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Politique Publié le mardi 10 mars 2009 | Le Patriote

Interview / Mamadou Sanogo (DCCQE du RDR): “Des Ambassadeurs menacent l’indépendance de la CEI”

Le Directeur central de campagne chargé des questions électorales se prononce sur des questions liées au processus électoral. Mamadou Sanogo dénonce l’immixtion de certains Ambassadeurs dans le processus électoral. Toutefois, il a exprimé la satisfaction de son parti, le RDR, quant au chiffre de 5.500.000 d’électeurs enrôlés à la date du 28 février 2009.

Le Patriote : A la date du 28 février 2009, 5.500.000 personnes se sont enrôlées. Ce chiffre vous satisfait-il ?
Mamadou Sanogo : Nous attendons la confirmation de ces chiffres par la CEI. En attendant, si les chiffres que vous nous communiquez sont exacts, il y a de quoi à être satisfait globalement, parce qu’on sait que ce processus a connu beaucoup de fortunes, beaucoup de déboires suite aux initiatives du Fpi.

L.P : Récemment, vous releviez devant la presse des difficultés inhérentes à ce processus. Est-ce que ces difficultés sont toujours d’actualité ?
M.S : Bien sûr ! Nous serions davantage satisfaits si le processus avait suivi son cours normal sans les difficultés délibérément créées par le Fpi et ses satellites

L.P. Quelles sont ces difficultés ?
M.S. Ce sont des difficultés dues à la mauvaise volonté de certaines structures comme l’INS, des lenteurs qui ne s’expliquent pas. On nous invoque le manque de moyens financiers, alors que le Gouvernement nous indique que les moyens ont été dégagés. Par ailleurs, au niveau de l’administration, certains sous-préfets ont essayé de s’immiscer dans l’opération d’enrôlement ou s’absentent intentionnellement, refusent de signer bloquant ainsi la délivrance des jugements supplétifs ou extraits d’actes de naissance. Des magistrats ne veulent pas rejoindre leur poste. Nous avons noté les arrestations de certains de nos militants sur la base de dénonciations calomnieuses. Toutes choses qui ont contribué à créer une atmosphère quelque peu malsaine au début de l’opération. Vous avez été témoin des arrêts de travail intempestifs, souvent suscités, des agents de certaines structures bien connues. Dans certaines mairies, on signe les extraits de naissance à la tête du requérant. Nous pensons que, sans ces difficultés mentionnées haut, nous aurions pu atteindre un taux d’enrôlés beaucoup plus important tout au moins, le processus aurait pu être terminé à ce jour et coûter beaucoup moins au contribuable ivoirien et à la communauté internationale. On continue de créer des difficultés à certains citoyens qui possèdent les cartes d’identité vertes. Or tout le monde sait que l’obtention de ces cartes d’identité verte a été faite dans des conditions extrêmement rigoureuses. On devrait permettre aux détenteurs de ces cartes de se faire enrôler sans difficulté. Tous ces faits continuent d’alourdir le processus.

L.P. Voulez-vous dire que certains acteurs politiques n’ont pas intérêt à ce qu’on aille aux élections ?
M.S. De notre point de vue, cela est tout à fait évident. Vous conviendrez avec nous que la reconstitution de l’état-civil démarre difficilement. Il y a eu des effets d’annonce, tout un ensemble de communication autour de cette opération, qui avaient suscité beaucoup d’espoir. Mais sur le terrain, la réalité est tout autre. A peine 60% des commissions fonctionnent réellement. Au plan local, la communication institutionnelle n’a pas été au rendez-vous au point où les populations ne sont pas conscientes que cette opération a démarré. Nous nous interrogeons sur les intentions réelles d’un certain nombre de responsables. Nous pensons que le Premier ministre fait des efforts, mais nous souhaitons que certains de ses collaborateurs lui facilitent la tâche en s’impliquant véritablement dans l’ensemble des processus de sortie de crise.

L.P : Toujours dans le cadre du processus d’enrôlement, le Ministre Désiré Tagro a initié l’opération carte d’identité verte pour permettre aux détenteurs de ces cartes qui n’ont pas d’extraits de naissance, de les retrouver. Cette opération vous agrée-t-elle?
M.S. Pour nous, seule la CEI a l’initiative et la pleine responsabilité de toutes les opérations qui ont trait au processus électoral. Nous ne pouvons donc pas comprendre que le ministre de l’Intérieur qui est le prolongement de l’exécutif puisse s’immiscer dans ce processus confié à une structure indépendante qu’est la Commission électorale. Nous ne comprenons pas qu’il puisse signer unilatéralement des communiqués invitant les citoyens à cette opération qui, dit-il, va permettre à ces personnes de retrouver leurs extraits de naissance par le biais de l’Office National d’ Identification.

