Ce lundi 2 mars, Gbatanikro, un petit quartier de Treichville, pousse un ouf de soulagement. La gendarmerie vient d'arrêter D.T.A.A., 41 ans. De la brigade de gendarmerie, située près de la «gare de Bassam», il est déféré le lendemain à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca). Le géant d'environ 2 mètres laisse derrière lui des stigmates que, ni le temps ni le pardon de ses victimes ne pourront effacer. D.T.A.A, commerçant de son état, est un violeur qui a terrorisé la petite population de Gbatanikro. Pas n'importe quel violeur. Il préfère les enfants sans défense. Il les attire discrètement dans sa maison. Puis, loin de tout regard, il les viole. Sa dernière prise, une fillette de dix ans et demi. Le crime de trop.
Tout commence le samedi 28 février. Asta, la victime, fait le ménage à la maison. A 11 heures, elle sort de la cour pour verser de l'eau de ménage. Dehors, D.T.A.A est là souriant...Ce visage n'est pas étranger à la petite Asta, puisque le monsieur en question habite à environ 200 mètres de la cour familiale. Ce dernier en profite pour échanger quelques mots avec elle.
Il a passé deux nuits avec elle
Toute insouciante Asta oublie le ménage et le suit. Nous sommes allés sur leurs traces. Ils ont dû emprunter le petit couloir, où sont alignées de petites maisons aux toits bas. La première habitation, avec une petite fenêtre, une porte grise et un store est la tanière du violeur. Une planque assez singulière aux murs sales ; des bouts de papiers traînent devant l'entrée et un contreplaqué autour de la serrure, marqué d'une peinture rouge.
Le lieu est peu salubre. Mais, Asta y a suivi son futur bourreau. Pendant ce temps, à la maison, Kady, sa tante, et ses sœurs sont inquiètes de l'absence prolongée de la gamine. Jusqu'au soir, aucune trace. La famille commence à fouiller le petit quartier. Des proches jusqu'aux voisins du quartier, en passant par les amis. Personne ne semble avoir vu Asta. La famille passe la nuit dans l'angoisse. Le dimanche matin, le même constat: Asta est introuvable. La famille envisage alors de saisir la gendarmerie de Treichville. Finalement, elle préfère attendre encore quelques heures. Vers minuit, Asta reparaît, toute effarée. Elle est tellement traumatisée qu'elle ne parvient pas à s'expliquer sur le champ. Il faut insister pour que les premiers mots lui sortent de la bouche. Elle a été violée. La phrase tombe comme la foudre sur la famille. Personne ne semble y croire. Mais, en l'examinant, on constate qu'elle a les jambes meurtries par les manœuvres de son violeur. A l'hôpital, le médecin constatera du pus sur les lèvres du vagin. Elle a été surtout sodomisée. La fillette dénonce D.T.A.A. Interpellé par la famille, le concerné dément d'abord les faits. C'est alors que Asta articule très précisément qu'il a une blessure près du pénis. Pour lever toute équivoque l'on demande à D.T.A.A de se déshabiller devant des hommes. La blessure existe bel et bien, près de l'endroit indiqué par la fillette. Pris au dépourvu, le suspect ne cherche plus à nier les faits. L'un de ses frères qui semble connaître ses penchants lui lance, tout furieux : « On t'avait bien dit d'éviter de fréquenter les petites filles ». La famille de Asta est saisie par cette remarque. « Cela démontre que ce monsieur n'est pas à son premier crime et que sa famille le laissait faire», affirme Kady, la tante d'Asta, quelques heures après les faits. Après la preuve établie, Kady note que les parents de D.T.A.A leur ont proposé discrètement 120.000 Fcfa pour étouffer l'affaire. « Ils ont ajouté qu'ils allaient le faire partir au Sénégal, à Koalak où il a vu le jour. Mais, nous avons catégoriquement refusé l'offre », ajoute-t-elle. La gendarmerie de Treichville est saisie. Les gendarmes amènent D.T.A.A. Il est déféré le lendemain à la Maca.
