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Économie Publié le mardi 10 mars 2009 | Nord-Sud

Jean-Louis Billon (Président de la Chambre de commerce et d`Industrie de Côte d`Ivoire) : "Si cet impôt est imposé, les entreprises iront en grève"

Le secteur privé est remonté contre la nouvelle Fiche de renseignement à l'importation que le ministère du Commerce veut lui imposer. Dans cette interview le président de la Chambre de commerce et d'industrie dénonce un « impôt illégal qui vient démultiplier les charges des entreprises et qui risque d'entraver dangereusement la relance économique ».


•Une polémique oppose le secteur privé au ministère du Commerce au niveau de la Fiche de renseignement à l'importation (Fri). Est-ce que ce document est une nouvelle création?

Ce n'est pas une nouvelle création. Nous avons écouté dimanche le ministre sur les antennes de la radio nationale. Mais, on n'a jamais dit que c'est un nouveau document ou une fiche inutile. Nous dénonçons le fait que du jour au lendemain, on se retrouve avec une inflation de 1000% par rapport à la formule de paiement qui existait déjà avec la convention qui lie l'Etat à Bivac. On paie déjà pour la Fiche de renseignement à l'importation (Fri) pour le contrôle, les conteneurs. Tout est pris en compte. Et la clé de répartition doit se faire entre les services de l'Etat. Mais là, on revient vers l'opérateur économique et on lui demande de payer directement et en espèces dans les services du ministère du Commerce. C'est une somme qui est considérable parce qu'il s'agit de 30.000 Fcfa pour les produits sensibles et 40.000 Fcfa pour les produits conteneurisés.


•Certains peuvent penser que 30.000 Fcfa ou 40.000 Fcfa, ce n'est pas trop pour les entreprises que vous êtes…

Mais, c'est 30.000 ou 40.000 Fcfa par fiche !


•Un importateur normal peut payer pour combien de fiches ?

Les importateurs peuvent avoir 20, 30, 100 fiches et plus. Cela dépend de l'importance de l’activité. Vous avez des opérateurs dont le métier, c'est de l'import-export. Ils ont des milliers de produits référencés. Il y a tellement de dysfonctionnements là-dedans que s'il y a une erreur, vous devez repayer le même montant pour prendre une autre fiche. On ne vous rembourse pas le montant précédent parce qu'on ne vous remet pas de reçu nominatif.


•La procédure qui existait, était-elle conforme aux normes acceptées notamment les conventions auxquelles la Côte d'Ivoire est partie prenante vis-à-vis de l'Organisation mondiale du commerce (Omc) ?

Ce qui existait auparavant était conforme. Maintenant, quand on mentionne l'Omc, il faut rappeler le principe qui gouverne cette organisation. En général, c'est la réduction du nombre des barrières douanières et des taxes. Donc, on doit tendre vers moins de taxes. Sur ce plan, la Côte d'Ivoire est en retard. D'autant que si on applique intégralement les dispositions de l'Omc, les droits de douane doivent baisser pour favoriser et intensifier le commerce entre les pays. Il y a une contradiction à ce niveau. Nous nous sommes rendu aux rencontres de l'Omc et nous pouvons en parler. Lors de la dernière réunion de l'Omc, le ministère du Commerce était absent. Par contre, la Chambre de commerce était présente avec certains opérateurs du secteur privé qui ont effectué eux-mêmes le déplacement avec leurs propres moyens.
Ce qui gouverne cette institution, c'est la suppression des barrières non tarifaires pour densifier les échanges commerciaux. Or ici, on veut appliquer des taxes supplémentaires.



•Mais, si ces taxes sont prévues par les textes, notamment l'annexe fiscale?

Mais personne ne se soustrait puisque cela existe déjà. Dans le cas présent si on doit payer 40.000 Fcfa par document d'importation, vous allez avoir les produits les plus chers du monde en Côte d'Ivoire. On n'a pas dit de supprimer la Fri mais plutôt le paiement qui vient d'être établi par le ministère du Commerce qui est de l'ordre de 30.000 à 40.000 Fcfa. Le ministre mentionne l'instauration de la facture normalisée. Il faut savoir que ce document a fait au préalable l'objet d'une Loi des finances qui a été présentée à l'Assemblée nationale avant son adoption. Mieux encore, il a été discuté avec l'ensemble des organisations patronales, des chambres consulaires.
On ne s'est pas réveillé un matin avec la facture normalisée imposée à tous. Cela a fait l'objet de discussions.


