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Société Publié le lundi 26 janvier 2009 | Nord-Sud

Mathieu Wadja Egnankou (Président de l`Ong Sos-Forêts) : "Le 3ème pont d`Abidjan va détruire le jardin botanique"

Defenseur de l’environnement Wadra Egnakou nous parle du jardin botanique de Cocody et des forêts en Côte d'Ivoire. Il faut, selon lui, des actions vigoureuses et immédiates pour sauver les espèces végétales.


•Quel est l'état du jardin botanique de Cocody aujourd'hui ?

L'Ong Sos-Forêts s'est fixé comme mission la conservation des écosystèmes forestiers ivoiriens. A ce titre, nous luttons contre toutes les formes de dégradation des sites qui renferment des éléments importants de la biodiversité tels que le jardin botanique de l'université de Cocody, qui est, à l'heure actuelle, l'un des sites de conservation ex-situ de la diversité floristique en Côte d'Ivoire les mieux entretenus. Le jardin botanique de l'université de Cocody demeure, malgré les difficultés budgétaires et les pressions de toutes sortes, très important. Il faut féliciter les responsables du Centre national de floristiques (Cnf) qui ont su préserver cet outil didactique de grande valeur. Sur cet espace de dimension réduite, l'on a pu sauvegarder l'essentiel des espèces d'arbres des forêts de Côte d'Ivoire.


•Combien d'espèces regroupe-t-il ?

Je ne sais pas très exactement mais je pense que cette petite forêt de 4 hectares artificielle et 14 hectares de jachère renferme la plupart des espèces d'arbres de Côte d'Ivoire, environ 600 espèces.


•Quelle est son utilité pour l'université ?

Le Cnf est un outil pédagogique de grande importance pour l'université. Il comprend, outre l'arboretum, un herbier où sont conservés des échantillons de plantes de Côte d'Ivoire et même de certains pays du monde tropical et subtropical. Les enseignements de systématique botanique, de systémique, d'écologie végétale, etc… et même des sorties récréatives peuvent se dérouler merveilleusement dans le jardin botanique. Il faut savoir que certaines espèces qui sont dans le jardin ont même disparu des forêts ivoiriennes.



•Quelles sont justement les espèces en voie de disparition ?

Aujourd'hui, plusieurs espèces végétales sont menacées de disparition en Côte d'Ivoire. Parmi celles-ci, nous pouvons citer : le Sipo (Entandrophragma utile, E. angolense ; E. cylindricum), l'Acajou (Khaya ivorensis), l'Azobé (Lophira alata), le Bété (Mansonia altissima), l'Awalé (Caesalpinia bonduc), etc. Ces espèces, fortement menacées, sont inscrites sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (Uicn).



•Y a-t-il aussi des espèces endémiques ?

Oui. Mais ce sont des espèces qu'on rencontre rarement dans la forêt, alors que les espèces menacées sont celles qui étaient beaucoup représentées mais ont vu leur population diminuer par suite d'une surexploitation (pour le bois ou les activités agricoles). Parmi les espèces endémiques on peut citer l'Alafia multiflora et l'Aphania sénéga ensuis.



•La plupart des espèces rares et endémique sont-elles dans le jardin botanique de Cocody ?

Oui. Comme je l'ai dit, c'est l'un des sites de conservation ex-situ de la diversité floristique en Côte d'Ivoire les mieux entretenus.



•Quels risques courent exactement toutes ces espèces contenues dans ce musée végétal?

La première menace sur le jardin est le projet de construction du troisième pont. En effet, si ce pont est construit tel que prévu, il va détruire une partie très importante du jardin. Cette menace peut cependant être minimisée en prévoyant l'extension du jardin et le déplacement des espèces touchées vers la partie Ouest. En plus de cela, il faut noter qu'il n'y a pas de politique pour conserver les grains de certaines espèces qui meurent.



•Que faut-il faire pour protéger ce conservatoire?

Il faut réhabiliter la clôture et apporter les fonds nécessaires pour son fonctionnement afin de lui permettre de remplir convenablement ses missions.



•Vous avez été également lauréat africain du Prix international Goldman de l'environnement en 1992, discerné en Californie aux Etats-Unis. Ce Prix récompensait vos actions en faveur de la protection de la forêt. Comment peut-on qualifier l'état actuel des forêts en Côte d'Ivoire ?

Les forêts ivoiriennes se trouvent actuellement dans un état de dégradation très avancé. Malgré la signature de la plupart des conventions internationales et la mise en place de structures chargées de protéger les ressources et assurer un développement durable au pays, les espèces animales et végétales et leurs habitats n'ont cessé de se dégrader pour atteindre des proportions alarmantes aujourd'hui. Le rythme moyen actuel de réduction du couvert forestier est compris entre 200.000 et 250.000 hectares par an. La dégradation du patrimoine biologique n'épargne aucun milieu. Le domaine rural tout comme le domaine permanent de l'Etat sont mis à mal aussi bien par les populations que par ceux qui ont la responsabilité de leur gestion. Sur l'ensemble des aires protégées (Parcs nationaux, réserves et forêts classées), beaucoup n'existent que de nom. La partie forestière du Parc national de la Marahoué a été détruite à plus de 80%. Il y a aussi le Parc national du Mont Péko, le Parc national des Iles Ehotilé, la Réserve botanique de Divo et les forêts classées entièrement ou presque entièrement transformées en plantations, Ehania (Photo ci-dessous), Monogaga, Tanoé, Haute Dodo ; Rapides Gras ; Anguédédou (toute la partie naturelle).



•Peut-on dire que la végétation ivoirienne est riche ?

D'une façon générale, on estime à environ 5.934 le nombre d'espèces végétales que renferment l'ensemble des écosystèmes ivoiriens (Algues, protozoaires, champignons, bryophytes, angiospermes…). Ces forêts ivoiriennes sont floristiquement très riches. La zone des forêts ombrophiles (ou sempervirentes) et mésophiles considérée comme le berceau des forêts Ouest africaines, abrite la plus grande diversité d'espèces du pays. Cette zone fait partie de la forêt de haute Guinée considérée par la plupart des organisations internationales de conservation comme l'une des 25 zones du globe de grande biodiversité (extrêmement riche en espèces spécialisées).



•Quel risque court notre patrimoine forestier et nos espèces végétales?

D'abord, le pays joue sa crédibilité. N'oublions pas que la Côte d'Ivoire a signé la plupart des conventions internationales du domaine de la conservation des ressources naturelles (Conventions sur la biodiversité, la désertification, les changements climatiques, les zones humides, etc…). La perte des ressources forestières va entraîner des catastrophes écologique, économique, sociale et scientifique (disparition de la diversité biologique, destruction du sol, baisse de la pluviométrie, changements climatiques, industrie du bois, agriculture non durable, médecine par les plantes, augmentation des gaz à effet de serre (Co2), pauvreté généralisé, conflits fonciers etc…). Cela compromettra le développement durable car plus grande est la richesse biologique, plus fortes sont les possibilités de découvertes.



•Que faut-il faire?

Il faut protéger notre patrimoine forestier. La Côte d'Ivoire doit veiller à l'application effective des lois et respecter les engagements signés.


Interview réalisée par Raphaël Tanoh
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