Le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Robert Beugré Mambé, tient coûte que coûte à arrêter l’opération d’enrôlement demain, samedi 28 février 2009. Si son vœu est exaucé, à Danané, ce sont trois quarts de la population qui seront exclus de la citoyenneté ivoirienne.
“On ne peut pas arrêter l’opération d’identification à la date du 28 février comme annoncé. Ici, beaucoup de villages n’ont même pas encore reçu les agents commis à cette tâche. Dans les villages les plus chanceux, les équipes techniques viennent à peine d’arriver. Sans compter les nombreux problèmes auxquels ils font face dans l’exécution de leur mission. Il s’agit, notamment, des pannes récurrentes sur les groupes électrogènes et les ordinateurs. Et puis, nous exigeons qu’ils restent pendant quarante cinq jours comme ils l’ont fait ailleurs ”. Ces propos du chef du village de Daleu, Gué Lanwsson, traduisent bien l’état d’esprit des populations du département de Danané, dans l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire. En effet, dans cette partie du pays, plus personne ne croit que l’opération d’identification sera achevée à la date annoncée. Mais ce que tout le monde redoute, c’est que la décision du report n’arrive trop tard, et qu’entre temps, les agents qui ont déjà eu toutes les difficultés du monde à rejoindre les villages ne soient obligés de revenir sur Danané, avant d’être redéployés à nouveau. “Je ne comprends pas pourquoi les autorités de la CEI s’entêtent à dire que l’opération va s’arrêter le 28 février. Sur l’ensemble du département, sur 132 732 personnes attendues, seules 32 171 ont été effectivement enrôlées à la date d’aujourd’hui (19 février). Si on arrête l’opération à la date indiquée ce sont trois quarts de la population qui seront laissés pour compte. Il faut donc que l’on annonce dès maintenant le report pour que les équipes qui sont déjà sur le terrain travaillent en toute sérénité et que l’on cherche à ouvrir les centres qui ne le sont pas encore”, s’est plaint une source proche du dossier. De fait, l’opération d’identification de la population et de recensement électoral se déroule à pas de tortue dans le département de Danané. La faute à une série de difficultés dont la solution peut donner un nouveau souffle à l’opération.
Premièrement, les problèmes d’organisation. La CEI locale ne dispose pas d’assez de groupes électrogènes pour servir tous les centres d’enrôlement prévus. Conséquence, les équipes sont déployées au compte-gouttes. Et quand elles le sont après moult difficultés, sur le terrain, elles doivent faire face à d’autres problèmes. Pannes répétées des machines (groupes électrogènes, ordinateurs INS, valises Sagem), problèmes d’ébergement et de restauration, etc. C’est le cas notamment dans le village de Kata, dans la sous-préfecture de Daleu, où après une semaine de présence, l’équipe chargée d’identifier les populations n’a pu satisfaire qu’une seule personne. “Nous sommes arrivés ici le 13 février. Mais à la date d’aujourd’hui, nous n’avons pris qu’une seule personne parce que le groupe électrogène est toujours en panne”, nous a confié un agent au moment de notre passage dans ce village, le samedi 21 février. La veille, à Daleu, quelques kilomètres plus loin, l’équipe avait arrêté le travail parce que la bougie du groupe électrogène ne répondait plus. “Ce sont des problèmes qui arrivent souvent. Or, nous n’avons pas de budget pour faire face aux problèmes. Pour les petites pannes, nous encourageons la population à payer la réparation. Quand c’est plus grave nous sommes obligés de nous tourner vers notre hiérarchie et ça prend du temps”, a justifié notre interlocuteur. Face à l’insuffisance de matériel, les autorités locales de la CEI ont décidé de regrouper certains centres en un seul lieu. Une décision qui passe très mal auprès des populations. C’est, notamment, le cas à Zaguiné, dans la sous-préfecture de Mahapleu, où les populations du village de Toueupleu ont opposé une fin de non recevoir à la décision de la CEI qui veut qu’elles se rendent, un kilomètre plus loin, dans le village voisin de Dakouigouiné où un centre est ouvert.
