La modernisation de l’état civil ivoirien, indubitablement, mettra de l’ordre dans les fichiers de l’identification. Mais, l’opération, avant son entame, est crainte car, ils sont nombreux, ceux qui redoutent que leurs artifices soient découverts.
La question n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais, elle mérite d’être évoquée au moment où l’on parle de la modernisation de l’état civil en Côte d’Ivoire. Le désarroi des Ivoiriens, aux multiples extraits de naissance différents les uns des autres, est grand. Quel sera leur sort à l’heure du croisement des fichiers de l’état-civil? Vont-ils être rattrapés par leurs extraits qu’ils ont jetés aux oubliettes pour une raison ou pour une autre? Ces personnes vont-elles répondre de leurs actes? La modernisation de l’état civil va-t-elle ouvrir encore une autre boîte de Pandore sur l’identification? Ce sont autant des questions qui ne manquent pas d’intérêt.
Interrogées sur la question, les autorités en charge de la reconstitution des registres d’état civil, détruits ou disparus, évitent de hasarder une réponse qui pourrait fâcher ou heurter.
Le sujet, nous a-t-on rétorqué, est sensible. Le moment venu, disent-ils, on visera. «Normalement, nous nous trouvons devant des cas de fraude. C’est vrai que la pratique a eu pendant longtemps pignon sur rue. Dans le flou, il était difficile de vérifier quoique ce soit. Aujourd’hui, il faut tout clarifier », confie, toutefois, un haut magistrat.
Et, l’homme de droit de poursuivre : «Il est important qu’on procède à une numérisation des registres. C’est clair que ce travail permettra, non seulement, de remettre le système en conformité avec la loi mais également de le renforcer et de l’informatiser. La modernisation de l’état civil s’inscrit dans une perspective globale et à long terme afin que la Côte d’Ivoire soit rapidement dotée d’un système d’état civil complet, durable, sécurisé, aisément accessible et assurant une couverture optimisée des populations. Le requérant n’aura plus à faire de longue distance pour aller se faire établir une copie de son extrait. Il pourra le faire dans n’importe qu’elle centre d’état civil habilité à le faire.»
La sérénité n’est pas de mise chez Z. Guihounou. Son obsession de rejoindre sa génitrice sur les bords de la Seine (France) l’a contraint à tremper dans la ‘‘fraude’’ sur l’état-civil. Dans plusieurs localités, dans les environs d’Abidjan, il s’est fait établir, par des artifices dont il a lui seul le secret, des extraits de naissance qui lui ont permis d’avoir des passeports qu’il a chaque fois présentés pour ses demandes de visa. Hélas! Il échouait à chacune de ses tentatives.
«Je ne sais plus combien d’extraits de naissance avec des dates différentes ont été établis en mon nom. Depuis très jeune, je devais aller rejoindre ma mère en France dans le cadre d’un regroupement familial. Toutes les tentatives pour arriver dans l’Hexagone se sont soldées par des échecs. Et, à chaque fois, il fallait renouveler les extraits de naissance et les passeports (avec la mention: visa refusé). Je ne sais même pas si l’extrait que j’ai aujourd’hui est transcrit dans les registres d’état civil. Si oui, je me demande si les extraits antérieurs ne referont pas surface. Qu’est-ce que l’Etat va décider pour nous qui sommes dans ces cas-là ?», s’interroge-t-il.
Les cas sont légion
K. K. Denis fait partie du lot des personnes que le langage courant ivoirien a baptisé les ‘‘re-nés’’. Il a diminué son âge à cause des nombreux échecs scolaires, et parce que ses parents voulaient, coûte que coûte, une sortie honorable de ses années l’école c’est-à-dire avec un diplôme.
«J’ai dû réduire à mon corps défendant mon âge pour avoir beaucoup plus de chance durant mon cursus scolaire. Celui que j’avais ne me permettait pas d’avoir accès à la bourse et intégrer une école de mon choix. Après mon échec au Bepc, je n’avais plus d’autre choix que de diminuer mon âge. C’est ainsi que mes parents ont pu me faire établir un nouvel extrait mais toujours avec le même nom et une nouvelle attestation de scolarité. Seules les dates de naissance diffèrent», avoue-t-il.
K. K. Denis est aujourd’hui un cadre supérieur dans l’administration mais il a encore en mémoire, comme une tache indélébile, cette entorse à l’état civil.
Séri D, lui, a toujours utilisé le même extrait de naissance que son frère cadet, ils vivent, en somme, sous la même identité. Travaillant dans l’administration, il a toujours fait passer les enfants de son frère comme ses propres enfants bénéficiant des avantages que cela lui conférait. Il craint que la modernisation de l’état civil ne mette à nu le stratagème qui a cours depuis cinquante ans. Le cas le plus symptomatique est celui d’un ministre qui s’est entendu dire, lorsqu’il est allé se faire établir une copie de son extrait de naissance, que son numéro ne correspondait pas à celui qui était dans le registre même si les nom et prénom étaient corrects. Avec beaucoup de bonheur H. A a découvert, sous peu, que le numéro de son extrait de naissance était également utilisé par ses neveux. Il a fait bloquer, dit-il, le numéro et demandé au tribunal une transcription judiciaire. Ces quelques cas ne sont que la face visible de l’iceberg, car Dieu seul sait qu’ils sont nombreux les Ivoiriens qui ont eu recours à un moment ou à un autre à ces subterfuges. Sportifs, artistes, élèves, étudiants, fonctionnaires, travailleurs du privé…. La liste est longue.
