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Politique Publié le mardi 24 février 2009 | Notre Voie

Membre de l`ex-CNSP : Sama Henri César sort de sa réserve

L'ancien ministre de la Communication sous la transition militaire, Sama Damalan Henri César, a invité la Mutuelle des agents de la Refondation (MUTAREF), chez lui à Fresco, le week-en dernier. A cette occasion, l'ex-membre du Conseil national de salut public (CNSP) a accordé une interview à Notre Voie. Il évoque la transition militaire 9 ans après, ses relations avec les anciens compagnons du CNSP et, bien entendu, la situation sociopolitique actuelle.


Notre Voie : Il y a 9 ans la Côte d'Ivoire vivait pour la première fois une transition militaire, à la suite du coup d'Etat du 24 décembre 1999. Vous avez été membre du Conseil national de salut public (CNSP), l’organe qui a dirigé la transition. Quel regard critique sur cette parenthèse avec un peu de recul ?

Sama Henri César : Je me suis fixé une ligne de conduite, celle de ne pas parler de la transition militaire. Je pense que lorsque nous sortirons de la crise, les Ivoiriens voudront savoir davantage sur ce qui s'est passé sous la transition. Il est de notre devoir de les éclairer. Pour ma part, j'ai commencé à écrire quelque chose. Je me suis abstenu volontairement de publier mon travail parce que je trouve qu'après 9 ans, l'histoire est encore récente. Beaucoup de personnes sont encore vivantes et il faut éviter, dans ces moments que nous traversons, d'autres moments de crispation. Il faut éviter les débats qui ne concourent pas à la paix, qui viennent rajouter aux problèmes que nous avons. Laissons donc la crise passer et le débat s'ouvrira. Nous serons dans une atmosphère plus sereine et à partir de ce moment-là, nous pourrons discuter et parler de cette transition-là avec un peu plus d'objectivité.


N.V : Un livre sur la transition; est-ce un témoignage ou l'expression d'une frustration ?

H.C.S. : Il faut rendre témoignage. Je ne vois pas pourquoi je serais frustré et ce qui me frustrerait. Je suis dans la République, je ne me suis pas écarté contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent penser. J'ai été en poste à Moscou, à l'ambassade de Côte d'Ivoire qui est le prolongement du territoire ivoirien en Russie. J'ai des responsabilités à un haut niveau. Je travaille comme collaborateur du ministre de la Défense dans cette sortie de crise. Je ne pense pas à une frustration. J'ai ce que je mérite d'avoir. J'ai évolué normalement dans ma carrière militaire. Depuis 2000, je n'ai eu aucune entrave, je ne vois pas vraiment ce qui me frustrerait. Peut-être en terme de matériel ? Non. C'est ma vie. Je ne dois m'en prendre à personne. Je suis heureux tel que je suis.


N.V. : La fin chaotique de la transition a été mal digérée par le général Guéi et les autres membres du CNSP. Cela pourrait constituer une source de frustration pour vous aussi.

H.C.S. : C'est l'histoire qui jugera. C'est pourquoi je dis qu'il faut laisser le temps au temps.
Le président de la République a dit que le temps c'est l'autre nom de Dieu. Il y a un adage populaire qui dit qu’on ne reste pas dans les magnans, pour enlever des magnans. Mais je crois que chacun d'entre-nous à son appréciation, son regard sur la transition. Aussi d'aucuns se disent qu'ils méritent mieux. Ce n'est pas à nous de juger. Moi, je dis que le jugement appartient à Dieu et c'est le destin de chacun. Je ne regrette pas d'avoir fait ce que j'ai fait. Nous assumons. J'assume ce que j'ai fait. J'assume ma part de responsabilité. Je l'assumerai jusqu'à la fin de mes jours. Je dis que nous avons le temps d'évoluer. Le temps saura juger chacun à sa juste mesure.


N.V. : Le coup d'Etat a -t-il boosté la démocratie ou conduit la Côte d'Ivoire dans le chaos ?

H.C.S. : Vous me ramenez toujours à la première question. Vous êtes un bon journaliste.Vous ouvrez d'autres pistes pour revenir à une question à laquelle je ne voulais pas répondre. Mais vous ne m'aurez pas. Je dis que je ne peux pas juger la transition maintenant.Je ne peux pas juger maintenant ce que vous appelez coup d'état, que nous n'avons jamais qualifié ainsi. Je dis que je suis en train d'écrire là-dessus. La sortie de crise n'est plus loin. Je pense que le président de la République lui-même souhaite qu'on parle de cette parenthèse. Comme beaucoup d'Ivoiriens parlent et comme j'ai l'habitude de le dire, les Ivoiriens parlent très bien de ce qu'ils ne savent pas.


