L'opération "Plomb Durci" lancée par l'armée aérienne israélienne le 27 décembre dernier a donné suite à une opération militaire terrestre sur le bande de Gaza le 3 décembre. Considérée comme la plus violente depuis la guerre des six jours, cette opération aurait causé la mort de plus 1000 personnes et des milliers de blessés. Les objectifs d'une telle embuscade, réalisée en dépit du traumatisme encore vivace de l'échec de la guerre du Liban en 2006 témoignent du désir d'Israël d'affaiblir considérablement le Hamas. Reste que les enjeux et les causes de ce conflit sont difficilement perceptibles, tant ils répondent à des évènements nécessitant des connaissances historiques solides. Décryptage d'une lutte qui risque probablement de bousculer le paysage politique et géopolitique de la région...
Retour sur la bande de Gaza
Des connaissances nulles voire incomplètes au sujet de ce territoire du sud-ouest d'Israël nuisent à la compréhension du conflit. La zone est en majorité constituée de populations arabes, et dès la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948, l'Egypte envahit la bande de Gaza. Malgré des tentatives de réappropriation de la zone par Israël, dont la plus aboutie reste celle de 1956, l'état hébreu doit attendre la guerre des six jours en 1967 pour reprendre possession de la bande. Ce conflit éclair, qui opposa Israël à une coalition arabe constituée de la Syrie, l'Irak, la Jordanie et l'Égypte permit à Israël de multiplier par 3 sa superficie. Sont alors conquis la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï, la Cisjordanie ainsi que Jérusalem-Est, qui reste sous une forte influence démographique arabe.
Reste que deux de ces territoires, la Cisjordanie et la bande de Gaza sont dissociés d'Israël en 2005, suite à une décision émanant du premier ministre Ariel Sharon, qui délègue ainsi le pouvoir à l'Autorité Palestinienne. Les colons juifs qui s'étaient installés sont donc évacués et relogés. Mais le départ d'Israël n'a en aucun cas apaisé les tensions puisque les Palestiniens ont plongé dans une lutte interne, faisant suite à la victoire du mouvement “terroriste” du Hamas dans le cadre des élections législatives de 2006. Le Fatah, parti du président Mahmoud Abbas propose alors l'instauration d'un gouvernement d'union nationale, proposition qui subira l'échec des négociations entre les deux parties. Le Hamas opère alors un coup d'état en juin 2007 dans la bande de Gaza, où l'Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas est évincée. Depuis cette date, la bande est soumise à un blocus d'Israël, conditionnant ainsi l'arrivée de vivres, médicaments, d'électricité et surtout, d'eau.
Affaiblir les capacités
militaires du Hamas
La volonté d'affaiblir militairement le Hamas, et ainsi provoquer une rémission des roquettes tirées sur les villes aux alentours de la bande de Gaza ont notamment poussé Israël à mener l'opération "Plomb Durci". Notre objectif est de renvoyer la bande de Gaza des décennies en arrière en termes de capacité militaire, en faisant le maximum de victimes chez l'ennemi et le minimum au sein des forces armées israéliennes avait concédé le 28 décembre dernier le général Yoav Galant. Une amélioration significative des capacités militaires du Hamas ont en effet été observées, la portée des tirs de roquette s'étant élargi à plusieurs kilomètres supplémentaires, les villes d'Ashdod (2ème port du pays) et de Beershev ayant été victimes de tirs de roquette pour la première fois. Si les capacités technologiques du Hamas étaient amenés à progresser, il ne fait pas de doute que la capitale économique d'Israël, Tel Aviv, pourrait entrer à terme, dans le champ de vision du mouvement islamiste.
Ce désir d'affaiblir les capacités militaires du Hamas s'est fait d'autant plus pressant que le nombre de roquettes lancées en direction de la ville de Sderot (distance à la bande de gaza : 1cm) ne cessaient de se faire plus nombreuses depuis le blocus mené par Israël sur la bande de Gaza. En l'espace de 23 ans, quelques 6 311 roquettes auraient atterris aux alentours de la cité. Plus récemment, les roquettes artisanales Qassam sont désormais privilégiées lors des tirs visant Israël, en particulier Sderot.
Bien que leurs trajectoires soient impossibles à définir, les roquettes Qassam auraient blessés plus de 1000 personnes et tués 14 israéliens, cela depuis mars 2002 où la première Qassam parvint enfin à atteindre le sol israélien. Utilisées par le Hamas pour la première fois en octobre 2001, leur bon fonctionnement ne fut assuré que quelques mois après. En effet, faute d'assurer leur maniement, les agents du Hamas ne parvenait à atteindre Israël, et les Qassam atterrissaient bien souvent au beau milieu de la bande de Gaza. Cette évolution des capacités et des performances du Hamas peut s'appliquer sur un plan plus global, et justifie ainsi la crainte d'Israël de voir un jour le Hamas atteindre la ville de Tel Aviv. Une des motivations phares d'Israël dans l'opération "Plomb Durci" résulte ainsi du désir d'affaiblir de façon significative les capacités militaires du Hamas, et ainsi retarder ses progressions technologiques.
Discréditer et affaiblir politiquement le Hamas
Alors que le Hamas avait atteint l'apogée de sa popularité en 2006, lors d'élections législatives libres qui l'avait vu rafler 56% des sièges du parlement palestinien, aucune échéance électorale permettant de confirmer cet élan n'a eu lieu. Un an après cette victoire, Mahmoud Abbas, qui constatait la stérilité des négociations, avait d'ailleurs proposé l'organisation de nouvelles élections, le Hamas avait alors refusé, et s'emparait par la force de la bande de Gaza. Reste que depuis cette date, la popularité du Hamas auprès des populations palestiniennes s'est vraisemblablement dégradée, tant la situation humanitaire à Gaza a pris des aspects dramatiques.
