Zone FN : Unicité des caisses de l`Etat - Ce que les populations attendent de l`Etat

Plus que trois jours pour la phase opérationnelle de l’unicité de caisse. Les populations des zones Centre, Nord et Ouest qui se disent prêtes à payer les taxes attendent également le retour de l’ascenseur à travers les fonctions régaliennes de l’Etat.

L’unicité de caisse implique certes des charges pour les citoyens mais aussi et surtout des obligations pour l’Etat. Guillaume Soro qui s’est résolument engagé dans la réalisation effective de ce chapitre de l’accord complémentaire 4 de Ouaga ne manque pas d’occasion pour expliquer aux populations que l’unicité des caisses ne doit pas être comprise seulement comme le retrait des commandants de zones et de leurs régisseurs de la Centrale (Régie financière des FN) des affaires financières dans les zones CNO. Elle doit aussi être comprise comme un retour à la normalité.



Des obligations mais aussi…

Ce qui implique des obligations pour les citoyens. Chacun doit donc désormais payer ses impôts et autres charges légales. « Préparez-vous à payer vos impôts », avait laissé entendre le chef du gouvernement le 19 janvier devant les populations de Bouaké venues lui souhaiter la bonne année. Mardi, à l’occasion de la clôture du séminaire sur la mise en oeuvre de l’unicité des caisses, Guillaume Soro a encore affirmé: «Je demande solennellement aux commandants de zone et aux régisseurs de s’apprêter psychologiquement, mentalement à rentrer dans le moule de l’unicité des caisses de l’Etat. Mais au-delà de nous, je demande aux populations de s’apprêter à renouer avec le réflexe de certains impôts qui, durant 7 ans, n’ont pas été payés.»

Cette pilule, la population qui l’attendait plus ou moins l’accepte en dépit des inquiétudes. Pour le Diallo, résident au quartier Commerce, l’unité des caisses est synonyme de développement économique et social. «Je ne vous comprends pas. Vous dites chaque fois qu’ils ont coupé l’électricité, ils ont coupé l’eau, il n’y a pas de route à Bouaké. Où voulez-vous qu’on prenne l’argent pour le faire ? Ce sont les impôts et les taxes. Ce qu’on peut demander c’est d’aller doucement avec les populations et les commerçants», rétorque-t-il à un de ses amis qui semblait s’opposer à ce retour à la normale. Darius K., professeur de maths dans un lycée de la ville, se veut plus précis : «Si nous payons nos impôts, il est normal qu’en retour l’Etat ou ses collectivités nous renvoie l’ascenseur par la fourniture de prestations sociales.»

Il faut noter que plusieurs Ong internationales avaient volé au secours des populations, dès que la crise a éclaté et que les services étatiques ont fermé (Médecins sans frontières, Care International,…). Ces humanitaires ont commencé à se retirer avec la normalisation progressive de la vie de la nation.

La collecte des recettes douanières et fiscales demandera aussi de la main d’?uvre supplémentaire. Ce sera l’occasion de lutter efficacement contre le chômage dans une zone où la création d’emploi était devenue inexistante.



…des droits.

Par exemple, la collecte des ordures dans une ville comme Bouaké est pourvoyeuse d’emplois. Le maire Fanny Ibrahima est d’ailleurs un farouche partisan de l’unicité des caisses de l’Etat. Pour lui, sa matérialisation permettra de renflouer la caisse de l’Etat qui, à son tour, versera sa quote-part à la municipalité. «Nous pourrons ainsi payer les salaires de nos agents restés impayés depuis plus de 7 ans bientôt. Nous procéderons également à la salubrité publique. Nous poursuivrons aussi l’éclairage public, la réhabilitation de la voirie. Cela se fera bien entendu par la création d’emplois pour les jeunes», se réjouit-il.

A l’image de la commune, le conseil général de Bouaké souhaite aussi s’impliquer au nom des populations dans la reprise du développement économique et social. Selon l’un des proches du président Jean Claude Kouassi, le conseil compte poursuivre les travaux d’électrification rurale, d’adduction en eau potable, de construction de barrages agropastoraux, de constructions et d’équipement des hôpitaux. «Les populations nous ont élu pour quelque chose. Si elles paient les impôts, il faut qu’on leur offre une contrepartie. C’est tout à fait normal», a précisé un conseiller. Dans les administrations publiques sanitaires et éducatives, l’on attend beaucoup de l’opérationnalisation de l’unicité des caisses. Du fait de la guerre, les établissements des zones Cno ont fonctionné jusque-là sans ligne budgétaire. Selon le proviseur d’un lycée de la place, c’est avec le lancement de l’unicité que les chefs d’établissements ont été autorisés à déposer des budgets de fonctionnement. Le décaissement ne sera effectif qu’avec l’entrée en vigueur de l’opération en cours. Les élèves qui suivent les cours dans des salles de classes endommagées et non électrifiées, sans aucune bourse scolaire, fondent aussi un espoir sur cette opération. Tous espèrent comme Pondoh Jacques que «le paiement des taxes va favoriser la reprise des services sociaux de base.» Il n’oublie pas la télé nationale qui doit émettre avec le versement des redevances payées sur les factures Cie-Sodeci. Au marché, les commerçants ne sont pas en marge du processus. Ces opérateurs économiques qui versent déjà des taxes à la mairie depuis la réouverture de ses bureaux deviennent exigeants. De fait, ils souhaitent avoir une ville plus propre. Du côté des Forces nouvelles, l’on estime que l’opération permettra aux chefs militaires de ne s’occuper que de choses militaires. Le chef d’état-major-adjoint, au cours de ses tournées dans les casernes, ne cesse de revenir sur ce que gagne son mouvement dans la mise en oeuvre de l’unicité des caisses. 5.000 places de Volontaires dans la nouvelle armée (Van), 3.000 places à la police et à la gendarmerie, des places à la douane et aux eaux et forets. Tous payés sur le budget de l’Etat. En plus, chaque démobilisé devra recevoir 500.000 francs comme prime de démobilisation, conformément aux dispositions de l’Apo 4. «L’unicité des caisses est faite pour arranger les Forces nouvelles. L’argent recueilli va permettre de recruter des policiers, des gendarmes et des douaniers, construire des routes et des hôpitaux», a conclu le commandant Issiaka Ouattara dit «Wattao».

Cette opération d’unicité permettra aussi le recrutement des régisseurs de l’ex-Centrale à la Fonction publique. Les fonctionnaires des Impôts et Trésor qui avaient rejoint les ex-rebelles seront aussi réintégrés.


Allah Kouamé, Correspondant régional