Le deuxième lot de problèmes auquel la population fait face, porte sur les papiers. D’abord, les extraits de naissance font cruellement défaut. En effet, de manière générale, les populations rurales n’ont que des cartes d’identité vertes. Sans aucun extrait de naissance. Ce qui les a exclues de l’opération des audiences foraines.
“Nombre de nos parents ont des cartes d’identité vertes qu’ils ont eues en 1995. C’est la seule pièce d’identité qu’ils ont. Ils n’ont donc pas été pris en compte au cours de l’opération des audiences foraines. Seulement, ils n’ont aucune copie et généralement ils attendent la reconstitution des registres d’état civil. Malheureusement, cette opération n’a pas encore commencé et nous ne savons plus à quel saint nous vouer”, regrette M. Koué Glaba, le directeur local de campagne du candidat Laurent Gbagbo pour la sous-préfecture de Daleu. Face à cette situation, les populations souhaitent vivement que la commission locale de reconstitution des registres d’état civil se déplace vers les villages centres. Faute de quoi l’opération ne pourra atteindre les objectifs visés. “Il faut que les commissions de reconstitution des registres de l’état civil se déplacent dans les villages centres. Si elles restent dans les chefs-lieux de sous-préfectures, nos parents ne seront pas nombreux à s’y rendre et l’opération sera un échec”, renchérit M. Koué. Malheureusement, avoir un extrait de naissance ne met pas le pétitionnaire à l’abri d’un rejet de la part des agents. Non seulement des erreurs de frappe ne sont pas à exclure, mais les photocopies peuvent poser problème. Surtout, si la qualité de la photocopie laisse à désirer. Ce sont autant de problèmes qui font que l’opération d’identification est loin d’atteindre ses objectifs dans le département de Danané, au moment où à Abidjan, les autorités électorales soutiennent mordicus qu’elles vont arrêter l’opération demain.
Guillaume T. Gbato
“On ne peut pas arrêter l’opération d’identification à la date du 28 février comme annoncé. Ici, beaucoup de villages n’ont même pas encore reçu les agents commis à cette tâche. Dans les villages les plus chanceux, les équipes techniques viennent à peine d’arriver. Sans compter les nombreux problèmes auxquels ils font face dans l’exécution de leur mission. Il s’agit, notamment, des pannes récurrentes sur les groupes électrogènes et les ordinateurs. Et puis, nous exigeons qu’ils restent pendant quarante cinq jours comme ils l’ont fait ailleurs ”. Ces propos du chef du village de Daleu, Gué Lanwsson, traduisent bien l’état d’esprit des populations du département de Danané, dans l’extrême ouest de la Côte d’Ivoire. En effet, dans cette partie du pays, plus personne ne croit que l’opération d’identification sera achevée à la date annoncée. Mais ce que tout le monde redoute, c’est que la décision du report n’arrive trop tard, et qu’entre temps, les agents qui ont déjà eu toutes les difficultés du monde à rejoindre les villages ne soient obligés de revenir sur Danané, avant d’être redéployés à nouveau. “Je ne comprends pas pourquoi les autorités de la CEI s’entêtent à dire que l’opération va s’arrêter le 28 février. Sur l’ensemble du département, sur 132 732 personnes attendues, seules 32 171 ont été effectivement enrôlées à la date d’aujourd’hui (19 février). Si on arrête l’opération à la date indiquée ce sont trois quarts de la population qui seront laissés pour compte. Il faut donc que l’on annonce dès maintenant le report pour que les équipes qui sont déjà sur le terrain travaillent en toute sérénité et que l’on cherche à ouvrir les centres qui ne le sont pas encore”, s’est plaint une source proche du dossier. De fait, l’opération d’identification de la population et de recensement électoral se déroule à pas de tortue dans le département de Danané. La faute à une série de difficultés dont la solution peut donner un nouveau souffle à l’opération.