•Les paiements ont été effectifs depuis janvier 2009, alors que cela n'est pas prévu par la loi. Finalement l'argent a été payé à qui?

Ce paiement n'est pas du tout prévu. Et l'argent est payé au ministère du Commerce en espèces.


•Les importateurs ont-ils estimé ce que cette nouvelle Fri pouvait rapporter par jour au ministère du Commerce?

La Fri rapporte 15 à 20 millions Fcfa chaque jour au ministère du Commerce. Si vous faites un calcul, je ne pense pas que pour réformer ou réorganiser un ministère, on ait besoin de tant de fonds. Parce qu'avec des sommes pareilles, on ouvre des usines en Côte d'Ivoire qui vont embaucher des milliers de personnes. C'est une forme de régie financière qui ne dit pas son nom.


•Quelles contraintes cela impose aux opérateurs économiques?

Il faut noter déjà des problèmes sécuritaires puisqu'on devait envoyer un commis avec plusieurs millions de Fcfa pour payer la Fri. Il y a beaucoup de retard dans l'établissement de ce document, quoiqu'en dise le ministère. Cette situation occasionne des retards en chaîne. Or, on a besoin de la Fri pour payer les fournisseurs, pour faire les importations et les exportations. La douane ne réclame pas la Fri mais sur l'ensemble des documents nécessaires, elle est importante. Parce que quand il y a un document qui manque, tout qui est bloqué. Il faut savoir que cela est répercuté aux consommateurs. Les 30.000 et 40.000 Fcfa sont répercutés aux consommateurs. On demande encore aux ménages ivoiriens qui voient le coût de la vie augmenter depuis plusieurs mois, de faire plus d'effort. C'est inadmissible.


•Pourtant le ministre a précisé qu'en 48 heures, la Fri serait disponible grâce au système qu'il a mis en place, là où il fallait une semaine avant…

Non, ce n'est pas exact. Vous pouvez demander à tous les transitaires, à l'ensemble des importateurs et exportateurs. Ils sont tous aujourd'hui en difficulté parce qu'il y a des blocages.


•Par quoi ces blocages se traduisent en termes de coût?

Quand vous avez un retard, cela a forcement un coût. Vous ne pouvez pas importer plus rapidement qu'autrefois. Cette situation fait douter votre fournisseur, cela l'énerve et il vous fait moins confiance. Au niveau de l'export, c'est pareil. Les navires n'attendent pas forcément. Certains opérateurs, pour rattraper leur retard, sont obligés de faire des envois par avion. De toutes les façons, la mesure telle qu'elle a été prise, est tout simplement illégale. Alors que nous ne réclamons que la légalité. On ne veut pas rentrer dans la cuisine gouvernementale. Le ministère a peut-être besoin de réforme. Nous payons déjà un ensemble de choses. Nous payons beaucoup plus que la moyenne des pays du monde. Nous avons fait un calcul et la Côte d'Ivoire est dans l'ordre de 2.300 dollars le conteneur quand la moyenne est autour de 1.150 dollars dans l'ensemble des pays de l'Ocde. Donc, nous nous éloignons du développement.


•Quelle est la situation par rapport aux concurrents de la sous-région?

Par rapport à la sous-région, on est plus cher. Nous sommes en train de faire une étude dans ce sens. Aujourd'hui vous avez des produits dans les supermarchés de Bamako et Ouaga qui sont beaucoup moins chers que dans les supermarchés d'Abidjan. Or ces produits importés qui se sont retrouvés sur le marché de l'hinterland, ont traversé tout le pays.


•Les opérateurs nationaux ne pratiquent-ils pas des marges excessives ?

Ce ne sont pas les commerçants d'ici qui ont des marges excessives. Je pense que c'est l'ensemble des procédures et des tracasseries qui sont plus importantes ici.


•Mais pourquoi la Banque mondiale a-t-elle gratifié le pays d'un score favorable dans le cadre de son Doing business. On parle d'une certaine amélioration…

On n'a pas de score favorable… bien au contraire. Amélioration d'un point ou deux, mais il faut reconnaître qu'on reste encore dans les 163-170ème pays. Or le Ghana est à la 88ème place. Cela veut dire qu'il est plus difficile de faire des affaires en Côte d'Ivoire que cela ne l'est au Ghana. Doing business analyse la facilité de faire des affaires dans un pays. Entre Abidjan et Accra, il n'y a pas match. C'est bien dommage. Or la Côte d'Ivoire est un pays à fort potentiel nettement plus que la Ghana. Malheureusement, trop de personnes viennent porter un coup à notre développement.


