques agricoles : ‘‘Le plan gouvernemental coince aujourd’hui parce que les actions économiques ne sont à effet immédiat’’

Diplômé du Cesag de Dakar et expert en management et gestion des politiques économiques, Berthé Onagna, est l’actuel directeur général de l’Institut national de formation professionnelle agricole (INFPA). Dans cet entretien, il livre son regard de spécialiste sur la politique gouvernementale contre la cherté de la vie.

Vous êtes investi pour le compte de l’Etat en votre qualité de directeur de l’Infpa. Après dix ans de crise, comment se porte cette école?

D’emblée, il faut avouer que l’Infpa qui est un établissement public à caractère administratif, est méconnu du grand public. Moi-même, je l’ai connu véritablement qu’à la faveur de mon entrée au ministère de l’Agriculture suite à une formation en gestion de politique économique dans le cadre du programme GBE sur financement de la Banque mondiale. Avant de répondre à votre question, il faut souligner, que la mission de l’Infpa se décline en deux points : il s’agit de former les acteurs du vaste secteur agricole qui ne se réduit pas exclusivement à l’agriculture. Ce secteur touche la production végétale et animale, notamment la pêche et l’élevage ainsi que la foresterie. En second lieu, il s’agit d’encadrer les acteurs du monde paysan pour mieux exécuter leurs projets agricoles. Pour ce qui est de la santé de l’Infpa, elle n’est pas tout à fait meilleure. Mais, elle s’est nettement améliorée depuis la mise en œuvre des réformes du Président de la République dans le secteur de l’agriculture.

Quel rôle peut-jouer votre école dans l’atteinte des objectifs de relance économique à travers le secteur agricole ?

Nous sommes appelés à jouer un rôle de premier plan. Il faut savoir que par le passé, la qualité de l’encadrement des pensionnaires de nos écoles a permis à la Côte d’ivoire d’enregistrer des performances remarquables dans le secteur agricole. C’est pourquoi j’estime que les objectifs assignés à l’Infpa de sa création à ce jour, ont été partiellement atteints. Je le dis parce qu’au niveau de la professionnalisation, de grands efforts restent encore à faire. Ce qui nous réjouit à ce niveau, c’est le fait d’enregistrer un nouveau type d’exploitants agricoles. D’une exploitation de type familiale, nous enregistrons aujourd’hui l’exploitation agricole par de hauts cadres. Nous nous retrouvons donc avec des acteurs beaucoup plus aguerris et instruits en matière de maîtrise des cours de spéculations agricoles sur le marché international. Je pense qu’avec la nouvelle politique de réforme, particulièrement dans le secteur Café-cacao, nous nous attendons à des agriculteurs reconstitués en organisations véritablement professionnelles. Nous revendiquons donc un rôle de premier plan. Aujourd’hui, des compétences nouvelles sont exigées dans le secteur agricole et il faut les intégrer. Il faut aujourd’hui des exploitants capables de maîtriser les cours mondiaux, les spéculations des productions agricoles pour titrer meilleur profit et nous avons un plan à cet effet. Ce plan qui participe de la politique gouvernementale de redécollage du secteur agricole doit nous amener à faire en sorte que tous les exploitants agricoles aient des compétences tant culturales, marketing que managériales fortes.

