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Société Publié le samedi 10 janvier 2009 | Le Patriote

Libre opinion / Racket, escroquerie, extorsion de fonds, abus de pouvoir - Un instituteur accable les inspecteurs de l’enseignement primaire

S’il y a une pratique qui gagne du terrain et qui s’est pratiquement instituée, c’est bien l’extorsion d’argent des inspecteurs de l’enseignement primaire au détriment des instituteurs stagiaires affectés sur le terrain. Pendant qu’on parle d’opération main propre par-ci, de lutte contre le racket par-là, un autre phénomène se développe à une vitesse supersonique et tous les inspecteurs semblent trempés jusqu’au cou. Il serait donc indiqué que l’on se penche sur cette pratique. J’ai longtemps réfléchi avant de prendre ma plume car j’avais nourri l’espoir que cette pratique serait passagère. Hélas ! Elle s’est aujourd’hui instituée. Je suis instituteur et j’ai été moi-même victime et avec moi presque tous les instituteurs depuis l’année 2002. C'est-à-dire que cette pratique est née avec la crise ivoirienne. Stagiaire que j’étais, il y a quatre ans de cela, j’ai été approché par mon directeur d’école ensuite par le conseiller pédagogique mandatés par l’inspecteur pour me dire ceci : «Prépare cinquante mille francs (50.000 f) et dix mille francs pour la réception (10.000 f) pour ta titularisation». Surpris, j’ai voulu savoir à quoi répondait cette autre cotisation mentionnée dans aucun document et sans reçu. Il ne m’a pas laissé parler et a répliqué : «Mon petit, c’est comme ça ici : tu veux avoir ton examen ou être ajourné, imagine ce que tu perds, une année sur les autres. Je ne suis qu’un envoyé, la requête vient d’en haut. Va t’endetter s’il le faut mais soit prêt avant le mois de mars». C’était une information certes mais qui avait tout l’air d’un ordre et même d’une intimidation. Je n’y croyais pas. J’ai cru que c’était une escroquerie de mon directeur d’école, mais l’information était identique pour tous les stagiaires de l’inspection. Je ne me suis pas limité là. Renseignements pris auprès des stagiaires des autres inspections de Côte d’Ivoire, le son de cloche était le même. Cependant, les sommes variaient selon les inspecteurs. A l’Est, un inspecteur réclamait soixante quinze mille francs (75.000 f). Cinquante mille francs (50.000 f) pour l’inspecteur et vingt-cinq mille francs pour la réception. Dans la région du Bas-Sassandra, on leur demandait quarante mille francs (40.000 f), la région des montagnes cinquante mille francs (50.000 f). On prenait quarante mille francs (40.000 f) dans la région des lagunes pour ne citer que ces régions. J’ai même appris qu’à Abobo l’inspecteur en second avait été sommé de rembourser cent cinquante mille francs (150.000 f) aux candidats au CAP. Aussi, les stagiaires qui ne payaient pas étaient-ils systématiquement ajournés et avec pour motif insuffisance de travail. Par ailleurs, nous étions mis en garde quant à l’ébruitement de cette extorsion de fonds. Pour nous dissuader de toute dénonciation, on nous répétait : « pensez-vous que devient inspecteur qui veut, nous sommes les hommes du pouvoir, on ne peut rien nous faire ; celui qui tente de s’opposer sera traqué partout où il irait, il suffit que je fasse un rapport à l’inspecteur chez qui vous allez». Qui oserait s’exposer à la vindicte de l’inspecteur, des inspecteurs ? Puisqu’ils sont tous pratiquants de ce racket. Toutefois, reconnaissons que quelques inspecteurs échappent à cette règle. Nous sommes en train de mettre sur pied un collectif des instituteurs victimes de cette escroquerie. Nous porterons plainte et exigerons remboursement. Plusieurs instituteurs, et même des parents d’élèves, sont prêts à témoigner en notre faveur, car ils ont payé soit pour leurs fils, soit pour un parent. Par ailleurs, nous avons pris des attaches avec les stagiaires de cette année afin qu’ils nous informent toutefois qu’ils étaient victimes de ce racket et cette fois nous citerons les noms des inspecteurs et conseillers pédagogiques impliqués. Si cette affaire est étouffée, nous mettrons nos notes sur l’Internet afin que le monde entier soit informé de ce qui se passe en Côte d’Ivoire et même si cela devrait me coûter mon poste. Tous les instituteurs le savent, ils en parlent entre eux mais personne n’ose le dénoncer, de peur d’avoir l’inspecteur sur le dos. Nous pensons que le MIDD (Mouvement des instituteurs pour la défense de leur droit) est au parfum de cette pratique, il ne fait rien car parmi eux se trouvent des directeurs d’école, des conseillers qui tirent énormément profit de cette situation. S’il ne le savait, alors j’attire son attention (le MIDD) sur ce fait ; vivement qu’il agisse pour défendre effectivement le droit des instituteurs car pour moi, lutter pour l’amélioration du salaire c’est bon, mais lutter pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, c’est aussi bon. A l’endroit de l’Etat de Côte d’Ivoire, je suis indigné que de hauts responsables de l’éducation nationale se livrent à de tels actes, dans l’impunité. On prétextera ne pas être informé, ce dont je doute fort. Mais que voulez-vous si nous ne sommes pas exempts de reproches, comment pourrions nous dissuader les autres ? Qui sait peut-être recevons-nous une quote-part.
Comment peut-on faire deux poids deux mesures : lutter contre le racket dans le milieu des policiers, gendarmes etc… et fermer les yeux sur celui des inspecteurs ?
Je suis peut-être en train de sacrifier ma carrière car si j’étais découvert les inspecteurs me feront la peau. Cependant, j’estime que le jeu en vaut la chandelle et cela pour deux raisons essentielles : la première, les stagiaires qui s’acquittent de leur « droit à la titularisation » n’ont plus d’effort à faire, certains qu’ils seront titularisés et le niveau des élèves prend un coup. Les multiples séminaires à Grand-Bassam ne viendront pas résoudre ce problème. La deuxième concerne les inspecteurs véreux qui ont jeté l’opprobre sur une corporation aussi respectable et respectée. Comment ceux qui ont fait la fierté de ce pays peuvent en être aujourd’hui les fossoyeurs ?
Pauvre Côte d’Ivoire, ceux qui devraient redorer ton image la ternissent ; ceux qui devraient te sortir de ta léthargie et te guérir sont aujourd’hui tes bourreaux.
Un instituteur
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