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Politique Publié le mercredi 21 janvier 2009 | Le Temps

Identification a Duekoue - La fraude et la méfiance gênent l’opération

Le processus électoral en cours avec l'ouverture des centres de collectes d'identification et d'enrôlement à l'intérieur, est emmaillé de fraudes. Notamment à Duékoué. Le dimanche 10 janvier, vers la fin de la matinée, trois éléments de la brigade de gendarmerie de Duékoué investissent les locaux du centre de collecte de l'EPP Guémon, une école primaire de la ville. Sous les regards médusés et apeurés des impétrants, deux individus sont appréhendés. Ils répondent tous deux au nom de Sidibé Ibrahim. L'un est né en 1962 et l'autre en 1973. Ils soutiennent être originaires d'Odienné mais disent ne plus se souvenir de leur village d'origine, ni de leurs parents. Par ailleurs, les mentions de leurs extraits de naissance établis à Danané ont été déclarées fausses par les spécialistes des centres de collecte. Les gendarmes, intrigués par cette étrange amnésie des prévenus mettent alors en branle leurs fins limiers.
Ils découvrent que les nommés Sidibé Ibrahim sont d'origine guinéenne. Ils ont été déférés le jeudi dernier, au tribunal de Daloa pour répondre de l'accusation de fraude sur la nationalité. Ce cas est le deuxième du genre porté devant les tribunaux depuis le début des opérations d'identification à Duékoué, au début du mois de décembre. Avant les Sidibé Ibrahim, les sœurs Cherif Massandjé et Cherif Ousmane ont tenté de se faire enrôler avec des extraits portant le même numéro de registre. Elles ont écopé de deux ans d'emprisonnement ferme. A Duékoué, les tentatives de fraudes sont fréquentes depuis le démarrage des opérations d'identification. " Il y a des impétrants qui ignorent jusqu'à leur nom inscrit sur l'extrait de naissance qu'ils présentent pourtant pour se faire enrôler ", confie un agent de l' Ansi, la structure chargée de la supervision des opérations. D'autres se présentent parfois dans les centres de collecte avec des extraits établis avant leur naissance. Des irrégularités qui s'expliquent selon un responsable du transport à Duékoué par les conditions d'établissement de ces documents : " Nos parents, pour la plupart sont analphabètes. Ils confient souvent l'établissement de leurs documents à des personnes se prévalant de certains titres à la mairie ou à la sous-préfecture qui leur extorquent des montants souvent très élevés. Pourtant, les documents qu'ils leur remettent en retour sont le plus souvent faux ". A Duékoué, la palme de falsification de documents administratifs revient à un certain Sidibé, en ce moment en cavale. Il est hâtivement recherché par la gendarmerie. Fort de plusieurs années passées à la mairie de Duékoué, il fournirait n'importe quel document administratif aux éventuels demandeurs, y compris des extraits de naissance moyennant la somme de 30 000 Fcfa. "J'ai gaspillé 30000 F pour faire ce papier et on me dit qu'il n'est pas bon", récriminait dame Camara Fatoumata à qui les agents du centre de collecte de l'église catholique venaient de refuser le récépissé d'enrôlement parce qu'elle est moins âgée que son extrait de naissance. " Les documents aux mentions irrégulières, c'est presque tous les jours qu'on les rencontre. Ils y a des personnes qui viennent même se présenter à nous avec des extraits de naissance scannés ", révèle un agent de Sagem, la structure en charge de l'enrôlement. C'est le cas de M. Traoré Ngolo Kassoum. Il s'est présenté au centre de collecte du Lycée moderne de Duékoué avec un extrait dont le timbre et la signature sont scannés. Il prétend pourtant l'avoir établi à Ouangolo en 1999. Pour s'offrir des papiers d'identité ivoirienne à la faveur de ces opérations d'identification, les fraudeurs font preuve d'une rare ingéniosité. Mamadou Doumbia, par exemple, a fait signer son extrait de naissance par l'Administrateur civil Dogo Koffi Charles à Zuénoula en juin 2004. Mais, dans la même période, le même administrateur civil a apposé sa signature sur l'extrait de naissance de Kouadio Kouadio Sylvestre établi à Duékoué. Il a également signé des extraits établis à Zoukougbeu ou encore à Bouaflé. Cet extraordinaire don d'ubiquité n'est possible que par la falsification de signature des Administrateurs d'état civil. Conscients de la fréquence de ces indélicatesses et de l'enjeu de ces opérations d'identification, les responsables des structures impliquées se montrent de plus en plus coercitifs. Ces personnes qui en général étaient simplement renvoyé chez elles sont maintenant mises à la disposition des forces de l'ordre. Et le violon de la brigade de gendarmerie grouille de monde. Si ces mesures ont l'avantage de dissuader les faussaires, elle est pour beaucoup, de l'avis de certains observateurs, dans la baisse de l'affluence. " C'est vrai qu'il faut redoubler de vigilance. Mais je crois que les agents font un peu trop de zèle. Cette tendance à solliciter les forces de l'ordre au moindre irrégularité peut léser des gens qui sont pourtant de bonne fois ou à qui ces irrégularités n'incombent pas forcément. Aujourd'hui, de nombreuses personnes ne veulent pas se faire enrôler parce qu elles ont peur de se retrouver en prison”, déplore Kouakou Amidou, enseignant au Lycée de Duékoué. L'affluence a, en effet baissé. De 60 à 70 impétrants par jour au début de l'opération, le centre de collecte du lycée de Duékoué est aujourd'hui à moins de 40 personnes par jour après seulement un mois d'activité. Dans certains centres, on se tourne les pousses. Les agents ont même le temps de s'adonner à des querelles de leadership. Des querelles qui ont conduit à la fermeture des centres de collecte pendant deux jours, la semaine dernière. Les agents de la Commission électorale indépendante Cei) se plaignant des excès de ceux de Sagem qui semblent oublier qu'ils travaillent sous leur tutelle. Par ailleurs, d'autres pensent que la baisse d'affluence est plutôt liée au retard pris dans l'établissement des extraits de naissance. A la sous-préfecture, des piles de documents attendent d'être signés. Et de ce côté, on refuse de faire les choses dans la précipitation. L'atmosphère de Duékoué étant viciée par les rumeurs de fraude. Ainsi va l'identification à Duékoué.

Emmanuel Fofana
(correspondant régional)
efofana7@yahoo.fr
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