L’ancien ministre du Commerce et de la Réforme administrative, Eric Kahé, est le président de l’Alliance ivoirienne pour la République. Ce proche du général Robert Guéi, ex-chef de l’Etat ivoirien, cadre de l’Ouest analyse le report de la visite du chef de l’Etat dans sa région natale.
•La visite du chef de l’Etat à l’Ouest vient d’être reportée pour la énième fois. Un commentaire ?
C’est simplement qu’il faut regretter ce report. Même si cette décision des organisateurs est motivée par des raisons objectives, il n’est pas un bon signal par rapport à la réconciliation que nous prônons. Toutes les informations qui circulent actuellement autour de ce report ne sont pas de nature à arranger l’esprit républicain.
•Quelles sont ces informations ?
Les gens parlent, mais, il me parait important de dire aux leaders politiques de la région qu’au-delà de leurs différents intérêts personnels, ils doivent mieux comprendre leur rôle. Ils ne doivent pas faire de cette affaire un fonds de commerce pour en tirer des profits personnels au détriment des populations. Ces mêmes populations, devraient aujourd’hui, après la guerre, pouvoir compter sur eux. Malheureusement, elles sont en train de comprendre que les politiques développées le sont à leur détriment. Elles doivent désormais désavouer les leaders qui agissent ainsi.
•Est-ce à dire que les premières victimes de ce report sont les populations ?
Dans un cadre essentiellement républicain, la visite d’un chef d’Etat dans une région est de nature à avoir un impact positif sur les activités et le développement de cette région. Il est donc évident que les populations en sont les premiers bénéficiaires. Je pense que les leaders devraient regarder ces populations avec plus de considération et de respect.
•Selon vous, quelles sont les causes potentielles du report de cette visite ?
Il faut s’en tenir aux termes du communiqué officiel. Je ne fais pas partie du comité d’organisation.
•Pensez-vous que les revendications en faveur de la réhabilitation de l’image du général Robert Guéi y soient pour quelque chose ?
J’ai été l’un des très proches collaborateurs du président Robert Guéi. Je ressens sa perte tout aussi difficilement que sa famille. Mais, la meilleure façon de respecter sa mémoire c’est de faire en sorte que la vérité soit rétablie autour de sa mort. Or, cela ne peut pas se faire dans une situation de confusion. Je m’interroge. Si au plus fort de la crise où les zones CNO étaient hermétiquement occupées, l’on venait révéler que l’assassin de Robert Guéi est identifié formellement et qu’il faisait partie des hommes qui se trouvent de l’autre côté de la zone de confiance. Quels auraient été les moyens que les personnes qui parlent aujourd’hui auraient eus pour aller le chercher et lui faire payer son acte ? Rien ! Donc, il faut que le retour de la paix soit effectif et total pour que les propositions faites à Marcoussis puissent être appliquées. A savoir, mettre sur pied une commission d’enquête. Mais, si aujourd’hui, l’on demande à une seule personne d’élucider d’abord cette mort avant de nous rendre visite, alors qu’elle n’est pas la justice, c’est compliqué. C’est une affaire trop sérieuse. L’assassinat de Guéi interpelle toute la nation ivoirienne. Intellectuellement, je trouve que c’est précipité et gauche de dire comme ça qu’il faut élucider des choses avant cette visite. Ça ressemble à la politique politicienne. Nous voulons tous que la vérité soit connue et que l’impunité prenne fin.
Il semble que la mésentente entre les cadres a été l’élément principal qui a motivé ce report.