N.V. : 9 ans après, quelles sont vos relations avec les autres membres du CNSP ?

H.C.S. : J'ai des relations avec certains. D'ailleurs, nous sommes des frères d'armes et ce terme à une signification.De plus, nous avions des affinités particulières les uns avec les autres. Saint-Cyr Guikalou est mon jeune frère, nous sommes du même corps la marine, nous nous connaissions bien longtemps avant ce qui est arrivé. Nous continuons à nous fréquenter régulièrement, nous nous appelons. Et si nous sommes de passage à Abidjan tous les deux, on se rencontre et on rigole un bon coup, on ressasse nos souvenirs ou on parle de notre avenir. J'ai aussi quelques contacts avec Moissi Gréna qui est à la retraite. Voilà les contacts de ceux que j'ai et que je fréquente. Mais je n'oublierai pas mon maître, le général Palenfo, qui est en France. C'est vrai que les contacts ne sont pas assidus, mais j'avoue que c'est mon maître et c'est lui qui m'a permis d'avoir l'expérience que j'ai.


N.V. : Et le général Doué Mathias ?

H.C.S. : Le général Doué, si vous avez son numéro de téléphone, je peux l'appeler parce que, malheureusement, je n'ai pas son contact.


N.V. : Comment expliquez-vous cela ? Est-ce qu'il y a un problème particulier entre-vous ou alors vous lui reprochez quelque chose ?

H.C.S. : Je ne reproche rien à quelqu'un. Le général Doué est un supérieur hiérarchique, c'est un aîné, un ancien. Je ne lui reproche rien du tout. Mais chacun, avant de venir au CNSP avait ses affinités. Peut-être qu’il continue dans ses affinités. Mais celles que moi j'ai, je les consolide et puis je les développe. Je n'ai aucun reproche à faire au général Doué.


N.V. : De dehors, on a eu le sentiment qu'à un moment donné, le général Robert Guéi a été quelque peu abandonné.

H.C.S. : Je vous ai dit que chacun a son regard sur la transition. Je ne veux pas juger votre sentiment. Si c'est ce que vous avez eu, je vous le concède.


N.V. : Dans les milieux militaires, certains vous ont accusé de traîtrise par rapport au CNSP en arguant que vous étiez en mission pour le compte du FPI. Que dites-vous par rapport à ces allégations ?

H.C.S. : J'aimerais que quelqu'un me montre ma feuille de mission, et dise qui me l'a donnée. Donc je ne répondrai pas à cette question.

Vous avez, on m’attribue tout. Même l’immeuble qui est en face de la maison que j’habite et dont je ne connais pas le propriétaire. J'avais voulu voir le titre foncier pour me l'approprier (rires).
C’est comme dans votre milieu. Aujourd'hui quand vous écrivez dans tel ou tel organe de presse, on vous attribue un parti politique. Moi, je ne réponds pas à ceux qui le disent. Si être traître, c'est aimer son pays, alors j'assume.


N.V. : Aujourd'hui, vous êtes attaché de défense. Vous étiez à Moscou (Russie), actuellement vous êtes en fonction en Afrique du Sud. Il y a eu beaucoup de rumeurs. L'on dit que vous avez été pour beaucoup dans l'achat des Mi-24 et autres armements soviétiques pour la Côte d'Ivoire pendant la crise. Qu'en est-il ?

H.C.S. : C'est la mission normale dévolue à un attaché de défense. Si on me confie une mission, je la remplis. C'est vrai que ça me suit parce que j'ai été épinglé par l'ONU qui m’a même interrogé. Il y a des pays que je ne peux plus visiter. Mais j'assume et je suis heureux d'avoir fait ce travail pour mon pays. Si j'ai permis à mon pays de rester debout, c'est tant mieux. Je pense que c'est ce qu'on demande à quelqu'un qu'on envoie en mission dans une ambassade. Donc j'assume sans regret.


N.V. : Comment avez-vous réussi ce qui pourrait être vu comme un exploit ?