Premièrement, les problèmes d’organisation. La CEI locale ne dispose pas d’assez de groupes électrogènes pour servir tous les centres d’enrôlement prévus. Conséquence, les équipes sont déployées au compte-gouttes. Et quand elles le sont après moult difficultés, sur le terrain, elles doivent faire face à d’autres problèmes. Pannes répétées des machines (groupes électrogènes, ordinateurs INS, valises Sagem), problèmes d’ébergement et de restauration, etc. C’est le cas notamment dans le village de Kata, dans la sous-préfecture de Daleu, où après une semaine de présence, l’équipe chargée d’identifier les populations n’a pu satisfaire qu’une seule personne. “Nous sommes arrivés ici le 13 février. Mais à la date d’aujourd’hui, nous n’avons pris qu’une seule personne parce que le groupe électrogène est toujours en panne”, nous a confié un agent au moment de notre passage dans ce village, le samedi 21 février. La veille, à Daleu, quelques kilomètres plus loin, l’équipe avait arrêté le travail parce que la bougie du groupe électrogène ne répondait plus. “Ce sont des problèmes qui arrivent souvent. Or, nous n’avons pas de budget pour faire face aux problèmes. Pour les petites pannes, nous encourageons la population à payer la réparation. Quand c’est plus grave nous sommes obligés de nous tourner vers notre hiérarchie et ça prend du temps”, a justifié notre interlocuteur. Face à l’insuffisance de matériel, les autorités locales de la CEI ont décidé de regrouper certains centres en un seul lieu. Une décision qui passe très mal auprès des populations. C’est, notamment, le cas à Zaguiné, dans la sous-préfecture de Mahapleu, où les populations du village de Toueupleu ont opposé une fin de non recevoir à la décision de la CEI qui veut qu’elles se rendent, un kilomètre plus loin, dans le village voisin de Dakouigouiné où un centre est ouvert.
Le deuxième lot de problèmes auquel la population fait face, porte sur les papiers. D’abord, les extraits de naissance font cruellement défaut. En effet, de manière générale, les populations rurales n’ont que des cartes d’identité vertes. Sans aucun extrait de naissance. Ce qui les a exclues de l’opération des audiences foraines.
“Nombre de nos parents ont des cartes d’identité vertes qu’ils ont eues en 1995. C’est la seule pièce d’identité qu’ils ont. Ils n’ont donc pas été pris en compte au cours de l’opération des audiences foraines. Seulement, ils n’ont aucune copie et généralement ils attendent la reconstitution des registres d’état civil. Malheureusement, cette opération n’a pas encore commencé et nous ne savons plus à quel saint nous vouer”, regrette M. Koué Glaba, le directeur local de campagne du candidat Laurent Gbagbo pour la sous-préfecture de Daleu. Face à cette situation, les populations souhaitent vivement que la commission locale de reconstitution des registres d’état civil se déplace vers les villages centres. Faute de quoi l’opération ne pourra atteindre les objectifs visés. “Il faut que les commissions de reconstitution des registres de l’état civil se déplacent dans les villages centres. Si elles restent dans les chefs-lieux de sous-préfectures, nos parents ne seront pas nombreux à s’y rendre et l’opération sera un échec”, renchérit M. Koué. Malheureusement, avoir un extrait de naissance ne met pas le pétitionnaire à l’abri d’un rejet de la part des agents. Non seulement des erreurs de frappe ne sont pas à exclure, mais les photocopies peuvent poser problème. Surtout, si la qualité de la photocopie laisse à désirer. Ce sont autant de problèmes qui font que l’opération d’identification est loin d’atteindre ses objectifs dans le département de Danané, au moment où à Abidjan, les autorités électorales soutiennent mordicus qu’elles vont arrêter l’opération demain.
Guillaume T. Gbato