Les sanctions internationales et le blocus d'Israël ont en effet plongé la bande de Gaza dans une spirale économique et sociale dépressive, rendant ainsi 65% de la population dépendante des aides de l'ONU. L'eau et l'électricité sont par ailleurs conditionnées, les gazaouis étant fréquemment sujets à des coupures de courant. Ces "black-out" n'épargnent pas non plus les hôpitaux, qui subissent déjà une pénurie de médicaments. En médicaments, un tiers des produits essentiels manquent. Antibiotiques, sérums, anesthésiants, antalgiques, etc estime Marie Rajablat, responsable Médecin du Monde en Palestine.
La dégradation des conditions de vie à Gaza réduit ainsi fortement l'influence du Hamas parmi les populations. Et alors que de par l'opération "Plomb Durci", Israël souhaitait en finir avec le Hamas, en bombardant ses infrastructures et en tentant de liquider ses cadres, les Palestiniens ont affiché un silence de marbre, sans apporter de soutien au mouvement islamiste. Pis, alors que le chef du Hamas Kaled Mechaal, exilé en Syrie, déclarait que nous appelons à une Intifada contre l'ennemi, aucune opération suicide et autre "bombing" n'a eu lieu.
Reste que le Hamas, souvent mis en difficulté est toujours parvenu à renaître de ses cendres, en utilisant une victimisation continue. La victoire de 2006 avait en effet suivi un assassinat fortement préjudiciable pour le Hamas, puisque celui de son chef historique, Abdel Aziz al-Rantissi. Ce dernier, avait un an plus tôt, déclaré que le temps prouvera que la politique d'assassinat ne détruira pas le Hamas. Les dirigeants du Hamas veulent être des martyrs et n'ont pas peur de la mort.
La stratégie de martyrisation opérée par le Hamas avait jusque là fonctionné. Désormais, rien n'est moins sûr tant la victoire du Hamas en 2006 a été supplantée par une crise économique, politique et humanitaire majeure. Les palestiniens passeront-ils au-dessus des échecs du Hamas en lui faisant à nouveau confiance, privilégiant dans son choix de vote la haine envers Israël et son "plomb durci" ?
Enjeux électoraux
Les élections législatives avancées du 10 février prochain seront très probablement influencées par la tournure que prendra "plomb durci". Déjà, la hiérarchie présentée par les sondages avant le conflit a été profondément bousculée, au profit des deux candidats sortants, Ehud Barak et Tzipi Livni. Cette dernière, qui n'était pas parvenue à remplir ses fonctions de formatrice du gouvernement, comptait quelques 6 points de pourcentage de retard sur le conservateur Benyamin Netanyahou. Désormais, les deux concurrents font jeu égal. Quant au ministre de la défense, Ehud Barak, il se place désormais comme un sérieux concurrent, lui qui accusait un retard supérieur à 20% sur B.Netanyahou.
Les raisons de ce tel bouleversement sont bien entendu liés à "plomb durci", qui a donné à Ehud Barak et Tzipi Livni une certaine légitimité, au profit de B.Netanyahou. Ce dernier, qui réclamait de longue date une telle opération est le grand perdant du conflit, qui a entamé son statut de favori et perdu son monopole de la fermeté. A l'inverse, le ministre de la défense Ehud Barak, critiqué pour son laxisme et ses erreurs du passé (retrait du Liban Sud, non-modernisation des équipements militaires) a réalisé un véritable coup de maître. Effectivement, en évoquant dans la presse la tenue le dimanche d'une réunion durant laquelle serait envisagée une opération à Gaza, l'ancien premier ministre avait totalement exclue le début des opérations le samedi. Un coup médiatique parfaitement ficelé qui lui permet désormais d'envisager sérieusement un nouvelle élection au poste de premier ministre. Cela dépendra bien entendu, de la tournure que prendra le conflit à Gaza...
Source Agora vox
PALESTINE, LA TRAGEDIE HUMAINE
Des milliers de manifestants en Europe contre les raids israéliens
Forte mobilisation à Londres pour une manifestation contre les raids à Gaza
Un porte-parole de la police interrogé par l'AFP a estimé "entre 10.000 et 12.000" le nombre des manifestants, tandis que la coalition pacifiste Stop the War, l'un des organisateurs avec la Campagne pour la Palestine et l'Initiative des musulmans britanniques (BMI), assurait qu'ils étaient plus de 60.000. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté depuis le déclenchement de la guerre à travers l'Europe contre les raids israéliens dans la bande de Gaza qui a occasionné de nombreux morts. De Londres à Paris, en passant par Madrid, Copenhague ou Istanbul, les manifestants sont descendus dans la rue pour condamner l'opération lancée samedi "plomb durci", la plus violente depuis l'occupation des territoires palestiniens par Israël en 1967. A Londres, où 700 personnes selon la police, 3.000 selon une organisatrice se sont rassemblées face à l'ambassade d'Israël, dix personnes ont été arrêtées pour "trouble à l'ordre public", après trois heures d'une mobilisation agitée.
