Yéo Yénaplaritio, apprenti mécanicien, est né le 04 avril1990. Il va boucler ses 18 ans dans quelques mois. Comme tout jeune Ivoirien de son âge, muni de l’original et de la photocopie de son extrait d’acte de naissance, il croyait pouvoir profiter de l’opération d’identification et d’enrôlement en cours pour être bientôt détenteur d’une carte nationale d’identité. Ce vendredi matin, il est un peu plus de 11 h quand le jeune mécanicien quitte l’enceinte du centre d’enrôlement de l’Ecole primaire Korhogo Est. Visiblement affligé et désespéré, il a l’âme en peine. Et pour cause, son passage dans ce centre d’identification est le énième qu’il entreprend sans succès. Les jeunes de son âge qui ont connu cette désillusion sont légion. Selon M. Coulibaly Siriki, chef de centre de collecte à l’Ecole primaire Nanlo Bamba de Korhogo, un des plus grands centre de la ville: «au début de l’opération, sur la centaine de pétitionnaires que nous enregistrons par jour, il y avait en moyenne une dizaine de jeunes de moins de 18 ans. Malgré ce chiffre plus ou moins important, nous avions enrôlé après deux semaines de travail seulement quatre d’entre eux». Yéo, le jeune mécanicien avait pourtant nourri tant d’espoir. Le certificat de nationalité, la principale difficulté
Comme Yéo, ils sont nombreux, ces jeunes dans la zone CNO qui ne peuvent obtenir le fameux "sésame" qui leur ouvre la porte à la possession de la fameuse CNI, fortement convoitée par l’ensemble des Ivoiriens qui cherchent à confirmer leur identité au moment où le pays sort d’une longue crise à forte odeur identitaire. Tous sont refusés pour la même raison : l’absence du certificat de nationalité qui est exigé pour cette opération à toutes les personnes de cet âge. En effet, selon le découpage par tranches d’âge dans le cadre de cette opération, Yéo fait partie du groupe des mineurs, ceux qui sont nés à partir du 1er avril 1990 ou dans le courant de l’année 1991. Il faut noter que la plupart des jeunes qui sont dans ce cas de figure souffrent d’un déficit d’informations relatives au certificat de nationalité. Mlle Florence Yéo, chef de centre de collecte à l’EPP Ouézzin Coulibaly de Korhogo en a fait le constat: «nous sommes parfois mal compris par les pétitionnaires de moins de 18 ans, qui voient parfois en nous les responsables du rejet de leur demande. Pire, certains ne savent même pas ce que c’est qu’un certificat de nationalité, encore moins comment et où on peut en établir.» Aujourd’hui, à mis parcours de l’opération dans de nombreuses localités, cette catégorie de la population a pratiquement disparu des rangs devant les centres d’identification. Dans le milieu rural, on a l’impression qu’ils ne sont pas du tout concernés. Sedion Tiorna Souleymane chef de centre de collecte à l’EPP III de Kolia expose l’ampleur du phénomène dans son centre : «les pétitionnaires compris dans cette tranche d’âge qui se présentent à nous sont en moyenne trois par jour. Mais tous ceux qui nous ont visités jusqu’à ce jour sont tous venus sans certificat de nationalité. Nous nous sommes trouvés dans l’obligation de ne pas les recevoir pour dossier incomplet. Contrairement à ce que pensent de mauvaises langues, certes, certains jeunes dans la région ignorent l’importance de l’opération, mais, ceux qui en sont informés et qui se savent concernés sont de loin les plus nombreux. Surtout en milieu urbain. Seulement voilà, ils ne peuvent obtenir le certificat de nationalité.»
Ce document qui est exclusivement fourni par un tribunal est impossible à établir à l’heure actuelle en zone centre nord ouest (CNO). Aucune juridiction n’étant fonctionnelle dans la zone contrairement à la promesse faite par le gouvernement. M. Koné Sourou, maire de Kolia, dans le département de Boundiali revient sur cette promesse avant de lancer un appel: «Je suis inquiet de voir que les jeunes de moins de 18 ans n’arrivent pas à se faire enrôler dans notre région parce qu’il n y a pas de juridiction pour leur délivrer les certificats de nationalité. Nous avions pensé que cette question serait réglée avant le démarrage de l’identification puisqu’on nous avait indiqué que les juridictions qui existaient seraient rouvertes pour délivrer les certificats de nationalité. Malheureusement il n’en est rien. Il serait important que cette question essentielle soit résolue par le ministre de la Justice dans les zones CNO avant la fin de l’enrôlement».
La seule option qui reste aux demandeurs du "sésame" est d’adresser la demande à une juridiction dans la zone dite gouvernementale, dans le sud du pays. Toutefois, franchir ce pas impose un déplacement de plusieurs kilomètres ou tout au moins d’avoir une connaissance dans les villes qui disposent d’une juridiction ouverte pour accomplir les démarches pour le compte du demandeur.