LP : C’est quand même important de retrouver son extrait de naissance. N’est-ce pas ?
M.S. Bien sûr. Mais, suite à nos investigations sur le terrain, il est apparu que jusqu’à ce jour, aucune requête n’a été adressée à l’ONI de la part des Sous-préfets. Vous savez que ministre de l’intérieur avait dit que les requérants devraient déposer leurs demandes auprès des Sous-préfets qui, à leur tour, devraient les acheminer à l’ONI. Vous conviendrez avec nous qu’un tel processus est matériellement et techniquement impossible. Les Sous-préfets ont dit qu’ils n’ont aucun moyen de recruter du personnel pour enregistrer ces requêtes, les acheminer à l’ONI, et revenir les chercher et les distribuer à leur destinateur. Au niveau de l’ONI, nous apprenons également qu’il n’y a pas de personnel suffisant pour aller fouiller dans les archives (qui datent de 1992) pour retrouver les documents des requérants. N’oubliez pas que ce sont des tonnes de documents. En définitive, nous avons la conviction que l’initiative du Ministre Tagro a pour but de servir une partie de nos concitoyens, c’est-à-dire les militants du Fpi.

Qu’est ce qui vous permet de faire une telle affirmation ?
M.S. Nous le disons, parce que nos investigations nous ont permis de savoir qu’à ce jour, seuls des élus du Fpi ont déposé des requêtes directement au Ministère de l’Intérieur. Et ces requêtes sont traitées avec célérité par certains agents de l’ONI. Nous demandons qu’on arrête cette façon de faire. Il y a des structures officielles qui ont été mises en place par les différents accords pour s’occuper de tous les aspects du processus électoral. C’est le lieu pour nous, d’interpeller le Premier ministre à fin qu’il consulte les acteurs politiques à l’effet, d’une part, de permettre aux détenteurs des cartes d’identité vertes qui n’ont pas d’extraits de s’enrôler directement. Et d’autre part, confier la distribution des extraits de naissance stockés à l’ONI aux démembrements de la CEI et de la CNSI.

L.P. Est-ce que des élus du RDR ont déposé des requêtes de leurs militants qui n’ont pas été traitées avec la même célérité ?
M.S. Justement, nous avons demandé à certains de nos élus d’essayer cet exercice. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas eu de suite.

LP : M. Sokouri Bohui, secrétaire national du Fpi chargé des élections, a dit qu’il faudra recenser jusqu’au dernier citoyen ivoirien. Que pensez-vous de cette exigence du Fpi ?
M.S. Ce n’est ni à Sokouri ni à moi, de décider de la date à laquelle l’on devra arrêter l’opération pour aller aux élections. C’est la CEI qui est investie des prérogatives de démarrage et d’arrêt des opérations liées au processus électoral. Ces déclarations de Sokouri n’engagent que lui. Au moment venu, c’est la CEI qui appréciera. Pour le moment, nous avons dépassé la barre de 5 millions soit un taux de couverture qui oscille entre 60 et 70% de la population électorale. Nous savons que toutes les statistiques du pays ne sont pas fiables. On nous avait dit que la population électorale d’Abidjan était estimée à plus de 3,5 millions. Nous avons à peine atteint 2 millions au moment où l’opération s’arrêtait à Abidjan. Cela prouve que la population électorale prévisionnelle (8,5 millions) est peut-être surévaluée. Donc, certainement le dernier ivoirien, selon Sokouri, n’est pas loin d’être enrôlé. Ainsi, le Fpi n’aura plus d’argument pour retarder les élections. Pour me résumer, je dirai que le Fpi est un parti politique comme le RDR, le PDCI, l’UDPCI ou le MFA. Ses desiderata ne s’imposent pas aux autres. Nous n’allons pas nous attarder sur les intentions du Fpi. C’est à la CEI où sont représentés les partis politiques que tout doit se discuter.

LP : Monsieur le Directeur central de campagne, le même discours est tenu par le chef de l’Etat qui affirmait lors de la présentation de vœux au Palais qu’il avait souhaité un recensement léger. Et ses adversaires ont choisi une voie plus coûteuses et lourde. Et qu’il fallait aller jusqu’au bout. Ne pensez-vous pas que cette idée aboutira à un blocage dans l’avenir ?
M.S. Je m’inscris en faux contre cette affirmation, parce que c’est le Fpi qui a souhaité que le processus soit lourd tel qu’il l’est aujourd’hui en impliquant l’INS ; l’ONI en exigeant que plus tard il y ait des croisements. Le Fpi a demandé que la vérification se fasse préalablement. Alors que la SGEM et l’ONI pouvaient le faire en quelques heures. La lourdeur émane du chef de l’Etat et du Fpi. Ailleurs, au Nigeria ou au RD Congo des dizaines de millions d’électeurs ont été enrôlés en moins de cinq mois. Cela prouve que tout est une question de volonté politique.

