Haut de gamme 2008 : Billy Billy déchu de ses deux prix

Pour avoir tenu des propos jugés irrévérencieux au cours de la cérémonie, le jury décide... à peine 48 heures après avoir été doublement primé à la 2ème édition des «Haut de gamme», l’artiste Billy Billy vient d’être déchu de ses distinctions de «Meilleur artiste hip-hop rap» et «Révélation de l’année 2008». La nouvelle est tombée, hier, en milieu d’après-midi, au siège du Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida), où le jury de cette édition de la soirée annuelle de distinction des créateurs ivoiriens, venait de se réunir en session extraordinaire, conformément au règlement des «Haut de gamme». Pour le président du jury, le comédien Bienvenu Néba, après rediffusion à la presse, en présence de ses pairs jurés, «l’artiste a été déchu, non pour ses capacités et son talent artistique, mais pour les injures proférées qui sont allées bien au-delà d’un cri du cœur». A l’unanimité, donc, les 8, sur 11 membres du jury présents, précise Me Ndry Claver, le rapporteur, ont décidé de la sanction susmentionnée, et lui font «injonction de restituer les trophées relatifs à ces distinctions au Burida dans un délai de 48h, à compter de la signification à lui faite par un huissier de justice». Au demeurant, statuant de 12h 45 à 14h 15, les jurés ont décidé d’attribuer les distinctions de «Meilleur artiste hip-hop rap de l’année 2008» au groupe Garba 50 et de «Révélation de l’année 2008» à Guy Christ Israël. Pour rappel, le rappeur de Wassakara a, au moment de la remise de son prix, tenu des propos ponctués de jurons tels que «Gnamôkô déni», traduisez «Bâtard» en malinké; «Dâgninin» ou «Attributs génitaux de ta mère» en bété, ou encore «On est pas à un mariage de pédés», que les jurés ont trouvé grossiers et irrévérencieux. Notamment en présence d’autorités gouvernementales. Surtout que ne déniant pas à l’artiste de pouvoir exprimer dans ses œuvres son ras-le-bol face au phénomène de la piraterie, ils lui censurent la liberté qu’il a eu à prendre pour dire notamment que «les Cd piratés se vendent devant la présidence de la République» et que l’Etat ne ferait rien pour lutter contre ce fléau parce que «ce n’est pas le cacao». Plus: que la ville de Daloa, au plus fort de la crise armée déclenchée en septembre 2002, aurait été libérée des assauts de l’ex-rébellion parce qu’étant grande productrice du cacao. L’artiste et son manager, joints par téléphone, crient leur indignation. Ils arguent qu’avant de recevoir l’injonction par voie d’huissier, ils se rendront, dès ce matin au Burida, pour réclamer les lots des sponsors. Toutefois, sur le fond de la question de la déchéance, ils dénoncent: «Nous n’avancerons jamais dans un pays où les artistes ne sont que des griots». Et Billy Billy d’affirmer sa posture «d’artiste engagé», qui n’a fait que «décrier, par des jurons qui ne choquent que ceux qui les comprennent au premier degré, des pratiques qui tuent les créateurs et les maintiennent dans une paupérisation permanente». N’empêche, le manager de l’artiste, faisant observer qu’il n’existe guère «plus de cinq producteurs d’artistes en Côte d’Ivoire et que les maisons de distribution mettent la clé sous le paillasson entraînant des milliers de jeunes diplômés au chômage», que «dénoncer, par tous les moyens, au point de heurter les susceptibilités de certains moralistes, sera toujours le combat d’un artiste vrai». Cependant, le producteur, Jean-Marc Guirandou du label Coast To Coast soutient que l’artiste est prêt à présenter ses excuses publiques au… public, qui a pu être choqué par la crudité de son discours. Avant de confier: «la sanction est trop lourde».

Rémi Coulibaly



Quand le jury dégamme

Simple question. Qu’est-ce qui a bien pu pousser le jury des Haut de gamme à se réunir de manière «extraordinaire» pour prendre une décision aussi… extraordinaire?
Nous avons lu le règlement dans son entièreté. Nulle part, on ne voit une telle disposition qui destitue un artiste de son titre, pour «propos dont la teneur a plus qu’interpellé les membres du jury en leur qualité». Les «Haut de gamme» ont pour but d’honorer les créateurs qui se sont distingués dans les différents domaines de l’art relatifs au droit d’auteur. En voici les conditions et les critères de sélection :
Le jury et les critères de sélection
Article 2 :
Le jury est composé d’un président et de dix membres. Au plan technique,
il est chargé de renforcer, les critères de sélection proposés par le Burida. Le jury délibère en toute liberté, ses délibérations tiennent compte des données officielles fournies par le Burida.
Article 3 :
Les critères de sélection sont les suivants :
Etre sociétaire du Burida
La quantité des ventes
La qualité de l’œuvre
L’originalité : évaluer l’originalité de la création dans son ensemble
L’audience nationale et internationale
La période de prise en compte part du 30 juillet 2007 au 31 décembre 2008
La longévité de l’œuvre
L’impact socio psychologique.
Désignation des lauréats
Article 4 :
Le jury, constitué de spécialistes, d’esthètes et d’amateurs des arts divers, sera chargé de désigner sur des bases techniques de chacune des catégories sus énumérées, les différents lauréats.
Proclamation
Article 5 :
Les résultats seront proclamés au cours de la cérémonie des Haut de gamme par des invités de tout domaine.
Prix
Article 6 :
A cette cérémonie, différents prix seront décernés. Les prix sont laissés à la discrétion du Burida
Des prix spéciaux seront attribués aux personnes physiques et morales ayant contribué d’une manière significative à l’amélioration de la perception du droit d’auteur. Acceptation du règlement
Article 7 :
La participation à la cérémonie de distinction entraîne l’entière acceptation de ce règlement.
Point final. Nulle part, il n’est dit qu’un lauréat sera destitué, s’il « profère des injures qui sont allées bien au-delà d’un cri du cœur ». Sans vouloir ironiser, je crois que demain, avec une telle disposition… extraordinaire, les lauréats de Haut de gamme la fermeront pour de bon. Pour ne pas avoir à se faire évaluer- encore ?-, après la cérémonie. Le chasseur qui tire quand le gibier est parti. Il a eu deux prix, on les lui enlève pour lui donner celui de… l’irrévérence. N’en rions pas. Pour quel résultat ? Bidon. Ecoutez les paroles de ces artistes Haut de gamme que vous honorez, vous en entendrez de bien plus… shocking. Alors ?
Michel Koffi
In mémoriam : Fulgence Kassy, 20 ans déjà
Il y a 20 ans, s’éteignait, à 36 ans, Roger Fulgence Kassy, «L’enfant terrible de la RTI», créateur d’émissions à succès comme Podium et Première Chance. Il fut un détecteur d’artistes de renom, tels qu’Alpha Blondy, John Kiffy... 20 ans après, son souvenir et son œuvre demeurent, à jamais, vivaces. Et son cri du cœur, émis, quelques mois avant sa mort, sonne comme l’hymne à l’éternité de la création: «Tant qu’il y aura des hommes et des femmes, sensibles à la chose musicale et capables d’apprécier une chanson et une belle orchestration musicale, Podium vivra !!!». Salut l’artiste.

RC