Plus de 10.000 enseignants du secondaire public qui n'ont pas perçu leurs salaires de février pour fait de grève, broient du noir. Incursion dans la galère des professeurs.
T.K. enseignant au lycée moderne d'Akoupé est en deuil depuis une semaine. Son épouse est décédée pour 59.000 Fcfa qu'il n'a pu trouver pour la soigner d'une crise subite survenue en pleine nuit. Ses collègues ont tenté de voler à son secours, mais leur bonne foi n'a pas suffi à réunir le montant nécessaire pour sauver la malade. Qui laisse derrière elle un mari désemparé, sans un rond et qui ne sait à quel saint se vouer. Ce professeur a été privé de son salaire du mois de février suite à la grève qui a duré du 20 au 30 janvier à l'appel de l'Union des syndicats de l'enseignement général et technique. Autre lieu, même problème. Ce week-end, les enseignants du Collège moderne Bad de N'Douci ont assisté impuissant à la mort d'un des leurs. S.M. est décédé parce qu'il n'avait pas la somme 100.000 Fcfa nécessaire pour ses soins.
Des cas de décès
Ses amis ont voulu l'aider. Ils ont cotisé des fonds, mais le montant obtenu était largement en deçà de la somme recherchée. Il a rendu l'âme. Comme de nombreux salariés ivoiriens, ces deux chefs de familles n'avaient pas d'épargne. Leurs revenus qui stagnent sont engloutis par les charges qui ne cessent d'augmenter. Dans la majorité des cas, le salaire ne suffit plus, au point où le travailleur est obligé d'aller de dette en dette pour survivre. Pour ce salarié qui avait autant de difficultés, toute suspension de salaire est synonyme du pire. A côté des quelques enseignants dont la galère a déjà tourné au drame, il y a la grande majorité qui broie du noir. C'est le cas Traoré S. enseignant de lettres dans un lycée de la banlieue abidjanaise. « C'est très très difficile. J'ai dû négocier avec le propriétaire de ma maison pour différer le paiement du loyer », révèle-t-il. Il ajoute : « Mon épouse qui n'a pas de revenu consistant, a été mise à contribution. Pour éviter l'humiliation dans le quartier, je me suis endetté pour régler la facture d'électricité qui s'élève à plus de 40.000 Fcfa ». Toute la maisonnée a été mise au régime : le petit déjeuner a disparu, le riz de qualité approximative appelée « déni cacha » a remplacé le riz thaïlandais, la viande et le poisson se font rares dans la sauce. Un autre formateur dit avoir soumis sa famille à la pratique de la « la mort subite », c'est-à-dire qu'un seul repas est consommé par jour aux environs de 17h. « Celui qui rate ce rendez-vous doit attendre le lendemain à la même heure », souligne l'enseignant. La situation n'est guère reluisante pour ceux dont le salaire a été ponctionné de plus de la moitié. Professeur au lycée I de Gagnoa, Ouattara I. a constaté un « trou » de 152.000 Fcfa sur son salaire. Avec ses engagements, il n'a pu toucher que 80.000 vite dépensés pour régler les factures d'eau et d'électricité qui ont atteint 47.000. « Avec le découvert bancaire, j'ai acheté un sac de riz, donné la popote et réglé d'autres dépenses.
Les repas revus à la baisse
Mon loyer n'a pas été payé ce mois, le propriétaire a accepté ma proposition de le régler quand la situation va se normaliser », explique le professeur certifié. Dans la cité du Fromager, un professeur de Cafop a par solidarité, ouvert « une ligne de crédit » qui permet aux professeurs de manger et de payer après. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? Certains grévistes doivent leur salut au portefeuille de leur conjointe. Professeur de maths dans un collège d'Abobo, K.M dont le salaire a été ponctionné à hauteur de 130.000 Fcfa, est sauvé par son épouse. « Elle a accepté de contribuer aux charges domestiques. Ce n'est pas un prêt », se soulage l'enseignant. Ses heures de vacation, « le gombo », qui devait lui permettre de tenir le coup, n'a malheureusement pas « glissé » le mois de février. « Avec les congés, je n'ai pas pu effectuer assez d'heures. Ce qui constitue un sérieux manque à gagner », se plaint-il. Mamadou D a quant à lui bénéficié d'un soutien conditionné de son épouse qui se débrouille dans la vente d'habits pour bébés. Après avoir payé un sac de riz et réglé le salaire de la domestique, sa femme a fait le reste. « Elle m'a fait un prêt pour régler le loyer pour éviter que le propriétaire, connu pour sa grande intransigeance, vienne nous humilier. L'argent de la popote étant épuisé, c'est elle qui assure les repas quotidiens », explique le professeur. Mais certains de ses collègues disent accepter à contrecœur cette aide de leur moitié. « Il suffit d'une petite brouille pour qu'elle vous crache à la figure et en public son soutien », craint un doyen du corps enseignant.