Des cas de viol non signalés à Gbatanikro
Deux jours après l'arrestation, Kady, la tante d'Asta nous a contactés. Elle nous a remis le numéro de téléphone de l'une des familles de Gbatanikro dont la fille, qui a moins de dix ans, a également été violée par D.T.A.A. Par crainte, les parents avaient étouffée l'affaire. « Lorsque le cas d'Asta s'est produit, la famille a eu le courage d'en parler », affirme-t-elle. Le jour suivant, nous nous sommes rendus à Gbatanikro pour rencontrer cette famille. Une fois dans le quartier, l'un des membres de la famille, une femme, qui refuse que son nom soit mentionné, a préféré reporter la rencontre. Le lendemain, au rendez-vous, elle a préfère ne plus en parler. Nous ignorons les raisons du changement d'avis.
Nous décidons, le mercredi 4 février, de rencontrer les proches de D.T.A.A. C'est une grande famille. L'un des parents de l'accusé habite près de lui. Mais, il est absent. Entre les couloirs du quartier précaire, une jeune fille aimable, qui a assisté à l'arrestation de D.T.A.A, nous conduit vers d'autres proches du détenu, à environ 150 mètres de sa maison. A dix mètres des lieux, elle ne veut plus avancer. Elle se contente d'indiquer le lieu du doigt. C'est une petite cour devant laquelle travaillent des soudeurs. A côté, un vieux magasin de réparation d'appareils électroménagers. Les soudeurs sont méfiants lorsque nous nous présentons. D.T.A.A ? Ils se regardent. L'un d'entre eux, qui tient une barre de fer, lance menaçant : « Dis à la personne qui t'a montré ici de venir ». Plus de dialogue possible. Dans le magasin de vieux appareils électroménagers, deux personnes échangent dans une pièce humide. L'un, dans la quarantaine et l'autre, la trentaine. Ils menacent dès que nous prononçons le nom de D.T.A.A. : « On ne le connaît pas, foutez-nous le camp ! ». A ces mots les deux soudeurs nous observent avec un regard peu courtois. Nous préférons nous retirer et attendre le procès de D.T.A.A qui aura lieu en assises. Mais un constat ressort de ces faits : dans le petit quartier de Gbatanikro, où l'insécurité est l'un des soucis majeur de la population et où tout le monde se connaît, il faut plus que du courage pour dénoncer un criminel.
Une enquête de Raphaël Tanoh
Tout commence le samedi 28 février. Asta, la victime, fait le ménage à la maison. A 11 heures, elle sort de la cour pour verser de l'eau de ménage. Dehors, D.T.A.A est là souriant...Ce visage n'est pas étranger à la petite Asta, puisque le monsieur en question habite à environ 200 mètres de la cour familiale. Ce dernier en profite pour échanger quelques mots avec elle.
Il a passé deux nuits avec elle
Toute insouciante Asta oublie le ménage et le suit. Nous sommes allés sur leurs traces. Ils ont dû emprunter le petit couloir, où sont alignées de petites maisons aux toits bas. La première habitation, avec une petite fenêtre, une porte grise et un store est la tanière du violeur. Une planque assez singulière aux murs sales ; des bouts de papiers traînent devant l'entrée et un contreplaqué autour de la serrure, marqué d'une peinture rouge.