Les militants brandissaient des drapeaux de l'Autorité palestinienne et des pancartes sur lesquelles était notamment écrit "Holocauste à Gaza" et "Pas de paix, pas de justice". A Paris, dans le quartier populaire de Barbès où vit une importante population d'origine maghrébine, une manifestation a rassemblé quelque 1.300 personnes, selon la police, brandissant des banderoles où on pouvait lire "Stop au massacre des innocents".
Toujours à Paris, 150 personnes selon la police, 300 selon les organisateurs, se sont rassemblées place de l'Etoile, en haut des Champs-Elysées, en scandant "Israël terroriste, Europe complice", ou encore "Shoah à Gaza". A Madrid, entre 500 et 1.000 personnes ont manifesté devant l'ambassade d'Israël, à l'appel de l'association "Paix maintenant", a constaté l'AFP. "Non à l'holocauste palestinien", proclamaient pancartes et banderoles. Au Danemark, 700 personnes selon la police, 2.000 selon les organisateurs ont manifesté à l'appel de plusieurs organisations musulmanes danoises devant l'ambassade d'Israël. Un homme, extérieur aux groupes organisateurs, a été arrêté après avoir jeté un cocktail Molotov en direction de la police. Près de 300 personnes se sont aussi rassemblées à Aarhus, deuxième ville du pays. La veille, un millier de manifestants avaient défilé à Stockholm à l'appel de l'Union islamique de Suède. A Istanbul, des centaines de manifestants ont scandé des slogans tels que "le sionisme sera vaincu, la résistance palestinienne triomphera", devant la mosquée de Beyazit, dans le centre historique de la ville, à l'appel d'organisations islamistes, a constaté un photographe de l'AFP. Sur la place de Taksim, principale esplanade de la ville turque, un portrait du Premier ministre israélien Ehud Olmert a été aspergé de peinture rouge, tandis que des militants communistes déposaient une gerbe funéraire devant le consulat d'Israël, selon l'agence de presse Anatolie.
Plusieurs centaines de manifestants ont également protesté devant l'ambassade d'Israël à Ankara, jetant notamment des chaussures vers le bâtiment, selon les images diffusées par les chaînes de télévision.
Plusieurs milliers de personnes ont aussi manifesté dans une dizaine d'autres villes de Turquie.
A Rome, environ 200 personnes, selon les organisateurs, ont participé à un sit-in sur la piazza Navone pour demander au gouvernement italien de "geler tous les accords économiques et militaires" avec Israël. Les manifestants dénonçaient aussi "le nettoyage ethnique et le terrorisme de l'Etat israélien", selon l'agence Ansa.
La Mauritanie a rompu les relations avec Israël.DFP
Les raisons d’une tuerie massive
Le bombardement et les actions militaires sur la bande de Gaza par l'armée israélienne remettent sur la table la question : pourquoi palestiniens et israéliens n'arrivent pas à résoudre leur conflit ? Qui est fautif ? Est-ce uniquement le Hamas qui a refusé de renouveler son cessez-le-feu après six mois d'inactivité politique et militaire ? Est-ce Israël qui n'a pas engagé de démarches en faveur d'une négociation durant ces six mois ? Ou y a-t-il aussi des causes plus profondes ?
Le Hamas est sans nul doute responsable des tirs de roquettes. Mais le Hamas n'est pas la totalité de la population palestinienne qui, après trois générations, vit à Gaza, dans la misère. Celle-ci a été récemment accentuée par un blocus supplémentaire pour la punir d'avoir voté pour le Hamas par désespoir. Or, l'ironie comme le relevait Charles Enderlin (le Monde du 04.02.06), c'est qu'Israël a ouvert la boîte de Pandore en 1982, en donnant le feu vert - et, affirment certains, une contribution matérielle - à la naissance du Hamas en Palestine pour créer un contrepouvoir à l'OLP laïque. Bien sûr il y a cette constante et terrible insécurité dans les villes du sud, que tout gouvernement se doit de juguler. La question est de savoir si la réaction contre le Hamas à Gaza apparemment « disproportionnée » est expliquée par des objectifs de sécurité ou par les élections à venir en Israël ? Après le revers de l'armée israélienne dans la guerre du Liban, en été 2006, Kadima, le parti du premier ministre Olmert et du ministre des affaires étrangères Livni, a été malmené par l'opposition, depuis. Il semble que les dirigeants de Kadima gardent un œil sur les élections, espérant que leurs actions sur Gaza effaceront les taches de la calamité de 2006.
L'hypothèse d'un cycle électoral de la violence militaire peut aider à comprendre les échecs des initiatives de paix passées. Dans le système parlementaire israélien, fondé sur la représentation proportionnelle, les petits partis radicaux peuvent décider de qui gouverne, fournissant les votes nécessaires pour obtenir une majorité. Ainsi, depuis les années 1970, les deux plus grands partis, le Likoud et le Parti travailliste, ont dû compter sur les petits partis radicaux (Shass, le Mafdal, Israel Beytenou, etc.) afin de composer des coalitions majoritaires, et ont dû s'assurer de leur soutien au détriment du processus de paix. Des provocations peuvent aussi orienter le processus politique, comme lorsqu'Ariel Sharon s'est servi de son tour armé de l'Esplanade des Mosquées pour déclencher la seconde Intifada, qui a son tour a mené à une radicalisation des positions et a garanti son élection en février 2001. De même, la politique unilatérale de paix initiée par le même Sharon en 2005 qui a mené au retrait des forces israéliennes de Gaza en 2005 est cohérente avec la thèse selon laquelle les cartes sont entre les mains des politiciens en Israël et que ce sont les enjeux politiques, plutôt que la sécurité, qui orientent la plupart des stratégies dans la région. Ce ne serait pas la première fois ni le premier pays dans lequel la violence militaire est utilisée comme un signe de force pour l'électorat (on pense à la Russie à l'égard de la Tchétchénie ou de la Géorgie). Le problème de la paix avec les Palestiniens semble ainsi être devenu un point de négociation principalement dans l'arène politique israélienne, où les partis et les politiciens ont des intérêts électoraux et professionnels.