•Si on vous suit bien, cette taxe qu'impose la Fri, ne viendra que compliquer la situation de la Côte d'Ivoire par rapport au Doing business…

Cela va nous faire perdre des points. On va perdre également des points en terme de compétitivité. Cela va augmenter le coût de la vie. En plus, c'est une taxe qui est importante mais qui ne rentre pas dans les caisses du trésor ivoirien. Elle a été instaurée uniquement pour le bien d'un ministère. Il faut qu'on cesse de donner l'impression que l'opérateur, l'entrepreneur est là pour travailler au service d'un gouvernement. C'est le contraire qui doit se faire. On a l'impression qu'on nous dit, faites des affaires pour nous servir. Ce n'est pas ça du tout. Vous allez à Singapour pour le même ministère du Commerce, une phrase vous accueille : «C'est-à-vous de nous dire comment nous devons faire pour que les choses aillent mieux.» Et pas l'inverse. Ici, on ne nous consulte pas et on nous envoie des taxes. Contrairement à ce que dit le ministère, on connait parfaitement les textes du commerce international. Justement pour la cohésion sociale, la bonne marche de l'économie, il est prévu que pour toutes les questions et lois économiques, il est bon de demander l'avis des chambres consulaires.


•Il semble que le ministère de l'Economie et des Finances est plutôt de votre avis par rapport à cette question…

Le ministère de l'Economie est entièrement de notre avis. Parce qu'il a clairement indiqué qu'il s'agissait là de la levée d'un impôt qui relève d'une procédure définie mais qui n'a pas été respectée. Il a demandé au ministère du Commerce de surseoir à son application. Le ministère du Commerce n'a pas voulu le faire. Au moment où on parle de l'unicité de caisse de l'Etat, on voit une démultiplication des caisses de l'Etat. C'est une nouvelle caisse qu'on veut mettre au ministère du Commerce. La capacité d'imposition de l'Ivoirien est en train de s'affaiblir parce qu'on crée un impôt informel. Déjà les frais de route que les commerçants et les transporteurs paient aux nombreux barrages, sont une forme d'impôt informel. Il y a une sorte d' «informalisation» de l'appareil de l'Etat qui handicape notre économie. Quand on dit que les Ivoiriens ne paient pas suffisamment d'impôt, c'est faux. C'est qu'il y a les impôts légaux et illégaux. Si on supprime totalement les impôts illégaux, on va se rendre compte que la capacité de payer l'impôt légal existe et l'Etat et l'ensemble de la nation fonctionneraient mieux. Des impôts qui se lèvent et qui ne rentrent nulle part dans les caisses du trésor, sont réfractaires au développement du pays. Nous sommes des légalistes. Pourquoi est-ce que le ministère de la Communication ne se lève-t-il pas pour faire payer une taxe aux journalistes pour réformer son cabinet ? Pourquoi on ne se lève pas pour réformer le ministère de la Défense en prenant une taxe sur l'ensemble des militaires et des Fds? A ce rythme, c'est la porte ouverte à toute sorte de dérives qui conduiront à la catastrophe. En tant qu'élu, on aimerait bien réformer nos services, mais pourquoi on ne se lève pas pour aller imposer des taxes partout. Pour la bonne marche de la nation, il y a un système d'établissement des droits, taxes et impôts qui est en vigueur et qu'on doit respecter.


Le Premier ministre, après avoir suspendu la Fri, a demandé la mise en place d'un cadre de concertation. Où en êtes-vous ?

Pour l'instant, il y a une concertation entre les membres du gouvernement. Nous attendons très prochainement la convocation par rapport aux secteurs public et privé.

Je pense que ce cadre de concertation est une bonne chose parce qu'il va permettre de discuter avant de prendre des décisions qui touchent le secteur économique. Il ne faut pas perdre de vue que la Côte d'Ivoire est un pays qui est en crise profonde. Nous devons réfléchir à comment sauvegarder notre économie, comment favoriser l'emploi et l'investissement. Mais si on prend des décisions éparpillées, nous allons contrarier l'investissement puisque les investisseurs ne viendront pas en Côte d'Ivoire.


Même ceux qui sont ici, ne vont pas réinvestir de peur du lendemain qui est incertain. On est dans une période où on doit bien au contraire réduire les tracasseries, les taxes et impôts pour relancer notre économie. C'est ce que font l'ensemble des pays qui sont dans des situations difficiles pour donner satisfaction aux consommateurs et aux populations. Avec la crise, on a perdu près de 300.000 emplois dans le secteur privé moderne en Côte d'Ivoire.

