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Société Publié le mardi 6 janvier 2009 | Le Patriote

Hadj 2008. El Hadj Lance Touré (acteur comédien et Conseiller Pédagogique): "Nous avons vécu la galère, c’est ça aussi le hadj"

Près de 1500 pèlerins ont été bloqués en Arabie Saoudite par manque d’avion. Ils ont vécu une galère sans précédent. L’acteur comédien El Hadj Lance Touré nous livre son témoignage.

Le Patriote : Dans quel état d’esprit avez-vous regagné la Côte d’Ivoire après le hadj ?

El Hadj Lance Touré : Je suis très heureux d’avoir accompli l’un des cinq piliers de l’islam. Et je rends gloire à Allah pour cette grâce qu’il m’a offerte. Nous avons eu plus de chance que les autres, car nous avons bénéficié de la manne présidentielle. Bien que nous soyons partis par un vol régulier, nous avons perdu énormément de temps à l’aéroport de Djeddah parce qu’une commerçante, qui avait énormément de bagages, a eu maille à partir avec la douane. Les billets d’avion, que le président de la République donne, doivent servir à ceux qui vont faire le hadj et non aux commerçants.

L’après Hadj a été pénible pour les pèlerins Ivoiriens. Qu’est-ce qui explique, selon vous, leurs déboires en terre sainte ?

LT : Tout semblait bien se dérouler au départ. Du point de vue de l’enregistrement des bagages, il n’y a pas eu de problèmes. C’est la programmation du vol retour qui a coïncidé avec la fin du hadj. Au lieu que l’avion fasse cinq rotations, il n’a fait que 2. C’est de là qu’est parti tout le calvaire des pèlerins. Pourquoi nos guides religieux ont-ils accepté que le 11 décembre soit le jour du premier vol retour des pèlerins ? N’avaient-ils pas bien cogité sur le jour d’Arafat ? Ce sont des questions que nous continuons de nous poser. D’aucuns parlaient d’une rivalité entre le consul de la Côte d’Ivoire en Arabie Saoudite et le Directeur général des Cultes. Il se murmurait que le consul avait négocié un avion et que la direction des cultes aurait refusé.

L.P : Les pèlerins étaient aussi, dit-on, logés en groupe ?

.L.T : C’est vrai. Le gros contingent des pèlerins ivoiriens était logé à quelques mètres de la sainte mosquée. En revanche, nous, nous logions à 100 mètres du lieu de prière. Les gens étaient nombreux dans les chambres. Dans certaines, il y avait 10 à 12 personnes. La promiscuité a fait qu’il y a eu trop de maladies comme la grippe.

L.P : Est-ce la faute à l’encadrement ?

L.T : L’encadrement, c’est d’abord spirituel. C’est de connaître les différents rites du hadj. C’est aussi indiquer aux gens comment utiliser les toilettes, comment utiliser un ascenseur. Il y a quelqu’un qui a lavé ses habits dans la même chambre que moi, et les a séché sur un réfrigérateur en marche. Il y a beaucoup de choses à revoir. Les pèlerins bloqués à Djeddah ont beaucoup souffert. Ils ont passé 24 heures à l’air libre avant qu’on ne leur trouve des chambres d’hôtel le lendemain. Il faut qu’on se remette en cause. Devant les difficultés, on ne doit pas se taire. Moi, j’estime qu’il faut qu’on en parle pour qu’on trouve des voix et moyens pour rectifier le tir lors du prochain hadj. On a des étudiants ivoiriens qui sont en Arabie Saoudite qui peuvent nous aider dans l’organisation et l’encadrement du hadj. Quand on est arrivé à Médine, on devait faire la visite des sites. Mais cela a été fait de façon précipitée. On nous a dit d’arriver très vite à la mosquée parce qu’il est l’heure de la prière. Et c’est à distance qu’on nous a montré la mosquée… Après, on a demandé à un étudiant de nous accompagner pour refaire les rites. C’est là que j’ai appris beaucoup de choses. C’est tout cela qu’on appelle l’encadrement et cela a besoin d’organisation. On a vu un encadreur qui ne connaissait même pas les pèlerins qu’il devait encadrer. Certains encadreurs auraient même pris de l’argent pour aller faire le tawaf. Je ne dis pas cela pour salir la communauté. Il faut qu’il y ait un changement de comportement.