Directement ou indirectement, le Hamas a participé à ce jeu de politique interne à Israël. Les extrémistes partagent implicitement les mêmes buts, même si cela est pour différentes raisons : saboter le processus « paix contre terre ». Ainsi, au moment où les négociations entre Israël et l'autorité palestinienne de Yasser Arafat ont repris en 1992, le Hamas a initié des actions violentes, d'abord contre des soldats israéliens.
Mais après l'assassinat de 29 musulmans en prière par Baruch Goldstein, membre du groupe extrémiste Kach et opposé au processus d'Oslo, en 1994, le Hamas a commencé à attaquer des civils, et en 1995 initia l'horreur des attentats-suicides. Les attentats de Hamas ont sapé l'autorité du Premier ministre travailliste intérimaire, Shimon Peres, qui a alors perdu les élections de 1996 face à Benyamin Netanyahu. Celui-ci va en profiter pour obtenir le soutien de son opinion publique et suspendre ainsi le processus de paix en revenant sur les accords signés par Yitzakh Rabin. Comment alors sortir d'un tel engrenage de la violence politique ?
Les israéliens devraient arrêter l'embargo commercial sur Gaza. Le protectionnisme est une recette pour la pauvreté, qu'il vienne de l'intérieur ou de l'extérieur. Un embargo impose à une population extérieure ce que les protectionnistes veulent lui imposer de l'intérieur. A cet égard, la politique d'Israël envers Gaza - restrictions économiques et checkpoints - étouffe l'activité économique. Lorsque les populations ne s'affairent pas à produire, elles commencent à penser à détruire. L'idéologie est l'ingrédient le plus important de l'extrémisme violent, mais la misère économique, le chômage et le désespoir sont des éléments aussi importants. Le FMI a récemment rappelé qu'au moins 79% des ménages à Gaza vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Celle-ci vient de l'absence de liberté économique dans les territoires palestiniens, et particulièrement Gaza. La Banque Mondiale observe qu'Israël, en limitant la liberté de circulation des personnes et des biens, compromet toute chance de sortie de crise pour l'économie palestinienne.
Israël et la Palestine ont le pouvoir de stopper ce cercle vicieux, en reconnaissant le droit à l'existence de l'autre. Le peuple d'Israël et le peuple de Palestine doivent comprendre que le cycle de représailles lancé par les extrémistes et les politiciens est contreproductif et que le seul chemin vers la paix est la négociation. Ce cycle électoral suggère cependant que si la solution politique est indispensable, elle est insuffisante. La paix requiert aussi une composante économique. La levée des obstacles à la libre circulation des biens et des personnes facilitera les négociations de paix car en échangeant des biens plutôt que des roquettes, les ennemis d'aujourd'hui deviendront demain les partenaires de paix. Comme l'écrivait Montesquieu « la paix est un effet naturel du commerce ».
Hicham El Moussaoui et Emmanuel Martin sont chroniqueurs sur www.unmondelibre.org, Tom Palmer est analyste politique à Washington DC
Les funestes conséquences de la guerre
L'opération israélienne « Plomb durci » produit des dommages pudiquement qualifiés de collatéraux. Mais un dommage plus sournois que les morts, blessures ou handicaps infligés aux civils à Gaza risque de devoir être comptabilisé un jour à l'heure du bilan. En effet, comme l'écrit ce lundi Akiva Eldar, du quotidien israélien Haaretz, « la destruction et la haine qu'Israël sème dans les territoires les transforment en réalité somalienne - un aimant pour les milices extrémistes à la Al-Qaïda ». Comment imaginer, de fait, que les heures terrifiantes que vivent les Gazaouis vont les muer en sionistes convaincus ?
L'auteur Jonathan Geffen, neveu de Moshe Dayan, écrivait ceci dans le Maariv dimanche : « Certes, l'Etat a le devoir de protéger ses citoyens. Mais cette guerre insensée n'éliminera jamais le Hamas. Au contraire, elle rendra la population de Gaza davantage sensible aux extrémistes. Une fois de plus, nous faisons la seule chose que nous semblons savoir faire : un massacre de masse qui finit toujours par être perçu comme une sorte de génocide (pardonnez-moi l'expression), une opération de destruction et de dévastation qui ne nous amène jamais en retour que davantage de dévastation et de destruction».
Comme un engrenage infernal. Les images que les chaînes arabes satellitaires transmettent depuis la bande de Gaza, celles de corps mutilés, d'enfants martyrisés, d'hôpitaux débordés, laisseront des traces profondes dans les esprits. La colère et l'indignation sont mauvaises conseillères.
Uri Avnery, ce vétéran israélien de la cause de la paix, laissait poindre samedi un pessimisme inhabituel : « Cela aura des conséquences historiques. Toute une génération de dirigeants arabes, une génération imprégnée de l'idéologie du nationalisme arabe laïque, les successeurs de Gamal Abd-al-Nasser, Hafez al-Assad et Yasser Arafat, pourrait être balayée de la scène. Dans le monde arabe, la seule alternative viable est celle de l'idéologie fondamentaliste islamique. Cette guerre l'écrit en lettres capitales : Israël a manqué une chance historique de faire la paix avec le nationalisme arabe laïque. Demain, il pourra être confronté à un monde arabe uniformément fondamentaliste, un Hamas multiplié par mille ».