Un plan ‘’Onagna’’ somme toute ambitieux …

Il ne s’agit pas d’un plan Onagna mais d’un plan Ouattara pour le monde agricole. En outre ce plan, même s’il peut paraître ambitieux, il n’est tout de même pas surréaliste. Nous disposons aujourd’hui d’un vivier très riche de jeunes diplômés. Quand nous lançons les concours d’entrée dans nos écoles prévues pour accueillir des jeunes Ivoiriens de niveau Bepc et Bac, nous recevons un fort taux de candidats titulaires de Licence, de Maîtrise et même de DEA. C’est dire que du point de vue du niveau de formation, nous n’avons pas de difficultés à mobiliser des jeunes qui vont suivre une formation dans le sens de notre nouvelle vision : à savoir former des exploitants agricoles capables de produire sur toutes les spéculations dont la Côte d’Ivoire tire le maximum de profits pour son développement économique post-crise. Hier, notre mission était de mettre à la disposition du monde paysan des encadreurs, des techniciens polyvalents et l’accent n’était pas mis sur la production. Nos pensionnaires étaient à la limite des faiseurs de riches. Mais aujourd’hui, eux-mêmes doivent être riches et permettre à leur pays de l’être également. Nous ne formons donc plus seulement pour l’Etat, étant donné que la tendance actuelle est la formation des exploitants agricoles privés. Ce qui revient à dire que l’Etat n’est plus systématiquement l’employeur, que le pensionnaire de l’Infpa n’est plus orienté de facto vers la Fonction publique.

Ce qui fait dire à vos étudiants que l’Infpa est devenu une école de formation de chômeurs…
C’est l’une de nos difficultés actuellement. C’est un choix qui n’est toujours pas bien perçu. Mais c’est trop dire que d’affirmer que nous formons des chômeurs. C’est une phase de transition que nous gérons très bien. Il y a certes des places à la Fonction publique mais, il y a suffisamment plus de places dans le secteur privé. Lorsque nous faisons le bilan de l’insertion de nos étudiants, tous ceux qui sortaient de nos écoles, avaient la même année de l’emploi. Soit à la Fonction publique soit au privé. C’est ces dernières années, avec un engouement au niveau des fonctions des Eaux et forêts, qu’un fort taux d’étudiants y a été orienté et qui constitue un goulot d’étranglement. Sinon ceux qui sont en agriculture et en élevage sont tous en activité. En tout cas, moins de 5% à ce jour sont ceux qui n’ont pas eu d’emploi. Surtout au privé où il y’a beaucoup plus de places. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous avons un devoir d’adaptation au contexte nouveau qui est celui du passage à l’encadrement, l’accompagnement à celui de la formation d’exploitants agricoles. Cela est un de nos problèmes de fond. A côté, il y a le fait que le système de formation technique a toujours relevé du ministère de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle. Mais, avec la particularité et le poids du secteur agricole, la Formation agricole a toujours relevé du ministère de l’Agriculture. Mais, lorsque des investissements en matière de formation professionnelle doivent se faire, naturellement toutes les offres et opportunités sont orientées vers ce ministère. Cela constitue une difficulté pour nous dans la recherche de financement extérieur.

Les initiatives ne manquent pas dans votre secteur. Mais les résultats ne suivent pas. Les populations ont toujours du mal à se nourrir. Un plan aussi ambitieux soit-il, s’il n’arrive pas à agir sur le quotidien des populations, a-t-il un sens?

Notre action à l’Infpa pour le compte de l’Etat, donc du gouvernement actuel confronté à l’épineuse question de la cherté de la vie est centrée sur le renforcement des capacités intellectuelles de production, qui a directement une incidence sur les composantes de l’économie nationale. Imaginez-vous que nous ayons de plus en plus d’exploitants, qui, à partir des nouvelles techniques arrivent à améliorer le rendement, la performance de leurs productions, naturellement nous aurons des productions multipliées. Si nous renforçons la rentabilité des productions avec des superficies améliorées par la mécanisation, nous agirons sur la production et parviendrons à faire face aux besoins d’alimentation. Si la production est élevée, c’est toute l’économie qui en bénéficie. L’un des principes triviaux de l’économie, c’est que le prix est fonction de l’offre et de la demande. Quand vous n’avez pas une offre qui réponde à la demande, naturellement, il y aura un coût élevé des biens de consommation. Tout dépend donc de l’équilibre de l’offre et de la demande. C’est l’offre qui permet de baisser les prix. Si nous arrivons donc à produire suffisamment, les prix des produits vont baisser. Le coût de la vie va suivre. Si nous avons ce que nous voulons consommer à moindre coût, naturellement, le coût de la vie sera sans pression et supportable pour les populations.