•Vous avez demandé que les entreprises qui ont fait l'objet de paiement de la Fri version ministère du Commerce depuis janvier, soient remboursées. Cela est-il effectif ?

Ce sont les entreprises qui le demandent. Nous avons reçu de nombreux courriers à la Chambre de commerce où elles demandent la suite à donner aux sommes qu'elles ont injustement payées.


•Globalement ces entreprises ont payé combien à ce jour ?

J'ai indiqué que c'est entre 15 et 20 millions Fcfa que le ministère encaissait par jour avec cette Fri. C'est vraiment intéressant car il faudrait demander au ministère du Commerce de nous dire exactement combien ils ont encaissé depuis le début. Nous sommes dans un pays où il y a trop d'opacité. Il faut travailler en toute transparence.

Tous les jours, on nous invente quelque chose de nouveau. Il y a aujourd'hui le carnet de licence d'import/export. Il est passé de 50.000 Fcfa le carnet (qui comprend 50 bordereaux) à 50.000 Fcfa le feuillet. Ce qui porte le coût du carnet à 2.500.000 Fcfa. C'est une nouvelle mesure que le ministère du Commerce vient de prendre il y a quelques jours seulement et qui fait exploser les tarifs.


•Essayez de nous situer un peu sur l'ampleur de ce carnet…


Il concerne tous ceux qui font des importations occasionnelles. On se retrouve avec une inflation aussi importante. Mais tout ça est fait de façon informelle. Aucune note officielle n'indique cette hausse. L'information a été verbalement précisée aux opérateurs économiques par les agents en charge de la délivrance de ces documents. On n'a pas fini de régler notre problème qu'on nous en ressort un autre.


•Quel sort est réservé à l'opérateur qui refuse de s'y plier ?

Mais il est bloqué. Il faut voir que les enjeux économiques sont importants. Pourquoi les opérateurs se sont mis à payer ? Parce que si vous avez 40 ou 50 millions de marchandises à exporter ou à importer, vous n'allez pas vous laisser bloquer pour 40.000 Fcfa. Mais là n'est pas la question. Ce n'est pas honnête de jouer sur les impératifs des opérateurs économiques. Vous avez entre autres, les charges des employés qui attendent leurs salaires. Il faut faire face à tout ceci. Si le ministre du Commerce veut faire du commerce, qu'il sorte du département ministériel et qu'il rentre dans le milieu concurrentiel avec nous et qu'on se batte sur le terrain. Mais ce n'est pas à lui de transformer l'immeuble Ccia en centre commercial. On n'est pas heureux de cette situation.


•Jusqu'où pourriez-vous aller si cela traîne sans suite ?

En tant que président de la chambre consulaire, jusque-là j'ai fait beaucoup de médiation pour ne pas qu'il y ait des blocages. Les entreprises, les importateurs demandent qu'on se mette en grève. Moi je m'interdis d'aller vers une telle démarche. Par contre, les organisations patronales qui sont des syndicats, ont tout le loisir d'aller en grève. Je crois savoir que c'est dans leur objectif. Je pense que ce sera un message fort et cela va clore le débat. Le ministère du Commerce a toujours existé y compris ces documents. Pourquoi il y a polémique aujourd'hui et non hier. C'est parce qu'aujourd'hui, il y a une exagération. Il ne faudrait pas qu'on nous prenne pour ceux qui veulent s'opposer forcément à la loi. On s'est toujours plié devant la loi. A un moment, il ne faut pas continuer de prendre les enfants de Dieu pour des canards sauvages parce qu'ils vont vous rappeler qu'ils sont aussi des êtres humains.


•Vous avez tantôt effleuré la question de l'emploi. Mais quelle est la situation réelle au niveau du secteur privé?