Un avertissement très sérieux.
Source BAUDOUIN LOOS
Retour sur la bande de Gaza
Des connaissances nulles voire incomplètes au sujet de ce territoire du sud-ouest d'Israël nuisent à la compréhension du conflit. La zone est en majorité constituée de populations arabes, et dès la proclamation de l'indépendance d'Israël en 1948, l'Egypte envahit la bande de Gaza. Malgré des tentatives de réappropriation de la zone par Israël, dont la plus aboutie reste celle de 1956, l'état hébreu doit attendre la guerre des six jours en 1967 pour reprendre possession de la bande. Ce conflit éclair, qui opposa Israël à une coalition arabe constituée de la Syrie, l'Irak, la Jordanie et l'Égypte permit à Israël de multiplier par 3 sa superficie. Sont alors conquis la bande de Gaza, la péninsule du Sinaï, la Cisjordanie ainsi que Jérusalem-Est, qui reste sous une forte influence démographique arabe.
Reste que deux de ces territoires, la Cisjordanie et la bande de Gaza sont dissociés d'Israël en 2005, suite à une décision émanant du premier ministre Ariel Sharon, qui délègue ainsi le pouvoir à l'Autorité Palestinienne. Les colons juifs qui s'étaient installés sont donc évacués et relogés. Mais le départ d'Israël n'a en aucun cas apaisé les tensions puisque les Palestiniens ont plongé dans une lutte interne, faisant suite à la victoire du mouvement “terroriste” du Hamas dans le cadre des élections législatives de 2006. Le Fatah, parti du président Mahmoud Abbas propose alors l'instauration d'un gouvernement d'union nationale, proposition qui subira l'échec des négociations entre les deux parties. Le Hamas opère alors un coup d'état en juin 2007 dans la bande de Gaza, où l'Autorité Palestinienne de Mahmoud Abbas est évincée. Depuis cette date, la bande est soumise à un blocus d'Israël, conditionnant ainsi l'arrivée de vivres, médicaments, d'électricité et surtout, d'eau.
Affaiblir les capacités
militaires du Hamas
La volonté d'affaiblir militairement le Hamas, et ainsi provoquer une rémission des roquettes tirées sur les villes aux alentours de la bande de Gaza ont notamment poussé Israël à mener l'opération "Plomb Durci". Notre objectif est de renvoyer la bande de Gaza des décennies en arrière en termes de capacité militaire, en faisant le maximum de victimes chez l'ennemi et le minimum au sein des forces armées israéliennes avait concédé le 28 décembre dernier le général Yoav Galant. Une amélioration significative des capacités militaires du Hamas ont en effet été observées, la portée des tirs de roquette s'étant élargi à plusieurs kilomètres supplémentaires, les villes d'Ashdod (2ème port du pays) et de Beershev ayant été victimes de tirs de roquette pour la première fois. Si les capacités technologiques du Hamas étaient amenés à progresser, il ne fait pas de doute que la capitale économique d'Israël, Tel Aviv, pourrait entrer à terme, dans le champ de vision du mouvement islamiste.
Ce désir d'affaiblir les capacités militaires du Hamas s'est fait d'autant plus pressant que le nombre de roquettes lancées en direction de la ville de Sderot (distance à la bande de gaza : 1cm) ne cessaient de se faire plus nombreuses depuis le blocus mené par Israël sur la bande de Gaza. En l'espace de 23 ans, quelques 6 311 roquettes auraient atterris aux alentours de la cité. Plus récemment, les roquettes artisanales Qassam sont désormais privilégiées lors des tirs visant Israël, en particulier Sderot.
Bien que leurs trajectoires soient impossibles à définir, les roquettes Qassam auraient blessés plus de 1000 personnes et tués 14 israéliens, cela depuis mars 2002 où la première Qassam parvint enfin à atteindre le sol israélien. Utilisées par le Hamas pour la première fois en octobre 2001, leur bon fonctionnement ne fut assuré que quelques mois après. En effet, faute d'assurer leur maniement, les agents du Hamas ne parvenait à atteindre Israël, et les Qassam atterrissaient bien souvent au beau milieu de la bande de Gaza. Cette évolution des capacités et des performances du Hamas peut s'appliquer sur un plan plus global, et justifie ainsi la crainte d'Israël de voir un jour le Hamas atteindre la ville de Tel Aviv. Une des motivations phares d'Israël dans l'opération "Plomb Durci" résulte ainsi du désir d'affaiblir de façon significative les capacités militaires du Hamas, et ainsi retarder ses progressions technologiques.
Discréditer et affaiblir politiquement le Hamas
Alors que le Hamas avait atteint l'apogée de sa popularité en 2006, lors d'élections législatives libres qui l'avait vu rafler 56% des sièges du parlement palestinien, aucune échéance électorale permettant de confirmer cet élan n'a eu lieu. Un an après cette victoire, Mahmoud Abbas, qui constatait la stérilité des négociations, avait d'ailleurs proposé l'organisation de nouvelles élections, le Hamas avait alors refusé, et s'emparait par la force de la bande de Gaza. Reste que depuis cette date, la popularité du Hamas auprès des populations palestiniennes s'est vraisemblablement dégradée, tant la situation humanitaire à Gaza a pris des aspects dramatiques.