H.C.S. : Je ne pense pas que ça soit un exploit. C'est le chef qui détermine la personne à qui il doit confier une mission. Je ne sais pas sur quels critères les responsables de ce pays-là se sont fondés pour dire : “Sama, tu accomplis cette mission”. Mais j'étais heureux qu'on me l'ait confiée. Je suis militaire, je me devais de l'assumer pleinement pour mériter la confiance de mes chefs. C'est ce que j'ai fait. C'est tout.


N.V. : Vous avez dit qu'il y a certains pays qui vous sont interdits. Peut-on les connaître ?

H.C.S. : Non, dans ma mission, en tant que Attaché de défense, je suis en même temps diplomate. Et donc j'ai l'obligation de réserve. Mais je pense que nous nous comprenons.


N.V. : Depuis le 19 septembre 2002, la Côte d'Ivoire vit une crise sans précédent. Comment vivez-vous cela ?

H.C.S. : Je ressens la désolation, la tristesse et le gâchis. Ce qui est arrivé à la Côte d'Ivoire est un véritable gâchis. Rien ne justifiait cette guerre. Je pense que c'est aussi une chance que cela soit arrivé. Mais la Côte d'Ivoire va sortir de cette crise, et va entrer dans le concert des grandes nations. Toutes les grandes nations ont connu leur crise interne et des crises importantes comme celle de la Côte d'Ivoire. Justement, comme la Côte d'Ivoire est un grand pays, elle n'a pas sombré depuis le 19 septembre 2002. Toutes les institutions sont restées debout. D'autres pays, en un mois, disparaîtraient. Mais Dieu merci, les ivoiriens ont su entrer au plus profond d'eux-mêmes et gérer cette crise.

Quand on fait le parcours de 2002 à 2009, il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées. On va aujourd'hui au Nord, à l'Est, au Centre et à l'Ouest sans problème. Mais ne soyons pas pressés. Les ivoiriens ne sont pas habitués à cette situation. Je comprends qu'ils s'inquiètent et s'impatientent. Mais les choses vont à un rythme que je dirais normal.


N.V. : Vous venez de dire que la Côte d'Ivoire aurait pu éviter cette crise. Mais comment ?

H.C.S. : Je dis qu'elle aurait pu l'éviter parce que les justifications qu'on donne à cette crise n'existent pas. Elles sortent de l'imaginaire. Elles sortent de l'esprit des gens qui ont voulu que la Côte d'Ivoire soit en crise. Elles sortent de l'esprit des gens qui ne connaissent pas la Côte d'Ivoire et qui se sont permis de dire que notre pays est un pays d'exclusion. Dire que la Côte d'Ivoire est un pays d'exclusion, pour moi, c'est un honneur … On peut traiter la Côte d'Ivoire de tout, mais pas de xénophobe ce pays-là qui abrite 30% de populations étrangères. Le problème est que tout le monde a voulu s'approprier notre pays, la Côte d'Ivoire, en parlant d'intégration. Mais ce n'était pas une intégration. On réclamait tout simplement une absorption ou une dislocation de l'Etat de Côte d'Ivoire. Donc rien ne justifiait cette crise-là. Mais je pense que nous avons manqué de vigilance et de communication. Aujourd'hui, avec cette crise, nous savons que tout peut arriver en Côte d'Ivoire et ça nous fait prendre conscience des dangers qui nous guettent. Ça nous fait prendre conscience qu'il nous faut une grande armée parce qu'il n'y a pas de pays avec une grande économie sans une grande armée. Toutes les grandes puissances économiques dont on parle ont des armées très fortes. Donc il nous faut une grande armée, beaucoup de vigilance et un esprit patriotique. L'esprit patriotique est né depuis le 19 septembre 2002, l'armée ivoirienne est en train de renaître et sera une grande armée. Nous aurons une justice très forte et des lois qui vont nous permettre de nous faire respecter.


N.V. : La France a été indexée plus d'une fois dans cette crise. Elle a été accusée par le régime et aussi par la rébellion de manipuler les choses. Vous, en tant qu'ivoirien, quel est votre sentiment sur le rôle de la France dans la crise ?

