La société savante a repris, jeudi, son cycle de conférences publiques, avec le philosophe Charles Nokan, sur le «Mindiléisme». En dépit de l’affliction qui les frappe, avec le décès d’un des leurs, le cinéaste Désiré Ecaré, décédé le 16 février, les Immortels de l’Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines (Ascad), ont tenu, dans la dignité, à sacrifier à la relance de leur cycle annuel de conférences publiques.
Et, pour cette année 2009, c’est au Pr Charles Nokan, philosophe et écrivain, qu’il est revenu le privilège de continuer le la du cycle. Un thème quelque peu éclectique, rébarbatif même, mais ô combien heuristique : «Le Mindiléisme (amour profond de la vie), ses rapports avec les arts et le fô-ndi des Akan de Côte d’Ivoire». Il ressort de la quintessence de son propos que le «Mindiléisme» (Baoulé ou Agni) ou «Mandiléisme» (Nzima), traduction littérale de «Manger la vie» est le rapport à la vie, à l’existence qu’ont les peuples de l’aire akan et qui s’agrippe à la crainte de la mort. D’où une dérivation de toute la philosophie akan portée sur une exorcisation permanente de la mort, au point que, à en croire le conférencier, «l’attachement à la vie fait qu’il y a une quasi-inexistence du crime et du suicide chez les Akan, notamment chez les Baoulé».
En clair, pour Nokan, la société akan est viscéralement existentialiste : «Vivre le présent en se remémorant le passé et en rêvant l’avenir sans penser à l’au-delà qui n’existe pas». Et, le philosophe d’ironiser par un dicton déporté à Treichville : «Sans le calendrier et la montre des Blancs, nous ne serions pas mortels». Un existentialisme épicurien, qui se décline dans les arts et la culture (fables, contes, légendes, chants, danses…). Le «Mindiléisme» apparaît, in fine, comme «le lien solide des vivants à la vie», l’exaltation de la joie, où l’Homme doit se libérer de la peur de mourir car la mort le vaincra forcément ; l’idée de la mort n’existant que chez les vivants. En outre, cette philosophie nihiliste des principes théorétiques (lorsque l’on meurt on n’est pas ailleurs, on est sous la terre, dixit le sage baoulé de N’Gattakro), est l’expression d’une incroyance que seule l’idée de transcender la mort peut pousser un Akan vers la religion. C’est la raison pour laquelle, ce peuple accorde une importance aux choses de la vie dont le partage, la solidarité, l’élégie, l’amour, la bombance sont les applications du «manger la vie». Cette perception hédoniste s’avère, finalement, être l’antithèse de la finitude (Oué, Ué, Vié ou finir, mourir en fonction des déclinaisons langagières). C’est en cela que les Akan pratiquent le «fô-ndi» (manger la quiétude, la tranquillité, le calme), traduction dénotée de la paix. Et qui, dans sa relation aux étrangers, incline tout le corps social à l’ «anouanzê», l’entente, l’hospitalité.
Charles Nokan, Charles Kakou Konan, à l’état civil, né en 1936 à Yamoussoukro, est enseignant-chercheur à l’Université de Cocody. Titulaire d’un doctorat 3e cycle en philosophie et d’un doctorat d’Etat ès Lettres et sciences humaines. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages (roman, théâtre, poésie, essai…) et est, avec feu Memel Fotê et Niangoran Bouah, l’un des fondateurs de la revue ivoirienne d’anthropologie et de sociologie «Kasa Bya kasa» (Toute parole est parole).
Rémi Coulibaly
Et, pour cette année 2009, c’est au Pr Charles Nokan, philosophe et écrivain, qu’il est revenu le privilège de continuer le la du cycle. Un thème quelque peu éclectique, rébarbatif même, mais ô combien heuristique : «Le Mindiléisme (amour profond de la vie), ses rapports avec les arts et le fô-ndi des Akan de Côte d’Ivoire». Il ressort de la quintessence de son propos que le «Mindiléisme» (Baoulé ou Agni) ou «Mandiléisme» (Nzima), traduction littérale de «Manger la vie» est le rapport à la vie, à l’existence qu’ont les peuples de l’aire akan et qui s’agrippe à la crainte de la mort. D’où une dérivation de toute la philosophie akan portée sur une exorcisation permanente de la mort, au point que, à en croire le conférencier, «l’attachement à la vie fait qu’il y a une quasi-inexistence du crime et du suicide chez les Akan, notamment chez les Baoulé».
En clair, pour Nokan, la société akan est viscéralement existentialiste : «Vivre le présent en se remémorant le passé et en rêvant l’avenir sans penser à l’au-delà qui n’existe pas». Et, le philosophe d’ironiser par un dicton déporté à Treichville : «Sans le calendrier et la montre des Blancs, nous ne serions pas mortels». Un existentialisme épicurien, qui se décline dans les arts et la culture (fables, contes, légendes, chants, danses…). Le «Mindiléisme» apparaît, in fine, comme «le lien solide des vivants à la vie», l’exaltation de la joie, où l’Homme doit se libérer de la peur de mourir car la mort le vaincra forcément ; l’idée de la mort n’existant que chez les vivants. En outre, cette philosophie nihiliste des principes théorétiques (lorsque l’on meurt on n’est pas ailleurs, on est sous la terre, dixit le sage baoulé de N’Gattakro), est l’expression d’une incroyance que seule l’idée de transcender la mort peut pousser un Akan vers la religion. C’est la raison pour laquelle, ce peuple accorde une importance aux choses de la vie dont le partage, la solidarité, l’élégie, l’amour, la bombance sont les applications du «manger la vie». Cette perception hédoniste s’avère, finalement, être l’antithèse de la finitude (Oué, Ué, Vié ou finir, mourir en fonction des déclinaisons langagières). C’est en cela que les Akan pratiquent le «fô-ndi» (manger la quiétude, la tranquillité, le calme), traduction dénotée de la paix. Et qui, dans sa relation aux étrangers, incline tout le corps social à l’ «anouanzê», l’entente, l’hospitalité.
Charles Nokan, Charles Kakou Konan, à l’état civil, né en 1936 à Yamoussoukro, est enseignant-chercheur à l’Université de Cocody. Titulaire d’un doctorat 3e cycle en philosophie et d’un doctorat d’Etat ès Lettres et sciences humaines. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages (roman, théâtre, poésie, essai…) et est, avec feu Memel Fotê et Niangoran Bouah, l’un des fondateurs de la revue ivoirienne d’anthropologie et de sociologie «Kasa Bya kasa» (Toute parole est parole).
Rémi Coulibaly