De l’étude commanditée par le ministère de la Communication, confiée à un groupe d’experts internationaux menés par Media Consulting Group, en liaison avec la Délégation de la Commission européenne en Côte d’Ivoire, un constat se dégage, qui invite à la prudence à observer et à ne pas se lancer dans la libéralisation totale en lançant l’appel d’offres. Au contraire, le Groupe préconise une libéralisation par étape, avec dans un premier temps, la création de deux chaînes privées gratuites. L’expérience à ne pas suivre des autres pays les conforte dans ce sens. L’étude insiste aussi sur la nécessité de prévoir un certain nombre de mesures d’accompagnement (renforcement des moyens de régulation et d’autorégulation ainsi que l’adoption de l’audiovisuel public au nouvel environnement concurrentiel), pour que la libéralisation envisagée réponde aux attentes exprimées par le public comme par les différents acteurs politiques ou économiques concernés : «accroître la diversité de l’offre télévisuelle, renforcer le débat public en créant de nouveaux espaces de citoyenneté, créer les conditions du développement d’une industrie nationale des programmes». Une raison majeure parmi d’autres explique cela : La contrainte économique. Comme dit le rapport, les nouvelles chaînes seront financées par la publicité. Or les ressources en ce domaine sont limitées. Conséquence : «Compte tenu de la réalité du marché publicitaire, le nombre d’opérateurs privés pouvant cohabiter dans l’exploitation du paysage audiovisuel ivoirien est nécessairement limité». C’est fort de cela, en prenant en compte les contraintes économiques et techniques, que le Groupe a fait le choix «d’options raisonnables». Ce qu’il propose, c’est la mise en place, dans la région d’Abidjan, dans un premier temps, d’un premier multiplex de 4 chaînes numériques comprenant : la reprise des deux chaînes publiques existantes, et deux nouvelles chaînes à créer. Et surtout un test minimum avant que l’ouverture soit engagée sur l’étendue du territoire : «Sur le plan technique, cette option, explique l’étude, permet d’amorcer le déploiement du numérique hertzien- composante de la télévision du 21ème siècle-, tout en prenant la mesure des problèmes qui se poseront lors des différentes étapes». Vision optimiste, sur le plan économique, elle avance même, au niveau de la télévision ivoirienne, l’hypothèse d’un doublement des recettes publicitaires en cinq ans environ. Car, pour elle, «à peu près partout, l’ouverture du paysage audiovisuel à des opérateurs privés a entraîné une augmentation de l’audience globale de la télévision, un accroissement du nombre et de la durée des espaces publicitaires, et la prise de conscience par les annonceurs de l’avantage comparatif de la télévision par rapport aux autres médias pour ce qui est de l’efficacité de la publicité». Mais, ce même rapport indique que le «développement attendu du marché publicitaire de la télévision ne peut cependant assurer la rentabilité de chacune des nouvelles chaînes, prise isolément, que si leur modèle économique est en phase avec le marché». Aussi l’étude propose-t-elle, qu’une au moins des deux chaînes, soit une «chaîne généraliste familiale», qui est le format, précise-t-elle, «le plus adapté à l’attente du public et à celle des grands annonceurs» ; l’autre pourrait correspondre «à un positionnement différent, en proposant une programmation de complément, avec un budget plus réduit représentant une alternative pour les annonceurs petits et moyens». Question : Comment seront-elles lancées, ces deux chaînes ? Il appartiendra, précise encore l’étude, à la Commission chargée de l’examen des candidatures, de décider, en fonction des dossiers reçus. Pour prévenir des risques de dérives qui accompagnent parfois la création de chaînes de télévision dans un contexte économique tendu, le Groupe indique qu’il faut que «l’appel d’offres décrive très précisément les obligations que les futurs opérateurs auront à respecter aussi bien en matière d’information ou de gestion des espaces publicitaires, qu’en matière de programmes (diffusion de programmes ivoiriens et africains, soutien à la production nationale)». Mieux, compte tenu des enjeux culturels, économiques et politiques de la création des nouvelles chaînes, les experts recommandent que l’appel d’offres soit élaboré par une Commission, composée de personnalités choisies pour leur expérience et leur connaissance du secteur de la communication audiovisuelle, à l’issue d’une large consultation. Il faut toutefois noter que cette première phase n’est pas définitive. D’autres étapes, indique-t-on, seront à prévoir pour envisager la création éventuelle de chaînes supplémentaires ou pour aménager, si nécessaire, les obligations des diffuseurs. Mais il faudra attendre encore, car «entre le moment où le gouvernement aura pris la décision de créer des chaînes privées, et celui où elles seront en mesure de commencer à émettre, une période de dix-huit mois est à prévoir». En attendant, le ministre de la Communication avait promis de mettre en place un observatoire de l’audiovisuel, «pour utiliser toutes les énergies thésaurisées». Ce sera, précisait-il, «un point élevé de vision sur notre paysage audiovisuel» qui se matérialisera en «deux versants au moins. L’un qui s’intéressera au quotidien à la question du numérique dans l’audiovisuel ; quand l’autre versant suivra de façon non moins précise les aspects socio-économiques des médias audiovisuels».
Michel Koffi
Michel Koffi