Le lieu est peu salubre. Mais, Asta y a suivi son futur bourreau. Pendant ce temps, à la maison, Kady, sa tante, et ses sœurs sont inquiètes de l'absence prolongée de la gamine. Jusqu'au soir, aucune trace. La famille commence à fouiller le petit quartier. Des proches jusqu'aux voisins du quartier, en passant par les amis. Personne ne semble avoir vu Asta. La famille passe la nuit dans l'angoisse. Le dimanche matin, le même constat: Asta est introuvable. La famille envisage alors de saisir la gendarmerie de Treichville. Finalement, elle préfère attendre encore quelques heures. Vers minuit, Asta reparaît, toute effarée. Elle est tellement traumatisée qu'elle ne parvient pas à s'expliquer sur le champ. Il faut insister pour que les premiers mots lui sortent de la bouche. Elle a été violée. La phrase tombe comme la foudre sur la famille. Personne ne semble y croire. Mais, en l'examinant, on constate qu'elle a les jambes meurtries par les manœuvres de son violeur. A l'hôpital, le médecin constatera du pus sur les lèvres du vagin. Elle a été surtout sodomisée. La fillette dénonce D.T.A.A. Interpellé par la famille, le concerné dément d'abord les faits. C'est alors que Asta articule très précisément qu'il a une blessure près du pénis. Pour lever toute équivoque l'on demande à D.T.A.A de se déshabiller devant des hommes. La blessure existe bel et bien, près de l'endroit indiqué par la fillette. Pris au dépourvu, le suspect ne cherche plus à nier les faits. L'un de ses frères qui semble connaître ses penchants lui lance, tout furieux : « On t'avait bien dit d'éviter de fréquenter les petites filles ». La famille de Asta est saisie par cette remarque. « Cela démontre que ce monsieur n'est pas à son premier crime et que sa famille le laissait faire», affirme Kady, la tante d'Asta, quelques heures après les faits. Après la preuve établie, Kady note que les parents de D.T.A.A leur ont proposé discrètement 120.000 Fcfa pour étouffer l'affaire. « Ils ont ajouté qu'ils allaient le faire partir au Sénégal, à Koalak où il a vu le jour. Mais, nous avons catégoriquement refusé l'offre », ajoute-t-elle. La gendarmerie de Treichville est saisie. Les gendarmes amènent D.T.A.A. Il est déféré le lendemain à la Maca.
Des cas de viol non signalés à Gbatanikro
Deux jours après l'arrestation, Kady, la tante d'Asta nous a contactés. Elle nous a remis le numéro de téléphone de l'une des familles de Gbatanikro dont la fille, qui a moins de dix ans, a également été violée par D.T.A.A. Par crainte, les parents avaient étouffée l'affaire. « Lorsque le cas d'Asta s'est produit, la famille a eu le courage d'en parler », affirme-t-elle. Le jour suivant, nous nous sommes rendus à Gbatanikro pour rencontrer cette famille. Une fois dans le quartier, l'un des membres de la famille, une femme, qui refuse que son nom soit mentionné, a préféré reporter la rencontre. Le lendemain, au rendez-vous, elle a préfère ne plus en parler. Nous ignorons les raisons du changement d'avis.
Nous décidons, le mercredi 4 février, de rencontrer les proches de D.T.A.A. C'est une grande famille. L'un des parents de l'accusé habite près de lui. Mais, il est absent. Entre les couloirs du quartier précaire, une jeune fille aimable, qui a assisté à l'arrestation de D.T.A.A, nous conduit vers d'autres proches du détenu, à environ 150 mètres de sa maison. A dix mètres des lieux, elle ne veut plus avancer. Elle se contente d'indiquer le lieu du doigt. C'est une petite cour devant laquelle travaillent des soudeurs. A côté, un vieux magasin de réparation d'appareils électroménagers. Les soudeurs sont méfiants lorsque nous nous présentons. D.T.A.A ? Ils se regardent. L'un d'entre eux, qui tient une barre de fer, lance menaçant : « Dis à la personne qui t'a montré ici de venir ». Plus de dialogue possible. Dans le magasin de vieux appareils électroménagers, deux personnes échangent dans une pièce humide. L'un, dans la quarantaine et l'autre, la trentaine. Ils menacent dès que nous prononçons le nom de D.T.A.A. : « On ne le connaît pas, foutez-nous le camp ! ». A ces mots les deux soudeurs nous observent avec un regard peu courtois. Nous préférons nous retirer et attendre le procès de D.T.A.A qui aura lieu en assises. Mais un constat ressort de ces faits : dans le petit quartier de Gbatanikro, où l'insécurité est l'un des soucis majeur de la population et où tout le monde se connaît, il faut plus que du courage pour dénoncer un criminel.
Une enquête de Raphaël Tanoh