La solution de recours à un tiers ne règle le problème qu’à moitié
Mais encore, à ce niveau, deux difficultés se posent pour certains jeunes. D’une part, il y a ceux qui ne connaissent personne auprès de qui formuler la demande du service attendu. D’autre part, l’on court le risque de voir les documents expédiés s’égarer et il ne faut pas exclure que le demandeur pourrait ne jamais recevoir de suite de la part du parent sollicité. Coulibaly Tenan Aboubacary, déscolarisé, né le 11 décembre 1991, crie son désarroi : «je ne peux pas avoir de certificat de nationalité parce que je n’ai pas d’argent pour aller faire ce papier à Yamoussoukro. Or je ne connais personne qui peut m’aider.» Ces raisons qui deviennent pour bien des demandeurs une difficulté ont pour conséquence principale la non participation de cette frange de la population de la zone CNO au processus d’identification tant réclamé et présenté comme l’une des grandes opérations qui pourraient apporter une paix définitive à notre pays.
M. Koné Lacina, secrétaire départemental RDR de Korhogo déplore la situation: «c’est un mal qu’on pénalise une partie de la population. C’est d’ailleurs un monde important qui est laissé pour compte en zone CNO. Un groupe de jeunes qui constituent de potentiels électeurs si les élections venaient à être repoussées au-delà de mars 2009.» Devant ce que l’on voit venir et qu’on pourrait sans risque de se tromper qualifier de travail à moitié fait, l’on souhaite enfin voir les décideurs mettre en application les mesures qu’ils projettent mettre en œuvre pour booster le processus. En effet, si tout semble bouger dans le haut de la pyramide, rien n’est encore concret sur le terrain. Selon M. Lazani Coulibaly, président régional de la Commission électorale indépendante (CEI) de Korhogo : «officiellement, personne ne nous a approchés pour poser le problème de façon particulière. Dans la rue, on nous interpelle pour nous demander quelle solution nous pouvons trouver. Mais c’est clair que nous n’y pouvons rien. Nous nous conformons aux textes. C’est dommage, d’autant plus que les rejets sont les plus nombreux dans ce groupe d’âge. C’est d’ailleurs le seul hic que connaît l’opération d’identification dans notre département où tout se passe de façon satisfaisante» Même les partis politiques, qui sont censés encadrer les populations et leurs militants et qui sont évidemment de grands bénéficiaires d’une identification réussie, n’ont pas proposé de solution satisfaisante. Selon M. Koné Lacina : «nous ne sommes pas restés les bras croisés face au problème. Nous avons entrepris une véritable opération de sensibilisation auprès de nos parents pour leur demander de profiter de cette aubaine qu’ils ont de s’établir gratuitement leur document d’identité.» cette sensibilisation est-t-elle suffisante? A fortiori non. Puisque l’on note une absence quasi-totale des jeunes dans les centres d’enrôlement.
Mack Dakota
correspondant régional
Comme Yéo, ils sont nombreux, ces jeunes dans la zone CNO qui ne peuvent obtenir le fameux "sésame" qui leur ouvre la porte à la possession de la fameuse CNI, fortement convoitée par l’ensemble des Ivoiriens qui cherchent à confirmer leur identité au moment où le pays sort d’une longue crise à forte odeur identitaire. Tous sont refusés pour la même raison : l’absence du certificat de nationalité qui est exigé pour cette opération à toutes les personnes de cet âge. En effet, selon le découpage par tranches d’âge dans le cadre de cette opération, Yéo fait partie du groupe des mineurs, ceux qui sont nés à partir du 1er avril 1990 ou dans le courant de l’année 1991. Il faut noter que la plupart des jeunes qui sont dans ce cas de figure souffrent d’un déficit d’informations relatives au certificat de nationalité. Mlle Florence Yéo, chef de centre de collecte à l’EPP Ouézzin Coulibaly de Korhogo en a fait le constat: «nous sommes parfois mal compris par les pétitionnaires de moins de 18 ans, qui voient parfois en nous les responsables du rejet de leur demande. Pire, certains ne savent même pas ce que c’est qu’un certificat de nationalité, encore moins comment et où on peut en établir.» Aujourd’hui, à mis parcours de l’opération dans de nombreuses localités, cette catégorie de la population a pratiquement disparu des rangs devant les centres d’identification. Dans le milieu rural, on a l’impression qu’ils ne sont pas du tout concernés. Sedion Tiorna Souleymane chef de centre de collecte à l’EPP III de Kolia expose l’ampleur du phénomène dans son centre : «les pétitionnaires compris dans cette tranche d’âge qui se présentent à nous sont en moyenne trois par jour. Mais tous ceux qui nous ont visités jusqu’à ce jour sont tous venus sans certificat de nationalité. Nous nous sommes trouvés dans l’obligation de ne pas les recevoir pour dossier incomplet. Contrairement à ce que pensent de mauvaises langues, certes, certains jeunes dans la région ignorent l’importance de l’opération, mais, ceux qui en sont informés et qui se savent concernés sont de loin les plus nombreux. Surtout en milieu urbain. Seulement voilà, ils ne peuvent obtenir le certificat de nationalité.»