Les sanctions internationales et le blocus d'Israël ont en effet plongé la bande de Gaza dans une spirale économique et sociale dépressive, rendant ainsi 65% de la population dépendante des aides de l'ONU. L'eau et l'électricité sont par ailleurs conditionnées, les gazaouis étant fréquemment sujets à des coupures de courant. Ces "black-out" n'épargnent pas non plus les hôpitaux, qui subissent déjà une pénurie de médicaments. En médicaments, un tiers des produits essentiels manquent. Antibiotiques, sérums, anesthésiants, antalgiques, etc estime Marie Rajablat, responsable Médecin du Monde en Palestine.
La dégradation des conditions de vie à Gaza réduit ainsi fortement l'influence du Hamas parmi les populations. Et alors que de par l'opération "Plomb Durci", Israël souhaitait en finir avec le Hamas, en bombardant ses infrastructures et en tentant de liquider ses cadres, les Palestiniens ont affiché un silence de marbre, sans apporter de soutien au mouvement islamiste. Pis, alors que le chef du Hamas Kaled Mechaal, exilé en Syrie, déclarait que nous appelons à une Intifada contre l'ennemi, aucune opération suicide et autre "bombing" n'a eu lieu.
Reste que le Hamas, souvent mis en difficulté est toujours parvenu à renaître de ses cendres, en utilisant une victimisation continue. La victoire de 2006 avait en effet suivi un assassinat fortement préjudiciable pour le Hamas, puisque celui de son chef historique, Abdel Aziz al-Rantissi. Ce dernier, avait un an plus tôt, déclaré que le temps prouvera que la politique d'assassinat ne détruira pas le Hamas. Les dirigeants du Hamas veulent être des martyrs et n'ont pas peur de la mort.
La stratégie de martyrisation opérée par le Hamas avait jusque là fonctionné. Désormais, rien n'est moins sûr tant la victoire du Hamas en 2006 a été supplantée par une crise économique, politique et humanitaire majeure. Les palestiniens passeront-ils au-dessus des échecs du Hamas en lui faisant à nouveau confiance, privilégiant dans son choix de vote la haine envers Israël et son "plomb durci" ?
Enjeux électoraux
Les élections législatives avancées du 10 février prochain seront très probablement influencées par la tournure que prendra "plomb durci". Déjà, la hiérarchie présentée par les sondages avant le conflit a été profondément bousculée, au profit des deux candidats sortants, Ehud Barak et Tzipi Livni. Cette dernière, qui n'était pas parvenue à remplir ses fonctions de formatrice du gouvernement, comptait quelques 6 points de pourcentage de retard sur le conservateur Benyamin Netanyahou. Désormais, les deux concurrents font jeu égal. Quant au ministre de la défense, Ehud Barak, il se place désormais comme un sérieux concurrent, lui qui accusait un retard supérieur à 20% sur B.Netanyahou.
Les raisons de ce tel bouleversement sont bien entendu liés à "plomb durci", qui a donné à Ehud Barak et Tzipi Livni une certaine légitimité, au profit de B.Netanyahou. Ce dernier, qui réclamait de longue date une telle opération est le grand perdant du conflit, qui a entamé son statut de favori et perdu son monopole de la fermeté. A l'inverse, le ministre de la défense Ehud Barak, critiqué pour son laxisme et ses erreurs du passé (retrait du Liban Sud, non-modernisation des équipements militaires) a réalisé un véritable coup de maître. Effectivement, en évoquant dans la presse la tenue le dimanche d'une réunion durant laquelle serait envisagée une opération à Gaza, l'ancien premier ministre avait totalement exclue le début des opérations le samedi. Un coup médiatique parfaitement ficelé qui lui permet désormais d'envisager sérieusement un nouvelle élection au poste de premier ministre. Cela dépendra bien entendu, de la tournure que prendra le conflit à Gaza...
Source Agora vox
PALESTINE, LA TRAGEDIE HUMAINE
Des milliers de manifestants en Europe contre les raids israéliens
Forte mobilisation à Londres pour une manifestation contre les raids à Gaza
Un porte-parole de la police interrogé par l'AFP a estimé "entre 10.000 et 12.000" le nombre des manifestants, tandis que la coalition pacifiste Stop the War, l'un des organisateurs avec la Campagne pour la Palestine et l'Initiative des musulmans britanniques (BMI), assurait qu'ils étaient plus de 60.000. Plusieurs milliers de personnes ont manifesté depuis le déclenchement de la guerre à travers l'Europe contre les raids israéliens dans la bande de Gaza qui a occasionné de nombreux morts. De Londres à Paris, en passant par Madrid, Copenhague ou Istanbul, les manifestants sont descendus dans la rue pour condamner l'opération lancée samedi "plomb durci", la plus violente depuis l'occupation des territoires palestiniens par Israël en 1967. A Londres, où 700 personnes selon la police, 3.000 selon une organisatrice se sont rassemblées face à l'ambassade d'Israël, dix personnes ont été arrêtées pour "trouble à l'ordre public", après trois heures d'une mobilisation agitée.
Les militants brandissaient des drapeaux de l'Autorité palestinienne et des pancartes sur lesquelles était notamment écrit "Holocauste à Gaza" et "Pas de paix, pas de justice". A Paris, dans le quartier populaire de Barbès où vit une importante population d'origine maghrébine, une manifestation a rassemblé quelque 1.300 personnes, selon la police, brandissant des banderoles où on pouvait lire "Stop au massacre des innocents".