Nomel Essis
T.K. enseignant au lycée moderne d'Akoupé est en deuil depuis une semaine. Son épouse est décédée pour 59.000 Fcfa qu'il n'a pu trouver pour la soigner d'une crise subite survenue en pleine nuit. Ses collègues ont tenté de voler à son secours, mais leur bonne foi n'a pas suffi à réunir le montant nécessaire pour sauver la malade. Qui laisse derrière elle un mari désemparé, sans un rond et qui ne sait à quel saint se vouer. Ce professeur a été privé de son salaire du mois de février suite à la grève qui a duré du 20 au 30 janvier à l'appel de l'Union des syndicats de l'enseignement général et technique. Autre lieu, même problème. Ce week-end, les enseignants du Collège moderne Bad de N'Douci ont assisté impuissant à la mort d'un des leurs. S.M. est décédé parce qu'il n'avait pas la somme 100.000 Fcfa nécessaire pour ses soins.
Des cas de décès
Ses amis ont voulu l'aider. Ils ont cotisé des fonds, mais le montant obtenu était largement en deçà de la somme recherchée. Il a rendu l'âme. Comme de nombreux salariés ivoiriens, ces deux chefs de familles n'avaient pas d'épargne. Leurs revenus qui stagnent sont engloutis par les charges qui ne cessent d'augmenter. Dans la majorité des cas, le salaire ne suffit plus, au point où le travailleur est obligé d'aller de dette en dette pour survivre. Pour ce salarié qui avait autant de difficultés, toute suspension de salaire est synonyme du pire. A côté des quelques enseignants dont la galère a déjà tourné au drame, il y a la grande majorité qui broie du noir. C'est le cas Traoré S. enseignant de lettres dans un lycée de la banlieue abidjanaise. « C'est très très difficile. J'ai dû négocier avec le propriétaire de ma maison pour différer le paiement du loyer », révèle-t-il. Il ajoute : « Mon épouse qui n'a pas de revenu consistant, a été mise à contribution. Pour éviter l'humiliation dans le quartier, je me suis endetté pour régler la facture d'électricité qui s'élève à plus de 40.000 Fcfa ». Toute la maisonnée a été mise au régime : le petit déjeuner a disparu, le riz de qualité approximative appelée « déni cacha » a remplacé le riz thaïlandais, la viande et le poisson se font rares dans la sauce. Un autre formateur dit avoir soumis sa famille à la pratique de la « la mort subite », c'est-à-dire qu'un seul repas est consommé par jour aux environs de 17h. « Celui qui rate ce rendez-vous doit attendre le lendemain à la même heure », souligne l'enseignant. La situation n'est guère reluisante pour ceux dont le salaire a été ponctionné de plus de la moitié. Professeur au lycée I de Gagnoa, Ouattara I. a constaté un « trou » de 152.000 Fcfa sur son salaire. Avec ses engagements, il n'a pu toucher que 80.000 vite dépensés pour régler les factures d'eau et d'électricité qui ont atteint 47.000. « Avec le découvert bancaire, j'ai acheté un sac de riz, donné la popote et réglé d'autres dépenses.
Les repas revus à la baisse
Mon loyer n'a pas été payé ce mois, le propriétaire a accepté ma proposition de le régler quand la situation va se normaliser », explique le professeur certifié. Dans la cité du Fromager, un professeur de Cafop a par solidarité, ouvert « une ligne de crédit » qui permet aux professeurs de manger et de payer après. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? Certains grévistes doivent leur salut au portefeuille de leur conjointe. Professeur de maths dans un collège d'Abobo, K.M dont le salaire a été ponctionné à hauteur de 130.000 Fcfa, est sauvé par son épouse. « Elle a accepté de contribuer aux charges domestiques. Ce n'est pas un prêt », se soulage l'enseignant. Ses heures de vacation, « le gombo », qui devait lui permettre de tenir le coup, n'a malheureusement pas « glissé » le mois de février. « Avec les congés, je n'ai pas pu effectuer assez d'heures. Ce qui constitue un sérieux manque à gagner », se plaint-il. Mamadou D a quant à lui bénéficié d'un soutien conditionné de son épouse qui se débrouille dans la vente d'habits pour bébés. Après avoir payé un sac de riz et réglé le salaire de la domestique, sa femme a fait le reste. « Elle m'a fait un prêt pour régler le loyer pour éviter que le propriétaire, connu pour sa grande intransigeance, vienne nous humilier. L'argent de la popote étant épuisé, c'est elle qui assure les repas quotidiens », explique le professeur. Mais certains de ses collègues disent accepter à contrecœur cette aide de leur moitié. « Il suffit d'une petite brouille pour qu'elle vous crache à la figure et en public son soutien », craint un doyen du corps enseignant.
Nomel Essis