x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Économie Publié le vendredi 27 février 2009 | L’intelligent d’Abidjan

La situation réelle de la pauvreté en Côte d`Ivoire

Selon les rapports du ministère du Plan et du Développement, la pauvreté est un concept multidimensionnel et complexe, généralement représenté sous trois dimensions : la dimension monétaire, le manque ou la non satisfaction des besoins vitaux et la dimension sociologique et psychologique. La pauvreté est vécue aussi bien au plan individuel que collectif.


Définition et présentation de la pauvreté

La mesure de la pauvreté en Côte d’Ivoire est bâtie autour de la dimension monétaire. Cette mesure s’appuie sur deux éléments : un indicateur de bien-être et un seuil de pauvreté. L’indicateur de bien-être retenu est la dépense de consommation des ménages, utilisée principalement en raison des difficultés de collecte d’informations fiables sur les revenus de ceux-ci. Quant au seuil de pauvreté, il permet de distinguer les populations en deux groupes. Les populations dont la dépense de consommation est en dessous du seuil sont qualifiées de « pauvres » tandis que celles dont la consommation est au-dessus du seuil sont dites « non pauvres ». Pour déterminer le seuil de pauvreté, deux approches sont possibles. D’abord la méthode du seuil de pauvreté absolu correspond à un minimum de besoins nutritionnels à satisfaire, auquel est ajouté un panier de biens non alimentaires. Vient aussi la méthode du seuil de pauvreté relatif qui est déterminé par le montant le plus élevé des dépenses de consommation d’une proportion de la population choisie de manière arbitraire. L’analyse de la pauvreté en Côte d’Ivoire est faite à partir d’un seuil de pauvreté relatif obtenu sur la base des données de l’Enquête Permanente Auprès des Ménages de 1985 (EPAM 85), ce seuil était égal à 75.000 FCFA par tête et par an. Ce montant a été évalué à partir des prix de consommation des 10% les plus pauvres de cette année. Un déflateur est appliqué pour tenir compte des différences de prix entre les autres pôles de développement du pays et la ville d’Abidjan. A chaque nouvelle enquête, ce seuil de pauvreté monétaire est réévalué. Ainsi, les seuils obtenus sont : 101.340 FCFA en 1993, 144.800 FCFA en 1995, 162.800 FCFA en 1998, 183450 FCFA en 2002 et 241.145 FCFA en 2008. En définitive, est pauvre en 2009, celui qui a une dépense de consommation inférieure à 661 FCFA par jour, soit 241.145 FCFA par an.


Evolution de la pauvreté de 1985 à 2008

En Côte d’Ivoire, le nombre de pauvres a été multiplié par 10 en l’espace d’une génération. Aujourd’hui, une personne sur deux est pauvre contre une personne sur dix en 1985. Le taux de pauvreté est passé de 10% en 1985 à 48,9% en 2008 ; ce qui correspond selon les chiffres du ministère du Plan à un effectif de pauvres estimés à 974.000 en 1985 et à 10.174.000 en 2008. L’analyse de cet indice de pauvreté entre 1985 et 2008, laisse apparaître trois périodes importantes. La première allant de 1985 à 1995 s’est caractérisée par un accroissement rapide du niveau de pauvreté. Le taux de pauvreté est en effet passé de 10,0% en 1985 à 36,8% en 1995, soit une augmentation moyenne de 2,7 points par an. Cette période a été marquée par une conjoncture économique défavorable caractérisée par la détérioration des termes de l’échange, la chute des cours des matières premières agricoles, une stagnation du taux de croissance réel du PIB autour de 0,8% par an, insuffisant pour compenser la forte croissance démographique de 3,8%. De plus, la dévaluation du FCFA en janvier 1994, a accentué la réduction du pouvoir d’achat des ménages. La seconde période qui s’étend de 1995 à 1998 a enregistré une légère inflexion de la pauvreté dont l’indice est passé de 36,8% en 1995 à 33,6% en 1998. Ce résultat était imputable aux effets positifs de la dévaluation de 1994, conjugués notamment avec l’amélioration des termes de l’échange et la reprise des investissements. Enfin, la troisième période de 1998 à 2008 est caractérisée par une aggravation de la pauvreté dont le taux est passé de 33,6% en 1998 à 38,4% en 2002, puis à 48,9% en 2008. Cette période a connu un série de crises sociopolitiques et militaires dont les points culminants ont été le coup d’Etat militaire du 24 décembre 1999 et la rébellion armée du 19 septembre 2002 qui a conduit à la partition de fait du pays. Par ailleurs, toutes les études menées en Côte d’Ivoire ont montré que la pauvreté est, de tout temps, plus accentuée en milieu rural qu’en milieu urbain. Douze (12) personnes sur vingt (20) y sont pauvres contre 6 en milieu urbain. Ce rapport était de 3 personnes sur 20 contre 1 personne sur 20, en 1985. Comme au niveau national, la pauvreté s’est fortement accrue au niveau des pôles de développement et diffère d’un pôle à un autre. En 2008, huit pôles de développement sur dix ont un taux supérieur à 50% contre quatre en 2002. Parmi ces pôles, celui du Nord est le plus touché par le phénomène de pauvreté avec près de 4 pauvres sur 5 personnes en 2008. Ce pôle est suivi par ceux de l’Ouest (63,2%) ; du Centre-Ouest (62,9%) ; du Nord-Ouest (57,9%) ; du Centre-Nord (57,0%) et du Nord-Est (54,7%)