L.P. Que cache alors, selon vous, cette lourdeur délibérément organisée autour du processus d’enrôlement?
M.S. Cette lourdeur cache la volonté du Fpi de retarder au maximum la tenue des élections. C’est un secret de polichinelle que de dire que le Fpi souhaite que le processus aille jusqu’en 2010. Je pense que le peuple ivoirien est fatigué. Ce discours ne passe plus. Dieu merci, le processus électoral est irréversible. Cela inquiète certains acteurs politiques. Au RDR, nous avons la ferme conviction que cette année 2009 sera la bonne. Nous ne sommes pas loin de la fin du processus d’enrôlement des électeurs.

L.P. Deux semaines de rattrapage ont été autorisées par la CEI. Sont-elles suffisantes de votre point de vu ?
M.S. Je pense que tout dépendra de la population cible concernée par localité. Il y a des localités où deux semaines seront suffisantes et pour d’autres non. A la dernière rencontre avec le RHDP, la CEI a rassuré qu’au moment venu, il y aura des séances de rattrapage sur toute l’étendue du territoire et même à Abidjan. Pour nous, il est important que ces séances aient lieu.

L.P. Certains pays tels que l’Arabie Saoudite, le Gabon, le Bénin où il y a une forte communauté ivoirienne, ont été exclus de la liste des pays où doit avoir lieu le recensement. Argument avancé par la CEI, le problème de Visa. Cet argument vous semble-t-il convaincant ?
M.S. Evidemment, nous considérons que cet argument n’est pas convaincant. Nous avons un pays très respecté. On est étonné d’entendre que la Côte d’Ivoire qui a des liens directs avec tous ces pays n’ait pas pu régler un problème de visa pour permettre aux commissaires de la Cei de se rendre dans ces pays pour des missions aussi importantes que celles liées aux élections. Nous pensons qu’il y a certainement une autre raison que la CEI veut occulter aux ivoiriens. Peut-être des questions budgétaires. Nous espérons que la CEI est de bonne foi et qu’elle fera preuve de bonne volonté pour trouver des solutions.

L.P. L’installation des bureaux de la CEI à l’Etranger tout comme le recensement électoral ont démarré cette semaine. Est-ce que tout se passe bien ?
M.S. Nous suivons avec la plus grande attention la mise en place des bureaux de la CEI à l’Etranger. Nous tenons à l’indépendance de la CEI aussi bien au plan national qu’à l’Etranger.

L.P. Y a-t-il un problème qui menace l’indépendance de la CEI à l’Etranger ?
M.S. Bien sûr. Ce que nous notons, c’est que les conditions d’enrôlement varient d’une Ambassade à une autre. Dans certains pays, celles-ci sont rendues draconiennes par des Ambassadeurs, principalement à l’égard des militants du RHDP. Certains Ambassadeurs vont jusqu’à se substituer à la CEI en procédant à des recrutements des agents d’enrôlement.
Pour ce qui concerne spécifiquement le RDR, nous regrettons le fait que dans certains pays tels que le Danemark et l’Espagne, les Ambassadeurs refusent la liste des commissaires nous avons proposée. Ils ne sauraient nous imposer des commissaires qui vont parler au nom du RDR. La CEI doit veiller à l’harmonisation des conditions dans toutes les Ambassades, c’est-à-dire n’exiger que l’extrait de naissance. Et que seuls les commissaires de la CEI doivent avoir l’initiative du recrutement des agents d’enrôlement, la détermination des lieux et les conditions ‘enrôlement conformément à la loi portant organisation et fonctionnement de la CEI.

L.P. Pour les pays qui ont été exclus de l’enrôlement, quelles solutions palliatives préconisez-vous ?
M.S. Nous proposons qu’on puisse faire du Bénin un lieu d’enrôlement pour recevoir les ivoiriens résidents au Nigeria, en Arabie Saoudite pour les ivoiriens résidents dans les pays du Golf persique , ainsi qu’au Gabon pour les ivoiriens de l’Afrique centrale,( Cameroun, RD Congo, Congo Brazzaville et). La CEI a encore le temps de se rattraper. Pour terminer, je tiens à saluer les responsables des commissions techniques électorales qui sont nos démembrements aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’Extérieur. Ils se sont tous impliqués dans le processus auprès des responsables locaux de campagne. Ils doivent continuer le travail de sensibilisation surtout pendant la période de ratissage.

Réalisée par Ibrahima B. Kamagaté
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