L. P. : Les encadreurs médicaux ont-ils rempli leur rôle ?

L.T : Les encadreurs médicaux ont bien joué leur rôle. D’ailleurs, je leur tire mon chapeau ainsi qu’aux assistants sociaux. Un jeune assistant social qui devait s’occuper d’un vieux non voyant et malade, l’a porté à bout de bras pendant tout le pèlerinage. Il faudra donner plus de places dans le prochain hadj aux assistants sociaux.

L.P. : Justement comment se « débrouillaient » les pèlerins bloqués à Djeddah pour s’en sortir?

.L.T : Heureusement, nous n’étions pas bloqués à Djeddah. On était plutôt programmé sur un vol régulier. Nous nous posons la question aujourd’hui de savoir si les vols charters sont la solution ? Ne serait-il pas intéressant serait de faire voyager les pèlerins sur des vols réguliers ? Nous sommes certains qu’avec les vols réguliers, les pèlerins reviendront aux dates indiquées. Le pèlerinage 2007 s’est bien déroulé avec les vols charters, on ne sait pas pourquoi cette année, il y a eu trop de problèmes. Le retour des pèlerins le 11 décembre 2008 était trop juste. Cette date était intenable.

L. P : Il semble que c’était pénible pour eux…

L.T. : Effectivement. C’était la galère. Les pèlerins ont trop souffert. Ils n’avaient presque rien à manger, parce qu’ils n’avaient plus d’argent. Ils recevaient des kits de nourriture (composé de biscuits, gâteaux, un jus de fruit et une bouteille d’eau), d’une association caritative. Grâce à l’entregent d’un étudiant ivoirien, une autre association caritative offrait quotidiennement 3000 repas aux pèlerins, 1500 à midi et 1500 le soir. Un jour, un vieillard était assis tout calme. Visiblement, il n’avait aucun rial (monnaie saoudienne) pour manger. C’était peu après midi, le vieux a dit : « on dirait qu’on ne nous donnera pas à manger aujourd’hui ». Un de mes frères lui a aussitôt remis 10 rials pour qu’il puisse s’alimenter. Dire qu’on a été pris en charge à 100 % après le pèlerinage, ce n’est pas vrai. C’est ça aussi le hadj. Vous vous imaginez, on prend des gens pour les envoyer à l’aéroport, ils y passent toute la journée, et le lendemain, on cherche un hôtel pour les loger. C’était dur. La catastrophe, c’est que les pèlerins n’avaient aucune information. Ils n’avaient aucune idée exacte des plans de vol. Il y a beaucoup de choses à revoir dans l’organisation du hadj.

L.P. : Malgré l’implication de l’Etat ivoirien, les choses ne semblent pas aller pour le mieux. Selon vous, qui doit maintenant organiser le hadj ?

.L.T : Il faut d’abord faire le bilan, du moins faire les Etats généraux du hadj à l’effet de situer les responsabilités. Ce, en remontant jusqu’à 2006. C’est vrai que l’Etat aide la communauté, mais il faut confier l’organisation du hadj à des privés qui ont déjà fait leurs preuves. Par exemple, à certaines associations crédibles telle que l’Union des Cadres Musulmans de Côte d’Ivoire (UCAM-CI) qui a organisé le hadj en 2006, pendant que plus de 2 mille pèlerins sont restés en Côte d’Ivoire. Comment ont-ils fait ? Il faut qu’on s’inspire de leur exemple. Il ne faut pas confier l’organisation du hadj à des tâcherons. Ce que l’Etat a fait n’est pas mal. Il a fait ce qu’il pouvait faire. Faire loger les pèlerins 20 par chambre ou ne pas leur donner à manger, ce n’est pas ça le hadj. Il faut mettre des gens qu’il faut à la place qu’il faut. Ce n’est pas pour dire que ceux qui sont là ont failli, mais, il y a quelque chose qui cloche. Comment certains pays arrivent à gérer 100 vols et nous, on n’arrive pas à gérer 05 vols. Il paraît qu’il y a un problème de sous en dessous. En clair, j’ai tiré beaucoup de leçons durant ce hadj. J’invite les fidèles musulmans à accomplir ce cinquième pilier de l’Islam. Je les conseille de ne pas attendre qu’ils soient vieux avant de le faire. Il faut qu’il y ait plus de jeunes pour faire le hadj, car, cela fortifie. Il faut que les rivalités cessent entre les uns et les autres dans la Communauté musulmane. Il semble que le commissaire du hadj, le directeur général des cultes et le consul de la Côte d’Ivoire en Arabie Saoudite n’étaient pas en odeur de sainteté. Il faut que ce genre de comportement cesse.

Réalisée par Anzoumana Cissé
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