Vous travaillez dans ce sens mais le constat est que rien ne bouge…

Il faut souligner que la question du coût élevé de la vie en Côte d’Ivoire ne date pas de 2012. Ce n’est pas un phénomène nouveau qui nous tombe sur la tête. Avant la crise postélectorale, il y a eu des manifestations de rue contre la cherté de la vie. Donc ce n’est pas nouveau. J’estime que les Ivoiriens sont quelque peu trop exigeants envers ce gouvernement qui travaille pour traiter cette question. Les actions économiques ne sont pas à l’image des médicaments où l’effet est attendu au bout de quelques heures, jours ou semaines. Les actions économiques ont une portée à longue durée. C’est en cela qu’il faut comprendre qu’il faut accorder un minimum de patience. Sinon trop pressé, nous risquons d’abandonner de bons projets qui peuvent agir sur la cherté de la vie sur les moyens et longs termes. Des actions très importantes sont menées pour réduire le coût de la vie. Le monde agricole comme celui du travail bouge. Cela veut dire que les populations produisent. Mais, il faut du temps pour voir les fruits. Prenez par exemple une spéculation agricole comme le riz. Si vous prenez le riz pluvial, dans une zone où il n’y a pas d’irrigation, il faudra attendre au moins un an pour avoir les premiers effets d’une politique de production. Si vous êtes dans une zone à deux saisons, il faudra attendre au moins 6 à 8 mois. Prenez d’autres spéculations où les résultats vont porter sur 2, 3, 4 ou 5, 6, 7 voire 8 ans et plus. Naturellement toutes les actions entreprises pour ces spéculations vont nécessiter des années pour voir et sentir les effets. Vous n’allez pas planter de l’hévéa et demander à le récolter dans 3 et 4 mois suivants comme les cultures maraîchères. Quelle que soit la contrainte sociale, il faudra attendre le temps de la maturité pour l’exploitation. Beaucoup d’actions sont menées. De mon point de vue, nous sommes sur la bonne voie. Avec la nouvelle politique gouvernementale qui met l’accent sur les résultats dans tous les EPN, d’ici 2013 voire 2014, nous aurons des résultats concrets et visibles sur le quotidien des Ivoiriens. Je suis très optimiste sur la question.

Quel appel pouvez-vous lancer pour rassurer les populations qui font face au coût élevé de la vie ?

Je voudrais dire que l’Infpa pour le compte de l’Etat est engagé dans un vaste chantier de réformes pour relever le niveau de nos formations et influer directement et de manière importante sur l’accroissement des productions agricoles. Il s’agit pour nous de reformuler le contenu de la formation par la redéfinition des référentiels Diplômes et de développer des partenariats avec les structures intervenant dans l’insertion des jeunes en vue de préparer l’aspect Insertion professionnelle. Nous ne voulons plus nous limiter à délivrer des diplômes mais à agir dans l’accompagnement, l’installation de ceux qui sortent de nos écoles. C’est pourquoi nous lançons un appel pressant au Gouvernement pour soutenir la promotion des métiers agricoles en vue de donner une occupation au fort taux de jeunes que nous avons sur le marché du travail. Aux partenaires, nous sollicitons leur appui pour mettre en place des dispositifs infrastructurels, de véritables entreprises viables où nos pensionnaires qui suivent nos cours et stages s’imprègnent de la rentabilité de l’activité pour laquelle ils sont ne formation. L’agriculture a de tout temps dans notre pays été considérée comme un non métier. Je voudrais convaincre que c’est un métier à part entière pour lequel on a besoin de vrais professionnels. Ce n’est plus un métier qu’on peut exercer à tout bout de bras. Il faut se former, il faut être à mesure de pouvoir vivre du choix de son métier. Par conséquent, la première des choses pour ceux qui veulent s’intéresser à l’activité agricole, il faut s’adresser à nos écoles pour avoir les compétences requises, pour avoir le savoir-faire nécessaire, réussir leur activité et gagner leur vie.
Réalisé par M Tié Traoré
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