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Politique Publié le mardi 20 janvier 2009 | Nord-Sud

Enrôlement : Accusations de fraude tous azimuts - Le faux combat du FPI et du RDR

Les séminaires croisés du Fpi et du Rdr sur la question de la fraude dans le processus d’identification et d’enrôlement révèlent pour la Cei et la primature une nécessité de reprendre la sensibilisation sur la fiabilité de l’opération.

Encore une polémique autour du processus d’identification des populations ivoiriennes. Les acteurs sont les mêmes, et le sujet n’est pas nouveau : La fraude. A son démarrage, à Abidjan, l’identification avait déjà souffert d’une grosse crispation à cause de cette question pour laquelle, sur de simples soupçons, des hommes politiques n’avaient pas hésité à appeler au boycott et à l’arrêt de l’opération. La suite on la connait. Il y a eu des saccages de sites d’enrôlement, des vols de valises, des bagarres rangées… Selon des sources dignes de foi, ce scénario est à craindre de nouveau, alors que l’opération tire à sa fin (28 février, selon la Cei). Cette fois, des menaces plus sérieuses contre l’ensemble du processus existent. Des signes sont donnés depuis quelques jours par les séminaires croisés du Fpi et du Rdr d’où fusent des accusations jugées surréalistes. C’est le Front populaire ivoirien (Fpi) qui a ouvert les hostilités. S’appuyant sur son journal, Notre Voie, le parti au pouvoir a ouvertement accusé l’opposition d’organiser «la fraude massive» dans les villes de l’intérieur du pays. Le parti au pouvoir s’est notamment attaqué vertement au Rdr qui ferait enrôler des étrangers (Maliens, Burkinabè, Guinéens, Béninois, Togolais etc.) à tour de bras dans les zones CNO. Et pour le prouver, Affi N’Guessan et ses camarades annoncent un séminaire de la direction du parti auquel sont conviés les Ddc, les secrétaires fédéraux, et les alliés du Cnrd. Le thème est évocateur : «La fraude sur l’identification et l’enrôlement». Et l’on prend le soin d’avertir : «Si (au sortir des assises, il ressort que) la fraude est massive, le Fpi avisera (!!?)». (Dixit Sokouri Bohui, chargé des élections au Fpi, in Notre Voie du mardi 13 janvier 2009). Et sans surprise, au soir du 15 janvier, l’issue du séminaire tenu à Cocody (Fondation Mémel Fotê) a confirmé la thèse de la fraude massive que le «Monsieur élection» du Fpi viendra traduire en des termes précis. «Aujourd’hui, nous pouvons sortir un livret sur la fraude et lister les cas dans toute la Côte d’Ivoire. Nous savons désormais toutes les zones où il y a eu des fraudes. Avant on disait, on parlait comme ça, mais aujourd’hui, grâce à ce séminaire, nous tenons un document qui nous permet d’être plus précis», a-t-il révélé. Alarmiste sur les bords, il ajoutera qu’«entre 60 à 70%» des enrôlements effectués à Bouaké sont frauduleux. Le parti au pouvoir annonce donc qu’une importante réunion de sa direction tirera les conclusions de ces «découvertes» et «avisera», «très bientôt». La réplique du Rdr n’a pas tardé. «C`est de la pure propagande», a répondu le directeur régional de campagne Abidjan- Sud du président du Rdr, Cissé Ibrahima Bacongo, au cours d’un séminaire sur le même thème le 18 janvier à Marcory. Pour les hommes de la rue Lepic, la fraude se définissant comme toute action qui a un impact sur la transparence du processus électoral, c’est donc le Fpi qui commet de plus en plus de fraudes en entraînant la lenteur dans le processus et en proférant des menaces contre des pétitionnaires. Et le ministre Bacongo, de charger à son tour en soutenant que plusieurs non-Ivoiriens, en majorité des Libériens qui s’enrôlaient au profit du Fpi ont été mis aux arrêts récemment à Guiglo et à Danané. Selon les républicains, 800 faux extraits de naissance ont été saisis des mains de responsables du Fpi à Kouibly par des éléments des Forces nouvelles. Le parti de Affi N’Guessan préparerait la manipulation du fichier électoral. Il s’appuierait également sur les préfets, via le ministre de l’Intérieur (Désiré Tagro, militant du Fpi) pour «contrôler» le processus. A lire ces déclarations des deux camps, l’on parierait que l’issue de l’opération d’identification et sa crédibilité ne pourront qu’être entachées d’irrégularités.