Je n’en sais rien. Mais, quand je disais tout à l’heure que je regrette ce report, c’était bien vu. Les combats de leadership sont malheureusement la priorité des cadres. J’ai l’habitude de dire qu’en Afrique, les cadres qui ont eu la chance d’aller à l’école devraient mieux saisir l’enjeu. Nous ne constituons au niveau Bac + 3 qu’un pour cent de la population. Notre apport, dans ces conditions est si grand qu’on devrait plutôt se considérer comme des sacrifiés. Notre position de leader ne devrait chercher à s’affirmer que lorsqu’il s’agit de faire le bonheur réel du peuple. Dans les années 70, nous étions au même niveau de développement que des pays d’Asie du Sud-Est comme la Corée du Sud. Aujourd’hui, nous tendons la main pour prendre l’aide de ces pays. C’est qu’à l’époque, les ingénieurs de ces pays, contrairement à nous, n’étaient pas concentrés sur les postes et le leadership. Ils étaient dans les bas-fonds en train de produire le riz. Chez nous, on est juste concentré sur la lutte pour être vu comme le leader de la région à travers des discours. Je préfèrerais être celui qui a découvert la pénicilline plutôt que d’être le plus grand leader politique dans le monde qu’on connait aujourd’hui. Nous devrions savoir nous rendre réellement utile.
•C’est vrai qu’il y avait du bruit. Mais, ne pensez-vous pas que pour la paix, le chef de l’Etat devrait tout de même maintenir cette visite ? Il est bien allé à Bouaké dans un contexte plus tendu.
Je précise toujours que je ne connais pas la cause officielle du report. Mais, je me dis que si je suis un chef d’une grande famille et que je m’apprête à me rendre dans une chambre de la maison et qu’on me dit que les membres de la famille qui s’y trouvent sont en brouille, mon rôle c’est de faire en sorte que l’entente revienne. Je peux par exemple reporter mon entrée dans la chambre. Cela peut-être un signal fort pour interpeller chacun et placer les populations devant leurs responsabilités. Cette décision n’aura pas que des inconvénients ou des avantages. On va l’apprécier diversement. C’est sûr ! Mais, je comprends qu’il y ait de la passion, car l’Ouest est la dernière région qui reste à visiter. C’est en même temps la région qui a le plus souffert de cette guerre et où les plaies sont encore ouvertes. J’espère donc que ce report sera perçu comme une main tendue, un appel à l’entente entre les fils et les filles de cette région. J’espère aussi que la nouvelle date de la visite sera connue très bientôt.
Interview réalisée par Djama Stanislas
•La visite du chef de l’Etat à l’Ouest vient d’être reportée pour la énième fois. Un commentaire ?
C’est simplement qu’il faut regretter ce report. Même si cette décision des organisateurs est motivée par des raisons objectives, il n’est pas un bon signal par rapport à la réconciliation que nous prônons. Toutes les informations qui circulent actuellement autour de ce report ne sont pas de nature à arranger l’esprit républicain.
•Quelles sont ces informations ?
Les gens parlent, mais, il me parait important de dire aux leaders politiques de la région qu’au-delà de leurs différents intérêts personnels, ils doivent mieux comprendre leur rôle. Ils ne doivent pas faire de cette affaire un fonds de commerce pour en tirer des profits personnels au détriment des populations. Ces mêmes populations, devraient aujourd’hui, après la guerre, pouvoir compter sur eux. Malheureusement, elles sont en train de comprendre que les politiques développées le sont à leur détriment. Elles doivent désormais désavouer les leaders qui agissent ainsi.
•Est-ce à dire que les premières victimes de ce report sont les populations ?
Dans un cadre essentiellement républicain, la visite d’un chef d’Etat dans une région est de nature à avoir un impact positif sur les activités et le développement de cette région. Il est donc évident que les populations en sont les premiers bénéficiaires. Je pense que les leaders devraient regarder ces populations avec plus de considération et de respect.
•Selon vous, quelles sont les causes potentielles du report de cette visite ?
Il faut s’en tenir aux termes du communiqué officiel. Je ne fais pas partie du comité d’organisation.
•Pensez-vous que les revendications en faveur de la réhabilitation de l’image du général Robert Guéi y soient pour quelque chose ?