K. Marras. D
La question n’est pas encore à l’ordre du jour. Mais, elle mérite d’être évoquée au moment où l’on parle de la modernisation de l’état civil en Côte d’Ivoire. Le désarroi des Ivoiriens, aux multiples extraits de naissance différents les uns des autres, est grand. Quel sera leur sort à l’heure du croisement des fichiers de l’état-civil? Vont-ils être rattrapés par leurs extraits qu’ils ont jetés aux oubliettes pour une raison ou pour une autre? Ces personnes vont-elles répondre de leurs actes? La modernisation de l’état civil va-t-elle ouvrir encore une autre boîte de Pandore sur l’identification? Ce sont autant des questions qui ne manquent pas d’intérêt.
Interrogées sur la question, les autorités en charge de la reconstitution des registres d’état civil, détruits ou disparus, évitent de hasarder une réponse qui pourrait fâcher ou heurter.
Le sujet, nous a-t-on rétorqué, est sensible. Le moment venu, disent-ils, on visera. «Normalement, nous nous trouvons devant des cas de fraude. C’est vrai que la pratique a eu pendant longtemps pignon sur rue. Dans le flou, il était difficile de vérifier quoique ce soit. Aujourd’hui, il faut tout clarifier », confie, toutefois, un haut magistrat.
Et, l’homme de droit de poursuivre : «Il est important qu’on procède à une numérisation des registres. C’est clair que ce travail permettra, non seulement, de remettre le système en conformité avec la loi mais également de le renforcer et de l’informatiser. La modernisation de l’état civil s’inscrit dans une perspective globale et à long terme afin que la Côte d’Ivoire soit rapidement dotée d’un système d’état civil complet, durable, sécurisé, aisément accessible et assurant une couverture optimisée des populations. Le requérant n’aura plus à faire de longue distance pour aller se faire établir une copie de son extrait. Il pourra le faire dans n’importe qu’elle centre d’état civil habilité à le faire.»
La sérénité n’est pas de mise chez Z. Guihounou. Son obsession de rejoindre sa génitrice sur les bords de la Seine (France) l’a contraint à tremper dans la ‘‘fraude’’ sur l’état-civil. Dans plusieurs localités, dans les environs d’Abidjan, il s’est fait établir, par des artifices dont il a lui seul le secret, des extraits de naissance qui lui ont permis d’avoir des passeports qu’il a chaque fois présentés pour ses demandes de visa. Hélas! Il échouait à chacune de ses tentatives.
«Je ne sais plus combien d’extraits de naissance avec des dates différentes ont été établis en mon nom. Depuis très jeune, je devais aller rejoindre ma mère en France dans le cadre d’un regroupement familial. Toutes les tentatives pour arriver dans l’Hexagone se sont soldées par des échecs. Et, à chaque fois, il fallait renouveler les extraits de naissance et les passeports (avec la mention: visa refusé). Je ne sais même pas si l’extrait que j’ai aujourd’hui est transcrit dans les registres d’état civil. Si oui, je me demande si les extraits antérieurs ne referont pas surface. Qu’est-ce que l’Etat va décider pour nous qui sommes dans ces cas-là ?», s’interroge-t-il.
Les cas sont légion
K. K. Denis fait partie du lot des personnes que le langage courant ivoirien a baptisé les ‘‘re-nés’’. Il a diminué son âge à cause des nombreux échecs scolaires, et parce que ses parents voulaient, coûte que coûte, une sortie honorable de ses années l’école c’est-à-dire avec un diplôme.
«J’ai dû réduire à mon corps défendant mon âge pour avoir beaucoup plus de chance durant mon cursus scolaire. Celui que j’avais ne me permettait pas d’avoir accès à la bourse et intégrer une école de mon choix. Après mon échec au Bepc, je n’avais plus d’autre choix que de diminuer mon âge. C’est ainsi que mes parents ont pu me faire établir un nouvel extrait mais toujours avec le même nom et une nouvelle attestation de scolarité. Seules les dates de naissance diffèrent», avoue-t-il.
K. K. Denis est aujourd’hui un cadre supérieur dans l’administration mais il a encore en mémoire, comme une tache indélébile, cette entorse à l’état civil.
Séri D, lui, a toujours utilisé le même extrait de naissance que son frère cadet, ils vivent, en somme, sous la même identité. Travaillant dans l’administration, il a toujours fait passer les enfants de son frère comme ses propres enfants bénéficiant des avantages que cela lui conférait. Il craint que la modernisation de l’état civil ne mette à nu le stratagème qui a cours depuis cinquante ans. Le cas le plus symptomatique est celui d’un ministre qui s’est entendu dire, lorsqu’il est allé se faire établir une copie de son extrait de naissance, que son numéro ne correspondait pas à celui qui était dans le registre même si les nom et prénom étaient corrects. Avec beaucoup de bonheur H. A a découvert, sous peu, que le numéro de son extrait de naissance était également utilisé par ses neveux. Il a fait bloquer, dit-il, le numéro et demandé au tribunal une transcription judiciaire. Ces quelques cas ne sont que la face visible de l’iceberg, car Dieu seul sait qu’ils sont nombreux les Ivoiriens qui ont eu recours à un moment ou à un autre à ces subterfuges. Sportifs, artistes, élèves, étudiants, fonctionnaires, travailleurs du privé…. La liste est longue.
K. Marras. D