Toujours à Paris, 150 personnes selon la police, 300 selon les organisateurs, se sont rassemblées place de l'Etoile, en haut des Champs-Elysées, en scandant "Israël terroriste, Europe complice", ou encore "Shoah à Gaza". A Madrid, entre 500 et 1.000 personnes ont manifesté devant l'ambassade d'Israël, à l'appel de l'association "Paix maintenant", a constaté l'AFP. "Non à l'holocauste palestinien", proclamaient pancartes et banderoles. Au Danemark, 700 personnes selon la police, 2.000 selon les organisateurs ont manifesté à l'appel de plusieurs organisations musulmanes danoises devant l'ambassade d'Israël. Un homme, extérieur aux groupes organisateurs, a été arrêté après avoir jeté un cocktail Molotov en direction de la police. Près de 300 personnes se sont aussi rassemblées à Aarhus, deuxième ville du pays. La veille, un millier de manifestants avaient défilé à Stockholm à l'appel de l'Union islamique de Suède. A Istanbul, des centaines de manifestants ont scandé des slogans tels que "le sionisme sera vaincu, la résistance palestinienne triomphera", devant la mosquée de Beyazit, dans le centre historique de la ville, à l'appel d'organisations islamistes, a constaté un photographe de l'AFP. Sur la place de Taksim, principale esplanade de la ville turque, un portrait du Premier ministre israélien Ehud Olmert a été aspergé de peinture rouge, tandis que des militants communistes déposaient une gerbe funéraire devant le consulat d'Israël, selon l'agence de presse Anatolie.
Plusieurs centaines de manifestants ont également protesté devant l'ambassade d'Israël à Ankara, jetant notamment des chaussures vers le bâtiment, selon les images diffusées par les chaînes de télévision.
Plusieurs milliers de personnes ont aussi manifesté dans une dizaine d'autres villes de Turquie.
A Rome, environ 200 personnes, selon les organisateurs, ont participé à un sit-in sur la piazza Navone pour demander au gouvernement italien de "geler tous les accords économiques et militaires" avec Israël. Les manifestants dénonçaient aussi "le nettoyage ethnique et le terrorisme de l'Etat israélien", selon l'agence Ansa.
La Mauritanie a rompu les relations avec Israël.DFP
Les raisons d’une tuerie massive
Le bombardement et les actions militaires sur la bande de Gaza par l'armée israélienne remettent sur la table la question : pourquoi palestiniens et israéliens n'arrivent pas à résoudre leur conflit ? Qui est fautif ? Est-ce uniquement le Hamas qui a refusé de renouveler son cessez-le-feu après six mois d'inactivité politique et militaire ? Est-ce Israël qui n'a pas engagé de démarches en faveur d'une négociation durant ces six mois ? Ou y a-t-il aussi des causes plus profondes ?
Le Hamas est sans nul doute responsable des tirs de roquettes. Mais le Hamas n'est pas la totalité de la population palestinienne qui, après trois générations, vit à Gaza, dans la misère. Celle-ci a été récemment accentuée par un blocus supplémentaire pour la punir d'avoir voté pour le Hamas par désespoir. Or, l'ironie comme le relevait Charles Enderlin (le Monde du 04.02.06), c'est qu'Israël a ouvert la boîte de Pandore en 1982, en donnant le feu vert - et, affirment certains, une contribution matérielle - à la naissance du Hamas en Palestine pour créer un contrepouvoir à l'OLP laïque. Bien sûr il y a cette constante et terrible insécurité dans les villes du sud, que tout gouvernement se doit de juguler. La question est de savoir si la réaction contre le Hamas à Gaza apparemment « disproportionnée » est expliquée par des objectifs de sécurité ou par les élections à venir en Israël ? Après le revers de l'armée israélienne dans la guerre du Liban, en été 2006, Kadima, le parti du premier ministre Olmert et du ministre des affaires étrangères Livni, a été malmené par l'opposition, depuis. Il semble que les dirigeants de Kadima gardent un œil sur les élections, espérant que leurs actions sur Gaza effaceront les taches de la calamité de 2006.
L'hypothèse d'un cycle électoral de la violence militaire peut aider à comprendre les échecs des initiatives de paix passées. Dans le système parlementaire israélien, fondé sur la représentation proportionnelle, les petits partis radicaux peuvent décider de qui gouverne, fournissant les votes nécessaires pour obtenir une majorité. Ainsi, depuis les années 1970, les deux plus grands partis, le Likoud et le Parti travailliste, ont dû compter sur les petits partis radicaux (Shass, le Mafdal, Israel Beytenou, etc.) afin de composer des coalitions majoritaires, et ont dû s'assurer de leur soutien au détriment du processus de paix. Des provocations peuvent aussi orienter le processus politique, comme lorsqu'Ariel Sharon s'est servi de son tour armé de l'Esplanade des Mosquées pour déclencher la seconde Intifada, qui a son tour a mené à une radicalisation des positions et a garanti son élection en février 2001. De même, la politique unilatérale de paix initiée par le même Sharon en 2005 qui a mené au retrait des forces israéliennes de Gaza en 2005 est cohérente avec la thèse selon laquelle les cartes sont entre les mains des politiciens en Israël et que ce sont les enjeux politiques, plutôt que la sécurité, qui orientent la plupart des stratégies dans la région. Ce ne serait pas la première fois ni le premier pays dans lequel la violence militaire est utilisée comme un signe de force pour l'électorat (on pense à la Russie à l'égard de la Tchétchénie ou de la Géorgie). Le problème de la paix avec les Palestiniens semble ainsi être devenu un point de négociation principalement dans l'arène politique israélienne, où les partis et les politiciens ont des intérêts électoraux et professionnels.
