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Politique Publié le vendredi 20 février 2009 | Le Patriote

Lu dans le quotidien burkinabé “le pays” - élection présidentielle en Côte d’Ivoire:Toujours rien à l’horizon

Le processus de sortie de crise en Côte d’Ivoire aura généré une kyrielle de rencontres tenues sur le continent africain et en dehors. Mais plus d’un observateur peine à se débarrasser d’une bien douloureuse et gênante impression de malaise qui grandit à mesure que s’accroît le nombre de sommets censés trouver la bonne recette pour que prenne la mayonnaise. La date de l’élection présidentielle plus que jamais pose problème. Et au regard des hésitations et de la grande frilosité qui s’empare des uns et des autres à la seule évocation du terme, on finit bien par se demander si les acteurs politiques ivoiriens veulent réellement de cette élection comme des autres. Tout comme on s’interroge à juste titre pour savoir pourquoi les uns et les autres donnent l’impression de particulièrement affectionner ce tango politique qui, pour un pas en avant, en commande deux autres en arrière. Le paradoxe veut cependant que tous les protagonistes de la crise, pris individuellement, répondent sans hésiter qu’ils appellent tous, de tous leurs voeux, l’avènement de ces élections.
Les élections
compromises ?
On sait bien aussi que la parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée, mais tout de même, au regard des enjeux, on est en droit de s’attendre, légitimement, à plus de sérieux et de sens de responsabilité morale de la part d’hommes qui ont tous quelque responsabilité dans ce qui se passe en Côte d’Ivoire. La rencontre du Comité d’évaluation et d’accompagnement de l’Accord politique de Ouagadougou, qui s’est tenue le 16 février dernier, se serait achevée sans rien adopter de précis sur l’épineuse question de la date des élections, n’eût été le coup de poing sur la table du représentant de l’ONU, fortement approuvé par le facilitateur Blaise Compaoré. Traduit en langage diplomatique, les membres du CEA ont "exhorté" la CEI à produire un calendrier "réaliste du processus électoral... et ont insisté sur la nécessité de fixer une période indicative pour la tenue du premier tour de l’élection présidentielle en 2009". Tout le monde en convient, la tenue des élections représente une étape essentielle pour une vraie sortie de crise en Côte d’Ivoire. Et paradoxalement, ce sont ces élections qui sont repoussées de manière répétitive depuis...2005. A la date d’aujourd’hui, en matière de date précise, rien ne se profile à l’horizon. Bien plus, on a la malheureuse impression que, quelque part, quelque chose se fait pour empêcher qu’on puisse en choisir une, et que pour cela, on fait usage de tous bois. Tout y passe, de vraies raisons tout comme de fallacieux alibis. Au risque de démoraliser ceux qui, avec courage et ténacité en Côte d’Ivoire et partout ailleurs, s’investissent pour que la paix revienne un jour dans ce pays depuis si longtemps fortement éprouvé. A y regarder de près, l’enlisement dans la crise ne déplaît pas à tout le monde. Bien au contraire, malheureusement. Et on comprend bien alors que certains ne soient pas du tout pressés de changer une situation dans laquelle ils gagnent. Bien plus, ils seraient prêts à développer initiatives et trésors d’ingéniosité dans le but de la voir perdurer. Le pays, les Ivoiriens, les hommes de bonne volonté qui se sacrifient à longueur de journée ? Connais pas ! Il est sans doute temps que cet égoïsme cynique prenne fin et c’est sans doute la raison pour laquelle appel doit être lancé au patriotisme des Ivoiriens. Tout pays peut sombrer et connaître les incertitudes et les divisions que sèment la mésentente et la discorde. Mais seule la mobilisation vraie de l’ensemble de ses fils consentant à s’unir autour de l’essentiel pourra l’en faire sortir. L’union sacrée de l’univers entier ne sera jamais en mesure de sortir un pays de son enlisement si ses propres fils décident in petto d’observer des clivages qui divisent pour toujours et les amènent à se regarder en chiens de faïence. Deux pays ouest-africains, bien après la Côte d’Ivoire, ont connu, eux aussi des troubles politiques sérieux. Si, pour le cas de la Guinée, la date des élections reste à préciser, la période en est bien connue, fixée. Quant à la Mauritanie, la date de la prochaine élection présidentielle en a été publiée et les différents acteurs de la scène politique l’attendent de pied ferme. La Côte d’Ivoire, elle, reste, en la matière, dans le flou total, plongée dans l’incertain et l’expectative vague. A supposer que l’année 2009 tire jusqu’à sa fin sans que ne survienne d’élection dans ce pays, le président Laurent Gbagbo aura fait pratiquement un mandat entier à la tête de l’Etat, par défaut, pour les uns, par intérim pour les autres... et pour tous, sans être réellement élu. Il faudrait éviter que la norme cède le pas à l’exception. A moins que ces reports fréquents et successifs ne soient faits à dessein, dans le but d’éliminer politiquement certains et d’épuiser d’autres. Qui sait ? La politique demeure bien le domaine du tout possible. La Côte d’Ivoire serait bien inspirée de se remobiliser pour prendre son propre destin en main. Car une chose est sûre : les gens qui vous portent secours finissent par se lasser un jour. Certains le sont déjà et, c’est une évidence de le dire, on n’a pas toujours tous les hommes qu’il vous faut, à côté de vous tout le temps. Il n’est pas sûr que le facilitateur Blaise Compaoré, par exemple, puisse consacrer à cette crise ivoirienne, en 2010, le temps qu’il aura su lui trouver en 2009. Des élections se profilent à l’horizon du Burkina et à supposer qu’il veuille s’y présenter, il ne se risquera sans doute pas à poursuivre deux lièvres à la fois avec la même énergie. A l’interne, des hommes politiques de Côte d’Ivoire s’impatientent ou s’irritent, tandis que le peuple, lassé, ne comprend plus rien. A l’externe, les représentants des instances internationales cachent de moins en moins leur agacement. Il ne reste plus qu’à souhaiter que ces coups de poings sur la table, à la dernière rencontre de Ouagadougou, servent à produire un effet positif. Qu’ils réveillent qui de droit à Abidjan et Yamoussokro, pour que bientôt se reconstruise une nouvelle Côte d’Ivoire, terre d’espérance, pays d’hospitalité. "Ivoiriens, le pays vous appelle".
Le Pays (Burkina Faso)

NB: L’intertitre et l’illustration sont de la Rédaction
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