H.C.S. : Mon sentiment est que la France fait ce qu'elle a à faire, ce qui est bien pour la France elle-même. Il faut que les ivoiriens apprennent à faire ce qui est bien pour les ivoiriens eux-mêmes. On a toujours eu tendance à regarder de l'autre côté du mur pour savoir ce qu'on attend du voisin. Il faut savoir que la Côte d'Ivoire est un pays souverain et qu'elle veut avoir des relations d'égalité, de coopération avec d’autres pays, basées surtout sur le respect de la souveraineté de chacun des Etats. A partir du moment où cela n'existe pas, on se sépare. Et je dis que la France fait ce qui est bien pour la France, la Côte d'Ivoire doit faire aussi ce qui est bien pour la Côte d'Ivoire. Et je crois que nous sommes sur cette voie-là. Nous ne devons pas être dans des relations de rupture ou conflictuelles, mais dans des relations de partenaires égaux. C'est ce qui est important. Mais quand on veut avoir des relations de dominant à dominer, c'est là que les crises naissent. En Côte d'Ivoire, nous venons d'atteindre un niveau de conscience qui fait qu'on ne pourra plus jamais accepter cela. Et je pense que chacun des deux pays l'a compris.


N.V. : En novembre 2004, on a parlé de bombardement du cantonnement français à Bouaké, il y a eu beaucoup de polémiques qui continuent d'ailleurs entre les deux pays. En tant que militaire, quel regard sur cet incident ?

H.C.S. : Je pense que lorsqu'il y a une procédure en cours, il est mieux qu'on évite de se prononcer là-dessus. Le chef d'état-major et le ministre de la Défense sont les autorités officielles qui peuvent se prononcer.


N.V. : Nous sommes sur le chemin de la sortie de crise. Mais beaucoup d'ivoiriens sont encore sceptiques. Croyez-vous que la voie dans laquelle nous sommes engagés peut nous faire sortir de cette crise ?

H.C.S. : Pour le moment, je ne vois pas d'autres voies. Nous avons expérimenté plusieurs voies et celle dans laquelle nous sommes engagés nous permet de respirer, de faire face à nos engagements avec les institutions de Bretton wood. Elle nous permet également de faire le recensement électoral et l'identification. Elle nous permet de reprendre les registres de l'état-civil. Mais il n'y a pas mieux que ce qui arrive à la Côte d'Ivoire aujourd'hui. Le seul problème de la Côte d'Ivoire, c'est l'impatience des ivoiriens. laissons le temps au temps. C'est pour notre pays que nous travaillons et non pour quelqu’un. Pourquoi sommes-nous pressés ? Les choses s'arrangeront d'elles-mêmes.


N.V. : En tant que militaire, quel est votre regard sur le processus DDR ?

H.C.S. : Je crois que les responsables du Centre de Commandement Intégré (CCI), le ministre de la Défense, le chef d'état-major, et tous les autres sont impliqués dans ce processus-là. Cela veut dire que le DDR va permettre de réinsérer nos jeunes frères qui ont pris les armes. Il n'y a pas d'autres solutions.


N.V. : On parle de la nouvelle armée ivoirienne composée des FAFN et des FDS...

H.C.S. : Je pense que tous les mécanismes ont été prévus. Et puis le cas de la Côte d'Ivoire est différent des autres pays. C'est un cas spécifique. Je n'ai aucune crainte. Ce qui est sûr, c'est que la nouvelle armée ivoirienne sera composée des ivoiriens.


N.V. : La crise a sérieusement entamé l'unité nationale. Ne pensez-vous pas que demain une armée mal composée peut déboucher sur une autre situation ?

H.C.S. : Je pense que c'est à ce niveau que le mot réconciliation entre les Ivoiriens doit prendre tout son sens. Nous avons entamé un processus de réconciliation, de démobilisation des esprits et je pense que les ivoiriens savent toujours s'élever au-dessus de certains problèmes. Notre sens de l'humour montre que nous sommes un peuple particulier. Je suis sûr que nos craintes seront dissipées.


N.V. : En vous écoutant, vous affichez un optimiste pour la Côte d'Ivoire. Est-ce que ce n'est pas parce que vous êtes resté loin de votre pays pendant longtemps ?

H.C.S. : Je suis très souvent en Côte d'Ivoire où j'assume certaines respon-sabilités. C'est un optimisme réaliste parce que nous connaissons la Côte d'Ivoire et les ivoiriens. Etant à l'extérieur, nous avons pris le temps de les apprécier, de les comparer aux autres peuples. Et c'est ce qui fonde cet optimisme.

Moi, j'ai foi dans la voie que nous avons choisie. C’est la meilleure des voies et elle ne peut que déboucher sur quelque chose de positif.


Interview réalisée à Fresco par César Ebrokié et Jean Goudalé
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