La situation de l'emploi est vraiment difficile. Nous avons perdu 50% des entreprises entre 2002 et 2008. Il y a des entreprises qui naissent et disparaissent en même temps. Parce qu'aujourd'hui, il est très délicat d'évoluer économiquement en Côte d'Ivoire. L'environnement est difficile, il ne faut pas le rendre encore plus complexe. La crise internationale qui atteint nos matières premières agricoles, entraîne la diminution des revenus. Nous sommes donc confrontés à la crise sociopolitique ivoirienne mais en mêmes temps aux enjeux économiques nationaux, sous-régionaux et internationaux. Nous devons être donc compétitifs. Une entreprise n'est pas compétitive par rapport à son concurrent qui est à la zone industrielle de Yopougon ou de Vridi. Elle est compétitive par rapport à son concurrent qui est ailleurs dans le monde. Quand on regarde le niveau des coûts de facteurs en Côte d'Ivoire, on ne peut pas être compétitif. C'est difficile dans de telles conditions d'attirer les investissements et des entreprises vers les standards mondiaux. C'est pour cela qu'on prône la défense d'un environnement favorable à l'entreprise. C'est-à-dire qu'il faut réduire le niveau général des impôts, les charges sociales, les coûts de facteurs, les tracasseries et l'ensemble des dysfonctionnements pour nous rendre compétitif. Une fois qu'on a favorisé l'investissement, la création d'entreprises et des emplois, on va avoir des gains de recettes fiscales en Côte d'Ivoire qui vont nous permettre de faire face à notre processus de développement. Parce que l'effet démultiplicateur d'entreprises aura le dessus sur la réduction de l'ensemble des coûts de facteurs et de la fiscalité.


•La question des coûts de facteurs est devenue récurrente dans le secteur privé. En terme de comparaison, comment vous pouvez mesurer son impact sur l'économie nationale ?

Dans l'énergie par exemple, nous sommes quatre fois plus cher. La différence du coût de l'électricité entre la Côte d'Ivoire et des pays comme la Malaisie, est énorme. Nous avons un carburant plus cher que les pays de l'hinterland et les pays d'Asie du Sud-Est qui sont nos véritables concurrents. Ces pays asiatiques font les mêmes produits agricoles que nous. Au moment où nous avons la tonne de l'huile de palme brute à 500 dollars, eux, ils l'ont à 200 dollars. Même le cacao où nous sommes le premier producteur mondial, on le transforme à 350 dollars la tonne, quand en Asie, en Europe, aux Etats-Unis, il est transformé à 150 dollars la tonne. Alors que le cacao vient de chez nous. Il traverse l'ensemble de la planète pour arriver ailleurs pour se faire transformer moins cher que chez nous. C'est qu'on doit se remettre en question en réduisant les barrières qui font obstacle à notre compétitivité. Au lieu de s'inscrire dans cette démarche, on est en train de démultiplier les problèmes. Tout ceci au détriment de notre économie. La campagne de l'anacarde s'est arrêtée en 2008 parce que les frais de route et les coûts de facteurs étaient devenus plus importants que la valeur de la marchandise transportée. Voilà les situations vers lesquelles on risque de tomber dangereusement. C'est comme cela qu'on tue la poule aux yeux d'or.


•Du 3 au 4 mars le secteur industriel a initié un séminaire pour dénoncer les faiblesses de l'appareil judiciaire. Quel commentaire cela vous inspire quand on sait que vous avez longtemps critiqué les dysfonctionnements de la justice ?

C'est une bonne chose. Le monde économique a toujours demandé une réforme de l'appareil judiciaire parce qu'il n'y avait pas en Côte d'Ivoire le tribunal du commerce. D'ailleurs il n'y en a toujours pas. Mais je crois qu'aujourd'hui, le projet de mise en place de ce tribunal existe. On espère que cela va s'accélérer avec de véritables magistrats qui ont la connaissance de la chose économique et que vous n'allez pas être jugé par quelqu'un qui règle des divorces, des vols mais en même temps qui doit parler de la situation financière d'une entreprise qui a plusieurs milliards de Fcfa de capital. Ce sont vraiment des choses différentes. Cette situation faisait qu'en Côte d'Ivoire, le coût de l'argent est plus élevé que dans l'ensemble de la sous-région. Parce que les dysfonctionnements de la justice sont pris en compte par la banque qui dit qu'elle perd toujours en justice. Il y a eu des cas célèbres ici qui ont condamné des banques. Les banques disent que tout cela a un coût pour nous, donc on le facture à l'emprunteur. Si bien que vous avez 4 à 5 points de différences de taux entre Dakar, Cotonou, Lomé et Abidjan. Je ne vous parle pas des pays d'Europe et d'Amérique où on a des taux qui sont entre 10 et 12%. Il faut savoir que tout projet de développement s'inscrit dans la durée. Le coût de l'argent est un pari sur le temps. Un taux élevé favorise le court terme, un taux bas favorise le long terme. En clair, si on veut se développer, il faut qu'on ait des taux bas. On ne peut se développer trop vite. Il faut le temps de construire, de préformer et de former. Cela prend plusieurs années.


Interview réalisée par Kesy B. Jacob et Cissé Cheick Ely
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