Fraude à l`enrôlement - Guillaume Soro : "J`ai les moyens de lutter contre la fraude"

A l’occasion de la présentation des vœux de nouvel an, lundi dernier, des groupes socioprofessionnels de la région de la vallée du Bandama au premier ministre Guillaume Soro, celui-ci a affirmé disposer de moyens pour lutter contre la fraude. Cette révélation cache bien de questions.

Guillaume Soro Kigbafori a révélé, selon notre confrère Fraternité Matin, le lundi 19 janvier dernier à Bouaké, lors de la présentation des vœux des corps constitués, qu’il a les moyens de lutter contre la fraude à l’enrôlement et l’identification. «. .. il a tenu à rassurer les uns et les autres qu’il a les moyens, à partir de la primature, de démasquer les fraudeurs sur la liste électorale qui sera confectionnée», rapporte Fraternité Matin dans son édition d’hier. Ces propos du chef du gouvernement ivoirien devraient rassurer les Ivoiriens qui souhaitent des élections transparentes et équitables afin que soit préservée la paix sociale encore précaire. Prioritairement le FPI qui sort d’un séminaire consacré exclusivement à la dénonciation de la fraude massive constatée dans les différentes régions. Surtout que le premier ministre s’est voulu d’avantage clair : «c’est justement conscients que tant que nous n’aurons pas un processus d’identification clair et transparent, nous ne pourrons pas aller aux élections, que la Côte d’Ivoire s’est permise de dépenser des dizaines de milliards dans un système technologique de pointe. Une technologie fiable, avancée pour se donner les moyens de juguler la fraude» (Nord-sud du 20 janvier, p2). A en croire Guillaume Soro, il sera difficile, voire impossible aux fraudeurs de passer entre les mailles du filet sécuritaire mis en place. Tant «nous sommes dans une société moderne», rassure-t-il.

A la vérité, personne ne devrait douter de la bonne foi du premier ministre, par ailleurs chef de l’ex-rébellion, qui conduit le processus de sortie de crise. Malheureusement, la prudence recommande que les Ivoiriens ne prennent pas pour argent comptant, les propos de Guillaume Soro. Lui-même dit très bien que “nous sommes dans un monde moderne”. Ce qui signifie que la technologie et les sciences évoluent très rapidement. De telle sorte que la vérité scientifique d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. C’est pourquoi, les cas de vols dans les structures financières par des spécialistes sont courants malgré toutes les dispositions sécuritaires sophistiquées. Considérons ce seul exem ple pour rappeler à M. Soro que les Ivoiriens qui le suivent dans sa façon de conduire le processus de sortie de crise sont sceptiques. La preuve. La non-maîtrise de ses éléments et le non- respect des différents accords. Tous les accords dont celui de Ouaga mettent en priorité la démobilisation et le désarmement de tous ceux qui détiennent illégalement des armes. Si en zone gouvernementale, les autorités militaires démobilisent manu militari les mouvements d’autodéfense, il n’en est pas de même pour les ex-rebelles, en zones CNO. Soro ne songe même pas à regrouper ses hommes. Chaque fois, la rébellion évoque des problèmes d’argent. Mais a-t-on attendu qu’il y ait l’argent pour démanteler les forces d’autodéfense ? De plus les passations des charges ( ?) entre les préfets et les com’zones d’une part et d’autre part, l’unicité des caisses prévues pour le 15 janvier dernier n’ont pu se faire. Les Forces nouvelles ayant souhaité une rallonge de deux semaines pour «sensibiliser les populations» encore sous leur autorité. Très futé, le Premier ministre a même dit à la classe politique qui réclamait avec impatience les élections, qu’il ne s’inscrivait pas dans le fétichisme des dates.

Aujourd’hui, le sujet sur la fraude à l’enrôlement préoccupe les Ivoiriens épris de paix. Mais Guillaume Soro soutient qu’il dispose d’une technologie de pointe pour retirer les noms des fraudeurs des listes. Soit. Mais il faut qu’il dise à la nation comment il s’y prendra. Dans la mesure où plusieurs facteurs risquent de le contredire.

D’abord, il existe de vrais faux actes de naissance qui circulent. Ensuite, les Ivoiriens ou Ivoiriennes ont prêté leurs noms à des non-Ivoiriens. Ils (ou elles) sont devenus (es) les pères (ou mères) circonstanciels (elles) de ces étrangers. Ces cas sont légion. Il n’y a pas longtemps, un ressortissant togolais se faisait appeler à Issia, Tapé Gaston. Après, il est courant de noter que deux, voire trois personnes différentes ont le même numéro identifiant dans les registres d’état civil. Beaucoup de personnes jouissent des actes de naissance d’autres personnes décédées. Les Ivoiriens n’ayant pas une culture de la déclaration des décès, il est évident que ici aussi l’honnêteté recommande la prudence. Enfin, l’ex-président Henri Konan Bédié a pris en 1995, un décret de naturalisation non individualisé pour les populations de Koudougou et Garango dans la sous-préfecture de Bonon originaires du Burkina Faso. Et aujourd’hui, tout Burkinabè vivant dans ces localités est Ivoirien. Ces éléments devraient amener le premier ministre à être prudent. Parce qu’il y a trop de paramètres qu’il ne peut pas maîtriser. Sur quelle base, Soro pourrait-il dire que tel est Ivoirien et que tel ne l’est pas ? Les Ivoiriens devraient être vigilants. Et demander à Soro de s’expliquer sur les moyens dont il dispose à la primature pour juguler la fraude. C’est maintenant qu’il faut prendre les mesures pour barrer la route à tous les fraudeurs. Après ce sera trop tard. Car les mêmes crieront à la xénophobie et à l’exclusion. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faudra craindre que la Côte d’Ivoire ne retombe dans la violence.

«Guillaume Soro qui sait les deux face de la médaille» selon M. Laurent Dona Fologo a le devoir et l’obligation de rassurer aussi bien la classe politique que la société civile ivoiriennes en refusant d’entourer de mystère, la conduite de sortie de crise.

Délon’s Zadé delonszade@yahoo.fr