Jeu de ping-pong

Pourtant, il n’en est rien. La primature et la Commission électorale indépendante (Cei) qui croyaient avoir suffisamment rassuré tout le monde sur la fiabilité du mécanisme en place devraient visiblement reprendre l’exercice. Depuis Bouaké où il suivait de près les échanges de piques sur la question, Guillaume Soro a été clair : «C’est justement conscients que tant que nous n’aurons pas un processus d’identification clair et transparent, nous ne pourrons pas aller aux élections, que la Côte d’Ivoire s’est permise de dépenser des dizaines de milliards dans un système technologique de pointe. Une technologie fiable, avancée pour se donner les moyens de juguler la fraude», a-t-il rassuré. Il a fait remarquer que la liste électorale devra obligatoirement recevoir l’aval de l’ensemble des partis politiques engagés. «Il faut faire confiance à l’Etat. Nous sommes dans une société moderne, il ne sera pas simple de frauder. De toutes les façons, on devra se mettre d’accord sur la liste définitive. (…) Il faudra que le Pdci soit d’accord que cette liste est bonne, il faudra que le Fpi soit d’accord que cette liste est bonne, il faudra que le Rdr soit d’accord que cette liste est bonne (…) laissez la fraude à l’Etat», a conseillé le chef du gouvernement. Les techniciens de la Cei et de la primature n’avaient pas hésité à révéler tous les goulots d’étranglement qui seront érigés face à la fraude. Le 13 octobre 2008, dans un entretien télédiffusé, le Premier ministre, Guillaume Soro, en avait donné un aperçu. «La technologie que nous avons aujourd’hui est une technologie informatique de pointe et aujourd’hui (...) ce n’est plus le nom qui est privilégié, mais plutôt l’identifiant. Et l’identifiant, ce sont surtout les empreintes digitales» et aussi la photo des requérants, avait-il expliqué. De fait, après avoir centralisé toutes les données, Sagem (l’opérateur valise) procèdera par recoupement pour éliminer les empreintes digitales qui reviennent à deux ou plusieurs reprises. L’Ins reprendra le même exercice de son côté en procédant cette fois par recoupement sur la base des photos afin d’éliminer également les doublons. Ce sont les systèmes dits «Abys» et «Afys». Sur le cas des non-Ivoiriens, qui pourraient se faire inscrire, leur échec «est assuré», affirment les experts. «La liste électorale sera affichée avec la photo en couleur (des électeurs) ainsi que les noms et lieux de naissance. Il sera donc loisible à chaque Ivoirien de venir dénoncer la personne qu’il croit connaître et dont il détient la preuve qu’il n’est pas Ivoirien», explique-t-on. Le Premier ministre, qui conteste toute idée qu’un ressortissant étranger puisse se faire enregistrer en présentant un faux extrait d’acte de naissance, n’a toutefois pas manqué d’indiquer que ceux qui réussiront «par extraordinaire» à le faire seront extirpés. «L’Etat de Côte d’Ivoire a les moyens de savoir qui est Ivoirien et qui ne l’est pas», a-t-il affirmé expliquant que tous les Ivoiriens majeurs qui ne seraient pas déjà inscrits sur la liste de 2000 feraient l’objet de recoupements sur la base des «fichiers historiques» (comme celui du recensement de 1998, Ndlr). Et son porte-parole, Méité Sindou, d’ajouter que l’extrait de naissance et le jugement supplétif suffisent largement pour vérifier la citoyenneté des uns et des autres. Notamment par recoupement des données non seulement sur le registre d’état civil en reconstitution, les fichiers de la Cnps, de la Cgrae et les fichiers consulaires… Le chef de l’Etat lui-même avait également rassuré le 21 octobre 2008 devant les populations de Duékoué. «Il y en a qui s’amusent avec cette opération. Il y a des petits bandits qui font de faux papiers pour venir chercher de vrais papiers. Mais, je voudrais leur expliquer qu’il n’y aura pas de fraudeurs. Parce que nous avons les moyens de les découvrir (…) Nous avons les moyens pour détecter les faux. Et nous allons le faire, même s’ils sont 1 ou 2 millions. On va tous les sortir de la liste, et les mettre en prison», avait-il promis.

En attendant le résultat définitif des recoupements en cours chez Sagem et Ins ainsi que l’affichage de la liste électorale, les acteurs politiques devraient donc mettre fin à la terreur qu’ils font planer. Pour de nombreux observateurs, des combats plus dignes d’être menés les attendent. Notamment, les cas de milliers d’Ivoiriens détenteurs de CNI vertes mais non-déclarés à l’état-civil qui ne pourront pas se faire enrôler, la préparation de l’identification à l’étranger…

Djama Stanislas
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