J’ai été l’un des très proches collaborateurs du président Robert Guéi. Je ressens sa perte tout aussi difficilement que sa famille. Mais, la meilleure façon de respecter sa mémoire c’est de faire en sorte que la vérité soit rétablie autour de sa mort. Or, cela ne peut pas se faire dans une situation de confusion. Je m’interroge. Si au plus fort de la crise où les zones CNO étaient hermétiquement occupées, l’on venait révéler que l’assassin de Robert Guéi est identifié formellement et qu’il faisait partie des hommes qui se trouvent de l’autre côté de la zone de confiance. Quels auraient été les moyens que les personnes qui parlent aujourd’hui auraient eus pour aller le chercher et lui faire payer son acte ? Rien ! Donc, il faut que le retour de la paix soit effectif et total pour que les propositions faites à Marcoussis puissent être appliquées. A savoir, mettre sur pied une commission d’enquête. Mais, si aujourd’hui, l’on demande à une seule personne d’élucider d’abord cette mort avant de nous rendre visite, alors qu’elle n’est pas la justice, c’est compliqué. C’est une affaire trop sérieuse. L’assassinat de Guéi interpelle toute la nation ivoirienne. Intellectuellement, je trouve que c’est précipité et gauche de dire comme ça qu’il faut élucider des choses avant cette visite. Ça ressemble à la politique politicienne. Nous voulons tous que la vérité soit connue et que l’impunité prenne fin.
Il semble que la mésentente entre les cadres a été l’élément principal qui a motivé ce report.
Je n’en sais rien. Mais, quand je disais tout à l’heure que je regrette ce report, c’était bien vu. Les combats de leadership sont malheureusement la priorité des cadres. J’ai l’habitude de dire qu’en Afrique, les cadres qui ont eu la chance d’aller à l’école devraient mieux saisir l’enjeu. Nous ne constituons au niveau Bac + 3 qu’un pour cent de la population. Notre apport, dans ces conditions est si grand qu’on devrait plutôt se considérer comme des sacrifiés. Notre position de leader ne devrait chercher à s’affirmer que lorsqu’il s’agit de faire le bonheur réel du peuple. Dans les années 70, nous étions au même niveau de développement que des pays d’Asie du Sud-Est comme la Corée du Sud. Aujourd’hui, nous tendons la main pour prendre l’aide de ces pays. C’est qu’à l’époque, les ingénieurs de ces pays, contrairement à nous, n’étaient pas concentrés sur les postes et le leadership. Ils étaient dans les bas-fonds en train de produire le riz. Chez nous, on est juste concentré sur la lutte pour être vu comme le leader de la région à travers des discours. Je préfèrerais être celui qui a découvert la pénicilline plutôt que d’être le plus grand leader politique dans le monde qu’on connait aujourd’hui. Nous devrions savoir nous rendre réellement utile.
•C’est vrai qu’il y avait du bruit. Mais, ne pensez-vous pas que pour la paix, le chef de l’Etat devrait tout de même maintenir cette visite ? Il est bien allé à Bouaké dans un contexte plus tendu.
Je précise toujours que je ne connais pas la cause officielle du report. Mais, je me dis que si je suis un chef d’une grande famille et que je m’apprête à me rendre dans une chambre de la maison et qu’on me dit que les membres de la famille qui s’y trouvent sont en brouille, mon rôle c’est de faire en sorte que l’entente revienne. Je peux par exemple reporter mon entrée dans la chambre. Cela peut-être un signal fort pour interpeller chacun et placer les populations devant leurs responsabilités. Cette décision n’aura pas que des inconvénients ou des avantages. On va l’apprécier diversement. C’est sûr ! Mais, je comprends qu’il y ait de la passion, car l’Ouest est la dernière région qui reste à visiter. C’est en même temps la région qui a le plus souffert de cette guerre et où les plaies sont encore ouvertes. J’espère donc que ce report sera perçu comme une main tendue, un appel à l’entente entre les fils et les filles de cette région. J’espère aussi que la nouvelle date de la visite sera connue très bientôt.
Interview réalisée par Djama Stanislas