Directement ou indirectement, le Hamas a participé à ce jeu de politique interne à Israël. Les extrémistes partagent implicitement les mêmes buts, même si cela est pour différentes raisons : saboter le processus « paix contre terre ». Ainsi, au moment où les négociations entre Israël et l'autorité palestinienne de Yasser Arafat ont repris en 1992, le Hamas a initié des actions violentes, d'abord contre des soldats israéliens.
Mais après l'assassinat de 29 musulmans en prière par Baruch Goldstein, membre du groupe extrémiste Kach et opposé au processus d'Oslo, en 1994, le Hamas a commencé à attaquer des civils, et en 1995 initia l'horreur des attentats-suicides. Les attentats de Hamas ont sapé l'autorité du Premier ministre travailliste intérimaire, Shimon Peres, qui a alors perdu les élections de 1996 face à Benyamin Netanyahu. Celui-ci va en profiter pour obtenir le soutien de son opinion publique et suspendre ainsi le processus de paix en revenant sur les accords signés par Yitzakh Rabin. Comment alors sortir d'un tel engrenage de la violence politique ?
Les israéliens devraient arrêter l'embargo commercial sur Gaza. Le protectionnisme est une recette pour la pauvreté, qu'il vienne de l'intérieur ou de l'extérieur. Un embargo impose à une population extérieure ce que les protectionnistes veulent lui imposer de l'intérieur. A cet égard, la politique d'Israël envers Gaza - restrictions économiques et checkpoints - étouffe l'activité économique. Lorsque les populations ne s'affairent pas à produire, elles commencent à penser à détruire. L'idéologie est l'ingrédient le plus important de l'extrémisme violent, mais la misère économique, le chômage et le désespoir sont des éléments aussi importants. Le FMI a récemment rappelé qu'au moins 79% des ménages à Gaza vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Celle-ci vient de l'absence de liberté économique dans les territoires palestiniens, et particulièrement Gaza. La Banque Mondiale observe qu'Israël, en limitant la liberté de circulation des personnes et des biens, compromet toute chance de sortie de crise pour l'économie palestinienne.
Israël et la Palestine ont le pouvoir de stopper ce cercle vicieux, en reconnaissant le droit à l'existence de l'autre. Le peuple d'Israël et le peuple de Palestine doivent comprendre que le cycle de représailles lancé par les extrémistes et les politiciens est contreproductif et que le seul chemin vers la paix est la négociation. Ce cycle électoral suggère cependant que si la solution politique est indispensable, elle est insuffisante. La paix requiert aussi une composante économique. La levée des obstacles à la libre circulation des biens et des personnes facilitera les négociations de paix car en échangeant des biens plutôt que des roquettes, les ennemis d'aujourd'hui deviendront demain les partenaires de paix. Comme l'écrivait Montesquieu « la paix est un effet naturel du commerce ».
Hicham El Moussaoui et Emmanuel Martin sont chroniqueurs sur www.unmondelibre.org, Tom Palmer est analyste politique à Washington DC
Les funestes conséquences de la guerre
L'opération israélienne « Plomb durci » produit des dommages pudiquement qualifiés de collatéraux. Mais un dommage plus sournois que les morts, blessures ou handicaps infligés aux civils à Gaza risque de devoir être comptabilisé un jour à l'heure du bilan. En effet, comme l'écrit ce lundi Akiva Eldar, du quotidien israélien Haaretz, « la destruction et la haine qu'Israël sème dans les territoires les transforment en réalité somalienne - un aimant pour les milices extrémistes à la Al-Qaïda ». Comment imaginer, de fait, que les heures terrifiantes que vivent les Gazaouis vont les muer en sionistes convaincus ?
L'auteur Jonathan Geffen, neveu de Moshe Dayan, écrivait ceci dans le Maariv dimanche : « Certes, l'Etat a le devoir de protéger ses citoyens. Mais cette guerre insensée n'éliminera jamais le Hamas. Au contraire, elle rendra la population de Gaza davantage sensible aux extrémistes. Une fois de plus, nous faisons la seule chose que nous semblons savoir faire : un massacre de masse qui finit toujours par être perçu comme une sorte de génocide (pardonnez-moi l'expression), une opération de destruction et de dévastation qui ne nous amène jamais en retour que davantage de dévastation et de destruction».
Comme un engrenage infernal. Les images que les chaînes arabes satellitaires transmettent depuis la bande de Gaza, celles de corps mutilés, d'enfants martyrisés, d'hôpitaux débordés, laisseront des traces profondes dans les esprits. La colère et l'indignation sont mauvaises conseillères.
Uri Avnery, ce vétéran israélien de la cause de la paix, laissait poindre samedi un pessimisme inhabituel : « Cela aura des conséquences historiques. Toute une génération de dirigeants arabes, une génération imprégnée de l'idéologie du nationalisme arabe laïque, les successeurs de Gamal Abd-al-Nasser, Hafez al-Assad et Yasser Arafat, pourrait être balayée de la scène. Dans le monde arabe, la seule alternative viable est celle de l'idéologie fondamentaliste islamique. Cette guerre l'écrit en lettres capitales : Israël a manqué une chance historique de faire la paix avec le nationalisme arabe laïque. Demain, il pourra être confronté à un monde arabe uniformément fondamentaliste, un Hamas multiplié par mille ».
Un avertissement très sérieux.
Source BAUDOUIN LOOS