Caractéristiques sociodémographiques des pauvres

En Côte d’Ivoire, le type de logement est un facteur discriminant de la pauvreté en milieu urbain. La proportion de ménages pauvres habitant les cases, les baraques, les maisons isolées, est élevée. Cette proportion est respectivement de 69, %, 64,2% et 50,3% à laquelle s’ajoutent les ménages pauvres des cours communes à hauteur de 31,3%. Ce facteur n’est pas discriminant en milieu rural où chaque ménage dispose généralement d’un toit. Comme le type de logement, l’accès à l’eau potable et à l’électricité constitue un facteur déterminant de pauvreté aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural. En 2008, 40,5% des citadins qui n’ont pas accès à l’eau potable sont pauvres contre 21,7% chez ceux qui ont accès à l’eau potable. En d’autres termes, quand l’eau est disponible en ville, elle est chère et il existe un potentiel capable d’accéder financièrement à l’eau potable mais qui ne sont pas raccordables au réseau de distribution existant. De même, 89,7% de la population urbaine a accès à l’électricité contre 31,5% en milieu rural. Au total, 35% de la population n’a pas accès à l’électricité et est pauvre. A l’inverse, seulement 32,9% des populations ayant un compteur d’électricité individuel sont pauvres. Autrement dit, la disponibilité d’une source d’éclairage moderne dans un ménage détermine son statut de pauvreté. En cas de maladie, les populations pauvres se tournent d’abord vers un guérisseur ou l’automédication au lieu de consulter un personnel de santé moderne. En effet, 52.0% de ceux qui déclarent consulter un guérisseur en premier, en cas de maladie, sont pauvres, contre seulement 25% chez ceux qui préfèrent dans ces cas consulter un médecin. Cette situation traduit le manque ou l’éloignement des centres de santé et le coût élevé des prestations de santé moderne. Ci-devant, l’expérience de Dr Patricia N’Guessan directeur coordonnateur du Programme National de Nutrition (PNN). Avant d’occuper cette fonction, elle a été pendant longtemps pédiatre au CHU de Treichville. Elle nous raconte que vers la fin, elle en avait ras-le-bol de voir des mères incapables de sortir la somme de 8000 Fcfa pour payer des poches de sang afin de sauver leurs enfants anémiés. « Quand pour cette somme, des femmes nous abandonnent leurs enfants pendant deux (02) ou trois (03) jours et reviennent soit les bras vides soit avec l’argent et que nous sommes obligés de leur dire que l’enfant est mort depuis leur départ, cela finit toujours par entamer le moral des plus endurcis d’entre nous », relate le médecin. Elle dit ne même plus se souvenir du nombre de ces mères, parce que totalement, démunies et qui repartent avec leurs rejetons quand on leur demande de payer 3000 FCFA de frais d’entrée. Ce drame, est vécu au quotidien dans tous les services des hôpitaux. C’est le Pr Ezani, directeur dudit CHU qui rappelait, lors d’une intervention l’année dernière, que son établissement avait des arriérés de plusieurs centaines de millions au titre de leurs efforts sociaux. Mais, cela est largement insuffisant vu le nombre trop élevé d’indigents et de pauvres qui ont largement besoin de soins. Dans ce cas, cette masse se rabat vers les tradipraticiens et autres guérisseurs. La pauvreté est inversement liée au niveau d’instruction car le taux de pauvre diminue au fur et à mesure que le niveau d’instruction augmente. De 57,5% chez les populations sans instruction, ce taux retombe à 6,6% chez les populations d’un niveau d’éducation supérieur. En d’autres termes, l’investissement dans l’éducation est un levier clé de réduction de la pauvreté. La probabilité d’être pauvre augmente avec la taille du ménage. La taille moyenne des ménages pauvres est de 6,3 personnes contre 3,9 chez les ménages non pauvres. De 10,7 chez les personnes vivant seules, le taux de pauvreté passe à 34,8% chez les personnes d’un ménage de 4 personnes, à 51,7% chez celles vivant dans un ménage de 6 personnes et à 66,4% chez celles vivant dans un ménage de 10 personnes. Pour paraphraser M. Marcel Zadi Kessy PCA du groupe CIE-SODECI qui disait, lors d’une conférence publique à Assinie Mafia, sur les questions de développement et de pauvreté : « Un homme qui touche 100.000 FCFA par mois est pauvre. Mais s’il vit seul, c’est supportable. S’il prend une compagne avec le même salaire il devient doublement pauvre. Et si sa compagne lui fait un enfant avec toujours le même salaire, il devient triplement pauvre et ainsi de suite… ».

Enquête : Olivier Guédé
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Économie

Toutes les vidéos Économie à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