Ce document qui est exclusivement fourni par un tribunal est impossible à établir à l’heure actuelle en zone centre nord ouest (CNO). Aucune juridiction n’étant fonctionnelle dans la zone contrairement à la promesse faite par le gouvernement. M. Koné Sourou, maire de Kolia, dans le département de Boundiali revient sur cette promesse avant de lancer un appel: «Je suis inquiet de voir que les jeunes de moins de 18 ans n’arrivent pas à se faire enrôler dans notre région parce qu’il n y a pas de juridiction pour leur délivrer les certificats de nationalité. Nous avions pensé que cette question serait réglée avant le démarrage de l’identification puisqu’on nous avait indiqué que les juridictions qui existaient seraient rouvertes pour délivrer les certificats de nationalité. Malheureusement il n’en est rien. Il serait important que cette question essentielle soit résolue par le ministre de la Justice dans les zones CNO avant la fin de l’enrôlement».
La seule option qui reste aux demandeurs du "sésame" est d’adresser la demande à une juridiction dans la zone dite gouvernementale, dans le sud du pays. Toutefois, franchir ce pas impose un déplacement de plusieurs kilomètres ou tout au moins d’avoir une connaissance dans les villes qui disposent d’une juridiction ouverte pour accomplir les démarches pour le compte du demandeur.
La solution de recours à un tiers ne règle le problème qu’à moitié
Mais encore, à ce niveau, deux difficultés se posent pour certains jeunes. D’une part, il y a ceux qui ne connaissent personne auprès de qui formuler la demande du service attendu. D’autre part, l’on court le risque de voir les documents expédiés s’égarer et il ne faut pas exclure que le demandeur pourrait ne jamais recevoir de suite de la part du parent sollicité. Coulibaly Tenan Aboubacary, déscolarisé, né le 11 décembre 1991, crie son désarroi : «je ne peux pas avoir de certificat de nationalité parce que je n’ai pas d’argent pour aller faire ce papier à Yamoussoukro. Or je ne connais personne qui peut m’aider.» Ces raisons qui deviennent pour bien des demandeurs une difficulté ont pour conséquence principale la non participation de cette frange de la population de la zone CNO au processus d’identification tant réclamé et présenté comme l’une des grandes opérations qui pourraient apporter une paix définitive à notre pays.
M. Koné Lacina, secrétaire départemental RDR de Korhogo déplore la situation: «c’est un mal qu’on pénalise une partie de la population. C’est d’ailleurs un monde important qui est laissé pour compte en zone CNO. Un groupe de jeunes qui constituent de potentiels électeurs si les élections venaient à être repoussées au-delà de mars 2009.» Devant ce que l’on voit venir et qu’on pourrait sans risque de se tromper qualifier de travail à moitié fait, l’on souhaite enfin voir les décideurs mettre en application les mesures qu’ils projettent mettre en œuvre pour booster le processus. En effet, si tout semble bouger dans le haut de la pyramide, rien n’est encore concret sur le terrain. Selon M. Lazani Coulibaly, président régional de la Commission électorale indépendante (CEI) de Korhogo : «officiellement, personne ne nous a approchés pour poser le problème de façon particulière. Dans la rue, on nous interpelle pour nous demander quelle solution nous pouvons trouver. Mais c’est clair que nous n’y pouvons rien. Nous nous conformons aux textes. C’est dommage, d’autant plus que les rejets sont les plus nombreux dans ce groupe d’âge. C’est d’ailleurs le seul hic que connaît l’opération d’identification dans notre département où tout se passe de façon satisfaisante» Même les partis politiques, qui sont censés encadrer les populations et leurs militants et qui sont évidemment de grands bénéficiaires d’une identification réussie, n’ont pas proposé de solution satisfaisante. Selon M. Koné Lacina : «nous ne sommes pas restés les bras croisés face au problème. Nous avons entrepris une véritable opération de sensibilisation auprès de nos parents pour leur demander de profiter de cette aubaine qu’ils ont de s’établir gratuitement leur document d’identité.» cette sensibilisation est-t-elle suffisante? A fortiori non. Puisque l’on note une absence quasi-totale des jeunes dans les centres d’enrôlement.
Mack Dakota
correspondant régional